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Analyse et Opinion

Un choc pour la productivité agricole

Un choc pour la productivité agricole
  • Publiéseptembre 5, 2023

Le dérèglement climatique affecte particulièrement la productivité des terres, en chute de 34% en 60 ans, sur le continent. Cette situation rend l’Afrique encore plus dépendante des importations, tandis qu’elle recherche l’autosuffisance alimentaire.

 

Nous le savons, l’Afrique n’est responsable que d’une fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais elle pâtit de manière disproportionnée du changement climatique. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) alerte : cette situation nuit à la sécurité alimentaire, aux écosystèmes et à l’économie, elle alimente les déplacements et les migrations et elle aggrave la menace de conflits provoqués par la raréfaction des ressources.

De plus, la vitesse à laquelle la température augmente s’accélère et des phénomènes météorologiques extrêmes aggravent l’insécurité alimentaire de l’Afrique, alors que la productivité agricole chute.

« La santé des populations, la paix, la prospérité, les infrastructures et les autres activités économiques dans de nombreux secteurs en Afrique courent des risques considérables en raison du changement climatique. »

Le rapport sur l’État du climat en Afrique 2022 montre que le rythme de la hausse des températures en Afrique s’est accéléré au cours des dernières décennies et que les risques liés au temps et au climat sont de plus en plus graves.

L’« Afrique est responsable de moins de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Or c’est le continent qui est le moins à même de faire face aux effets délétères du changement climatique. Les canicules, les fortes pluies, les inondations, les cyclones tropicaux et les sécheresses persistantes ont des effets dévastateurs sur les communautés et les économies, et le nombre de personnes menacées va croissant », commente le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas, cité par un communiqué des Nations unies.

À cause du changement climatique, la croissance de sa productivité agricole a chuté de 34% depuis 1961.

« Cette baisse est la plus élevée enregistrée par comparaison à ce qu’ont connu d’autres régions du monde », constate l’OMM. Les projections prévoient que, d’ici 2025, les pays africains multiplieront par trois leurs importations annuelles de denrées alimentaires qui passeront de 35 milliards de dollars à 110 milliards $.

Au cours de la période 1991-2022, l’Afrique a enregistré un taux moyen de réchauffement de +0,3 degré/décennie, contre +0,2 degré/décennie entre 1961 et 1990. Ce chiffre dépasse légèrement la moyenne mondiale. C’est en Afrique du Nord, aux prises avec des canicules extrêmes ayant alimenté des incendies de forêt en Algérie et en Tunisie en 2022, que le réchauffement a été le plus rapide.

 

Des données insuffisantes

La Corne de l’Afrique a subi sa pire sécheresse depuis 40 ans ; l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie ont été particulièrement durement frappés. En Somalie, quelque 1,2 million de personnes ont quitté leur foyer à l’intérieur du pays au cours de l’année.

Dans le même temps, de nombreuses régions du Sahel ont subi d’importantes inondations pendant la mousson. Le Nigéria, le Niger, le Tchad et la moitié sud du Soudan ont été particulièrement touchés.

Tripoli sous la neige le 25 janvier 2022 et subissant une tempête de sable, le 20 mars de la même année.
Tripoli sous la neige le 25 janvier 2022 et subissant une tempête de sable, le 20 mars de la même année.

 

Dans ce contexte, les aléas météorologiques, climatiques et hydrologiques ont touché directement en 2022 plus de 110 millions de personnes sur le continent et provoqué des dommages économiques chiffrés à plus de 8,5 milliards de dollars. La base de données sur les situations d’urgence fait état de 5 000 décès signalés, 48% par suite de la sécheresse et 43 % d’inondations.

Toutefois, préviennent les analystes climatiques, le nombre réel de victimes est probablement beaucoup plus élevé en raison du phénomène de sous-déclaration.

Dans un monde où le réchauffement serait de 4 °C avec une adaptation régionale forte, l’Afrique pourrait encourir, chaque année d’ici à 2080, des coûts dus aux « dommages résiduels » équivalant à 3% de son PIB projeté.

Les coûts des pertes et dommages dus au changement climatique en Afrique sont estimés entre 290 et 440 milliards $ sur la période 2020-2030 d’après la Commission économique pour l’Afrique.

Face à cela, le financement de l’adaptation au climat ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce dont a besoin le continent. Plus de 50 pays africains ont désormais soumis leur contribution déterminée au niveau national. Pour mettre en œuvre ces contributions, il faudra près de 2 800 milliards $ entre 2020 et 2030.

« Les observations météorologiques sont très lacunaires en Afrique et les services d’alerte précoce sont terriblement insuffisants. Nous sommes bien déterminés à combler ces lacunes et à faire en sorte que tout le monde puisse recevoir des alertes précoces salvatrices », insiste Petteri Taalas.

Ce rapport a été rendu public dès l’ouverture du Sommet africain sur le climat, à Nairobi (Kenya) à l’occasion duquel le plan d’action sur les alertes précoces pour tous en Afrique a également été lancé.

L’« Afrique, à l’instar d’autres régions, s’est résolue à accepter la réalité, à savoir que le changement climatique est déjà à l’œuvre. Si l’on lui donne libre cours, les années et les décennies à venir seront facilement caractérisées par une pression climatique forte pesant sur la nature, les moyens de subsistance et les économies des pays du continent », commente l’ambassadeur Josefa Leonel Correia Sacko, membre de la Commission de l’Union africaine.

« Étant donné le degré élevé d’exposition de l’Afrique, sa fragilité et sa faible capacité d’adaptation, on peut s’attendre à ce qu’elle subisse de plein fouet les effets du changement climatique. La santé des populations, la paix, la prospérité, les infrastructures et les autres activités économiques dans de nombreux secteurs en Afrique courent des risques considérables en raison du changement climatique », écrit-elle dans le rapport.

 

@NA

Écrit par
Aude Darc

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