Bénin : Querelles de chiffres autour de la «loi embauche»

La loi de 2017 vise à assouplir des procédures de licenciement. Objectif, réduire du tiers le sous-emploi (72 %) et ramener de 2,4 % à moins de 1% le taux de chômage officiel. Si gouvernement et patronat se frottent les mains, les syndicats s’alarment.
Cotonou, Max-Savi Carmel
Pas moins de 20 000 emplois créés en deux années dont la moitié concentrée sur le seul dernier semestre 2018. « Résultats des réformes et actions récentes », se vante le chef de l’État qui en avait fait lui-même l’annonce, lors de son discours sur l’état de la Nation, au parlement, fin décembre 2018.
« Grotesque ! », rétorque dans la foulée l’opposition. Le gouvernement fait une corrélation entre une loi adoptée en août 2017, fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de main-d’oeuvre et de résiliation de contrat, et le réveil du marché de l’emploi.
Cette « loi embauche » fait suite à une accumulation de dossiers de licenciements aussi bien auprès des Prud’hommes que du tribunal de Première instance des principales villes du pays.
Si l’objectif de cette disposition législative est de faciliter des licenciements dans la fonction publique, elle profite aussi au privé, notamment dans le secteur bancaire, où les droits de licenciement équivalaient le plus souvent à plusieurs années de salaires.
L’un des plus actifs de l’Uemoa, le secteur bancaire béninois est aussi un grand pourvoyeur d’emplois. Les banques ont vite profité de la nouvelle loi pour recruter de nouveaux cadres notamment, mais aussi pour mettre fin à de multiples emplois.
Le patronat et le gouvernement sont satisfaits de la loi pendant que les syndicats dénoncent une fragilisation de l’emploi et la fin de la protection sociale. Une chose est certaine, aucune réforme sociale n’a divisé autant travailleurs et gouvernement au Bénin.
La face cachée des statistiques
Bien qu’il peine à convaincre, le gouvernement insiste sur le chiffre qu’il attribue aux premiers effets positifs de la très contestée loi embauche. L’universitaire René Ahouansou y voit une manipulation, exigeant de l’exécutif qu’il fasse la clarté entre les « emplois directs et indirects » pour éviter la confusion.
Dans son étude, la Commission économique pour l’Afrique classe le Bénin parmi les pays dont le taux de chômage est le plus faible du continent, 2,5%.
Un chiffre « meilleur que la réalité régionale », selon le ministère de l’Économie et des finances, mais qui ne tient pas compte objectivement de la nature même du marché de l’emploi. « Le chômage est aussi bas parce que le sous-emploi est endémique », remarque Christelle Akplogan.