…« Nous avons une croissance forte, nous voyons des classes moyennes émerger, mais l’extrême pauvreté, c’est comme si nous étions encore dans une trappe : nous n’arrivons pas à en sortir. Notre croissance n’arrive pas à créer des emplois. » Un scandale, selon lui. « Dans mon pays, des ingénieurs chimistes diplômés font le moto-taxi », regrette l’ancien Premier ministre du Bénin.
L’Europe parvient à créer des emplois avec des taux de croissance de 1,5 %, mais pas l’Afrique avec des taux de 5 % ou 7 % qui feraient pâlir d’envie nombre de pays développés… Un « scandale » dont les causes sont pourtant faciles à identifier : « Les acteurs doivent se coaliser. Vous ne pouvez pas demander à des gouvernements qui prélèvent 15 % à 20 % du PIB – contre plus de 40 % dans les pays développés ! – de tout faire… Le secteur privé est absolument incontournable. »
Solliciter l’effort de tous
Pour Mohcine Jazouli, les accords signés en mars 2018 sur la Zone de libre-échange africaine (ZLEC) pourraient occasionner « un big-bang qui contribuerait à accroître le commerce intra-africain de plus de 50 % ». Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et l’intégration continentale suppose, avant tout, l’effort de tous.
C’est l’avis de Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie, qui soutient avec force l’idée de la co-émergence : « Ce continent sera ensemble ou ne sera pas. » Et le temps de l’industrialisation de l’Afrique est peut-être venu, qui pourrait bien être, contre toute attente, la clé de cette intégration tant attendue. À condition qu’elle soit placée sous le signe de la complémentarité de chaînes de valeurs auxquelles
participeraient différents pays d’une même région ou différentes régions entre elles. « Faire de l’industrie dans nos pays pour faire de la figuration, cela n’a pas d’intérêt, s’il n’y a pas un minimum d’intégration : si les pièces de nos véhicules ne sont pas fabriquées chez nous, si nous ne faisons que des parties infimes de cette industrialisation, la valeur ajoutée ne restera pas chez nous », explique-t-il.
Aujourd’hui, le Maroc est parvenu à un stade d’industrialisation qui lui permet de fabriquer 700 000 véhicules par an. Il fabrique des moteurs d’avions pour Safran. Airbus et Boeing sont également présents sur son territoire.
Des pionniers récompensés
Une position que le royaume a mis cinquante ans à atteindre, après avoir démarré son industrialisation par de simples activités d’assemblages, et dont ses voisins pourraient profiter : « Nous pouvons organiser entre nous une complémentarité permettant à des pays frères d’entrer dans ce monde-là, sans mettre autant de temps que nous, pour avoir, en dix ou quinze ans, une industrie automobile, ou dans un autre secteur » poursuit Moulay Hafid Elalamy.
« Pendant longtemps, on a cru que l’industrie était réservée aux pays développés. La Chine a aspiré l’industrie du monde pendant des décennies. Or, la Chine a changé de modèle économique, ce qui offre des potentialités énormes à l’ensemble des pays du monde, en particulier à l’Afrique. L’industrialisation est un pourvoyeur extraordinaire d’emplois qui peut permettre à nos pays d’émerger », estime-t-il.
Comme lors des précédentes éditions, des Trophées sont venus récompenser les jeunes entrepreneurs les plus innovants et les plus prometteurs. « Voilà qui me donne le goût de revenir au Maroc ! », réagit Oussama Abbou, Franco-marocain, qui a reçu le Premier prix pour Smart Prospective, une start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle, installée à Paris.
Un prix de la coopération Sud-Sud est également venu récompenser la société égyptienne Elswedy Electric. Des pionniers qui dessinent l’Afrique de demain ? Lionel Zinsou conclut : « Le développement de l’Afrique ne sera pas celui de l’Europe. Ce que nous avons à faire, personne ne l’a jamais fait.»
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