Développement : L’urbanisation n’est pas un mal

La taille grandissante des villes pose des difficultés, parfois insurmontables, en matière d’urbanisme. Chaque pays tente d’y faire face. Mais la ville africaine est aussi un pôle d’accélération économique.
Par Christian d’Alayer
En 1960, deux villes seulement (Le Caire et Johannesburg) dépassaient le million d’habitants. En 1999, elles sont 25. En 2009, il y a 57 mégapoles africaines. » C’est le texte que vous pouvez lire dans Wikipédia. Et aujourd’hui (voir tableau n° 1), il y a 90 villes africaines de plus de 1 million d’habitants : deux de plus de 20 millions, deux de plus de 10 millions, quatre hébergeant entre 6 et 9 millions d’habitants, deux de plus de 5 millions, dix de plus de 4 millions, sept de plus de 3 millions, 18 de plus de 2 millions et 45 de plus de 1 million.
Au total, près de 300 millions d’Africains vivent dans une ville de plus de 1 million d’habitants, soit près du cinquième d’une population qui, en 1960, était rurale à plus de 90 % ! Elle ne l’est plus aujourd’hui qu’à 60 % sans que, pour autant, les campagnes se soient désertées : C’est que, dans le même temps de l’urbanisation, la population africaine passait d’environ 200 millions d’habitants (les sources divergent sur ce point entre 160 et 250 millions) à environ 1,3 milliard en 2018 : 95 % de 200 millions = 190 millions de ruraux alors que 60 % (taux actuels des ruraux en Afrique) de 1,3 milliard = 780 millions de ruraux, 4 fois plus qu’en 1960 : le phénomène africain est donc très différent des exodes ruraux occidentaux qui voyaient leurs campagnes se vider au profit des villes. En Afrique, l’urbanisation progresse en fait plus vite que la ruralité.
Les taux de natalité baissent rapidement dans les grandes villes – C’est un effet ignoré visiblement par les détracteurs écologiques des grandes cités : le nombre d’enfants par femme en âge de procréer s’y effondre et c’est grâce à l’urbanisation que ce taux est passé de 6,5 à 4,5 pour toute l’Afrique en moins de 20 ans. Car dans les campagnes, le taux est resté très élevé.
Alors, les « experts » s’affolent. Car il est vrai que les États africains sont pauvres et n’arrivent pas globalement à suivre cette montée en puissance des grandes villes. Autour de centres-villes plutôt modernes voire avant-gardistes s’étale, à l’horizontal, une multitude de « quartiers » pour la plupart sous-développés : pas ou peu d’assainissement, une voirie souvent juste ébauchée, une sous-électrification, et une distribution alimentaire restée à l’ancienne, dans des marchés traditionnels où le respect de l’hygiène n’est pas toujours la priorité. S’ajoute à ces maux une insécurité qui a crû même dans les villes moyennes
Des doutes sur les chiffres du chômage
Car la croissance des villes a aussi amoindri l’antique phénomène de la solidarité familiale, tous les ruraux et immigrés s’étant urbanisés ne trouvant pas sur place d’épaules à même de les soutenir le temps qu’ils trouvent du travail. Car les taux de chômage ont aussi augmenté, la création d’emplois en Afrique reposant essentiellement sur la création et le développement de PME locales. À un rythme, là encore, en dessous de celui de l’urbanisation.
Les chiffres sont rares à cet égard d’autant que les secteurs informels, très importants en Afrique (tous supérieurs à 50 % du PIB officiel), faussent nécessairement les données récoltées. C’est donc dans les villes que se concentrent les chômeurs, probablement entre 25 % et 30 % des populations urbanisées en moyenne. D’où, cette fois-ci, l’émigration vers des cieux plus attirants, Afrique du Sud, Nigeria et Europe par exemple.
L’urbanisation africaine est donc devenue un problème pour les Européens qui, il faut leur reconnaître au moins cela, sont les peuples qui comptent le plus d’immigrés en pourcentage : plus de 12 % en moyenne aujourd’hui dans la région la plus dense humainement du monde : plus de 120 habitants au km2 contre une moyenne mondiale d’environ 50 habitants au km2.
La vision européenne ne peut donc pas être la même que la vision africaine : car les Africains n’occupent, eux, leur territoire qu’à hauteur de 30 habitants au km2, la densité la plus faible du monde. En n’oubliant pas qu’en 1960, il n’y avait que 8 habitants au km2 du nord au sud du continent ! De plus, les Africains ne pesaient plus, toujours en 1960, que 9 % de la population mondiale contre 17 % quatre siècles auparavant. Niveau qu’ils ont presque retrouvé aujourd’hui avec de nombreuses conséquences positives. Dont celle d’une augmentation conséquente des productions agricoles.