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Culture

Des artistes sahéliens indésirables en France

Des artistes sahéliens indésirables en France
  • Publiéseptembre 14, 2023

Le ministère français des Affaires étrangères demande de ne plus programmer les artistes qui viennent du Niger, du Burkina Faso et du Mali. De nombreux artistes venus de ces pays sahéliens étaient programmés, ces prochaines semaines.

 

La nouvelle sidère les milieux culturels français : une note du ministère des Affaires étrangères demande aux directeurs de théâtre, de festivals, de concerts, de ne plus programmer d’artistes venus du Niger, du Burkina Faso et du Mali. Le mail envoyé ne laisse guère de place à l’interprétation : il s’agit de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, tous les projets culturels avec ces trois pays.

Le « Quai d’Orsay », comme on nomme en France ce ministère, demande aussi la suspension de tous les soutiens financiers apportés aux associations culturelles, aux troupes du Mali, du Niger et du Burkina Faso, et de ne plus lancer d’invitation à ces artistes. 

« Les artistes sont l’expression de la liberté ; en quoi sont-ils responsables des coups d’État dans leurs pays ? », s’interroge Selon le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. 

« Sur instruction du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, il a été décidé de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toute coopération avec les pays suivants : Mali, Niger, Burkina Faso. Par conséquent, tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception. Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée. À compter de ce jour, la France ne délivre plus de visas pour les ressortissants de ces trois pays sans aucune exception, et ce jusqu’à nouvel ordre. »

Un peu plus tard, le Quai d’Orsay aurait fait savoir que les artistes déjà présents en France n’étaient pas interdits, mais qu’aucun nouveau visa ne serait délivré.

Le syndicat français des entreprises artistiques et culturelles, Syndeac, a protesté vigoureusement contre cette décision, qualifié de « comminatoire ». Il a demandé une réunion en urgence avec le ministère pour le faire infléchir.

Plusieurs organisateurs de spectacles sont dans l’expectative. Dans quelques jours, débute ainsi la 40e édition des Francophonies de Limoges, dans le centre de la France. Elle comportait une importante programmation africaine.

 

« Cette décision n’a aucun sens »

Au micro de France Inter, le metteur en scène burkinabè Hassane Kassi Kouyaté (photo ci-dessus) s’inquiète de cette situation : « Nous sommes tous otages des décisions politiques. Ce sont des décisions qui nous dépassent, mais je les subis en tant qu’organisateur et en tant qu’artiste. C’est d’autant plus difficile que nous sommes sur certains projets depuis trois ans. On a une décision qui nous dit que ces artistes ne peuvent plus travailler ici, et c’est très grave. Je le vis très mal. »

Le premier syndicat des entreprises culturelles du secteur public (Syndeac) a demandé ce matin une réunion d’urgence avec le ministère des Affaires étrangères pour tenter de faire infléchir cette décision. Selon le Syndeac, cette directive « n’a évidemment aucun sens d’un point de vue artistique et constitue une erreur majeure d’un point de vue politique ». Et le communiqué de considérer que « c’est tout le contraire qu’il convient de faire ». En effet, cette politique de la circulation des artistes et de leurs œuvres n’a jamais prévalu dans aucune crise internationale, des plus récentes avec la Russie aux plus anciennes et plus durables, avec la Chine ».

Cette décision a été condamnée par l’opposition politique, notamment de gauche. Elle semble aller à l’encontre de la tradition d’accueil de la France en matière culturelle. De plus, le boycott n’est pas non plus dans les habitudes de la France, y compris dans le sport. Certes, les dirigeants des pays concernés ne ménagent pas leurs critiques contre la France – à tort ou à raison. On peut toutefois se demander en quoi les artistes sahéliens, sont concernés. D’autant plus qu’en règle générale, ils délivrent un message universel de paix. La plupart du temps, ces artistes sont même des victimes des aléas politiques de leur pays d’origine. Sur X (ex-Twitter), la députée écologiste Sandrine Rousseau s’insurge : « La culture a toujours été, et doit rester, un vecteur de médiation et de pacification des relations. Cette décision est incompréhensible. »

@NA

 

Écrit par
Laurent Soucaille

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