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Art et Culture

Tombouctou, énorme nostalgie

  • Publiédécembre 10, 2014

Partant de Paris, le journaliste Intagrist El Ansari revient dans son désert natal, à Tombouctou. Et relate son lent périple, les pays traversés, les hommes rencontrés. Ses cahiers sont une ode à la culture des Touaregs.

Journaliste et réalisateur de reportages pour la télévision, le Touareg malien Intagrist El Ansari (37 ans) raconte dans Écho saharien, L’inconsolable nostalgie son voyage par voie terrestre de Paris à Tombouctou, que marque un retour au désert après dix années d’absence.

Sachant que l’important n’est pas la destination mais le chemin, embarquons avec l’auteur pour un périple aux destinations multiples, aux escales toutes aussi fascinantes les unes que les autres : au Maroc d’abord, à Tanger où le narrateur est heureux de poser ses pas sur ceux d’Ibn Battûta, le grand voyageur du XIVe siècle ; en Algérie ensuite, à Timiawin et à Tamanrasset, capitale du Hoggar ; au Mali, enfin, à Menaka, Gao, Bamako, Kidal ; non sans oublier, en cours de route, quelques tours et détours, notamment par la Mauritanie, à Nouakchott.

C’est précisément dans cette écoute silencieuse, dont le Sahara se fait l’écho, et qui suggère le titre du livre, que l’on peut toucher au cœur du désert, et donc de soi-même, atteindre la paix intérieure, la tranquillité de l’âme. Avec ce récit initiatique, Intagrist El Ansari nous entraîne dans une belle et mystique odyssée désertique. Des cahiers d’un retour au désert natal tout sauf arides.

Pour ce voyage, un seul bagage : un sac. Celui avec lequel le narrateur est arrivé à Paris quelques années plus tôt et, dedans, quelques livres dont jamais il ne se sépare. Car il veut partir le cœur et les bras légers, le bagage étant aliénation, comme toute forme de possession matérielle. De même la sédentarité est-elle un piège, si l’on en croit le poète touareg Ibrahim Al Koni : « La loi du désert stipule que rester plus de 40 jours à la même place, c’est tomber en esclavage. » Ainsi le nomade El Ansari décide-t-il de revenir aux valeurs de ses ancêtres, aux antipodes du monde occidental, de la civilisation moderne, de la société de consommation et de possession.

Ainsi sillonne-t-il le désert en 4×4 pick-up, au cœur des paysages sahéliens ou sahariens, avec la route qui défile comme autant de tableaux aux motifs et aux couleurs uniques. Vastes étendues, horizons sans limite, dunes sans fin, mai- sons en terre enfouies sous le sable, ergs, oasis… et quelques mirages aussi ! Sans doute sont-ils plus authentiques que ceux fabriqués par la société moderne et ses « progrès » technologiques.

Le désert des hommes bleus

Le soir venu, entre ciel et sable, au plus près de milliards d’étoiles, dans un paysage lunaire, l’on ne peut qu’être subjugué par cette atmosphère céleste. L’occasion d’adresser cette belle prière : « Les bras, le cœur et la tête ouverts ; que les lumières de toutes les époques, de tous horizons, éclairent mon chemin animé par un désir de savoir, une soif de connaissance, une quête d’absolu et de vérité, sur la route de l’infini. »

Au fil des pages, la sensibilité et le riche imaginaire de l’auteur se déploient, pour nous restituer tout ce qui fonde la richesse du patrimoine culturel des hommes aux semelles de vent, leur rendant ainsi un vibrant hommage.Ce livre est un éloge du dénuement et du mouvement, quand il est paisible, évidemment.

Car, mieux que tout, le désert peut étancher la soif d’absolu qui habite certains hommes. Parfois, la route du narrateur croise celle des hommes bleus, dont le visage est recouvert d’un voile indigo qui ne laisse voir que leurs yeux. L’occasion d’une halte pour se reposer autour d’un thé en se laissant bercer au son de l’oud, instrument roi de la musique touarègue. Écho saharien a le mérite de nous donner à comprendre la complexité et la richesse de leur civilisation, en faisant tomber le cliché ou le mythe réducteur « des hommes bleus du désert, qui se promèneraient de dunes en dunes, sans but précis, sur leurs chameaux, les yeux rivés sur l’espace désertique saharien ».

Pour ces hommes, le concept de nationalité n’a d’autre importance que de passer administrativement d’un poste frontalier à un autre. « Mais je suis toujours au Sahara, toujours en territoire touareg, compris entre la Libye, le Niger, le Mali et l’Algérie […] Bien qu’originaire de Tombouctou, j’ai une branche de ma famille en Algérie, une autre en Libye, au Niger, au Maroc et ailleurs… »

Au fil des pages, la sensibilité et le riche imaginaire de l’auteur se déploient, pour nous restituer tout ce qui fonde la richesse du patrimoine culturel des hommes aux semelles de vent, leur rendant ainsi un vibrant hommage. Préfacé par Mbarek ould Beyrouk, grande figure de la littérature mauritanienne, ce livre est un éloge du dénuement, et du mouvement – quand il est paisible, évidemment. Il est aussi un éloge de la lenteur et du silence, une invitation à se retirer de la course frénétique du monde et à « écouter le silence ».

C’est précisément dans cette écoute silencieuse, dont le Sahara se fait l’écho, et qui suggère le titre du livre, que l’on peut toucher au cœur du désert, et donc de soi-même, atteindre la paix intérieure, la tranquillité de l’âme. Avec ce récit initiatique, Intagrist El Ansari nous entraîne dans une belle et mystique odyssée désertique. Des cahiers d’un retour au désert natal tout sauf arides.

Écrit par
ade

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