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Analyse et Opinion Opinion

Plaidoyer pour une remondialisation

Plaidoyer pour une remondialisation
  • Publiéjuin 30, 2023

S’inscrivant dans le débat sur les chaînes de valeurs mondiales, Kristalina Georgieva et Ngozi Okonjo-Iweala considèrent que le commerce international entre pays très éloigné garde sa pertinence, à condition de respecter les nouvelles priorités du développement durable.

 

Faut-il écarter définitivement l’idée que le commerce est source de transformation ? « Nous répondons par un non catégorique ! », expriment Kristalina Georgieva et Ngozi Okonjo-Iweala. La première est directrice générale du FMI (Fonds monétaire international) et la seconde dirige l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Elles signent en commun une tribune publiée par leurs deux organisations.

Selon les deux dirigeantes, « le commerce n’a jamais cessé de tenir ses promesses, même pendant les crises récentes ». Aussi est-il « tout à fait susceptible » de continuer à aider à améliorer les niveaux de vie et les perspectives économiques au cours des décennies à venir.

« Le FMI a pour mission de stimuler la croissance équilibrée du commerce international. L’OMC demeure la seule structure qui réunit l’ensemble des pays pour faire avancer la réforme du commerce. »

Elles distinguent « au moins trois raisons » pour lesquelles le commerce international est vital pour la prospérité mondiale. Premièrement, il rehausse la productivité en accentuant la division internationale du travail. Deuxièmement, il permet une croissance économique tirée par les exportations en donnant accès aux marchés étrangers. Troisièmement, il renforce la sécurité économique en offrant aux entreprises et aux ménages des options de sortie utiles lorsqu’ils sont frappés par des chocs.

Durant la pandémie, les échanges commerciaux et les chaînes d’approvisionnement sont devenus indispensables pour augmenter la production et la distribution de fournitures médicales, y compris de vaccins. Grâce à l’activité et à la diversification des marchés internationaux des céréales, des pays habituellement tributaires des importations depuis l’Ukraine et la Russie ont pu compenser l’insuffisance. Par exemple, l’Éthiopie a cessé d’importer du blé d’Ukraine, mais se procure actuellement 20 % de son blé auprès de l’Argentine, alors même qu’elle ne lui en avait jamais acheté auparavant.

Dans ce contexte, la fragmentation pourrait se révéler pénalisante pour l’économie mondiale. Un scénario dans lequel le monde se divise en deux blocs commerciaux distincts pourrait entraîner une chute de 5 % du PIB mondial, d’après une étude de l’OMC. Dans le même temps, le FMI estime que les pertes mondiales imputables à la fragmentation du commerce pourraient être comprises entre 0,2 % et 7 % du PIB.

 

Trop de personnes sur le carreau

Les pays émergents et les pays à faible revenu seraient particulièrement exposés en raison du déficit de transfert de connaissances. C’est pourquoi il faut se tourner vers « un projet prometteur de politique commerciale tourné vers l’avenir qui tient compte du devenir du commerce international, lequel sera inclusif, vert et de plus en plus axé sur le numérique et les services », jugent les autrices.

Qui reconnaissent que si le commerce a contribué à réduire la pauvreté et les inégalités, « il a laissé trop de personnes sur le carreau », tant dans les pays riches que dans les pays pauvres. « Cela n’est pas une fatalité » : en adoptant les bonnes politiques intérieures, les pays peuvent exploiter les nombreuses possibilités offertes par le libre-échange et permettre à celles et ceux qui ont été laissés de côté de revenir dans la course.

Par exemple, des dispositifs de protection sociale bien pensés, un surcroît d’investissements dans la formation et des politiques dans des domaines comme le crédit, le logement et les infrastructures qui facilitent la mobilité des travailleurs entre les secteurs, les professions et les entreprises, au lieu de l’entraver, pourraient tous jouer un rôle.

Dès lors, l’initiative actuelle en faveur d’une plus grande diversification des chaînes d’approvisionnement recèle un grand potentiel pour les pays et communautés qui peinent à trouver leur place dans les chaînes de valeur mondiales. L’intégration d’un plus grand nombre d’entre eux dans les réseaux de production, cette « re-mondialisation », serait « une bonne chose pour la résilience, la croissance et le développement des chaînes d’approvisionnement ».

Pour Kristalina Georgieva et Ngozi Okonjo-Iweala, le commerce international sera indispensable pour résoudre bon nombre des actuels problèmes mondiaux les plus urgents. Sans le commerce, nous ne pourrons pas surmonter la crise climatique et parvenir à la neutralité en matière de gaz à effet de serre. Les échanges commerciaux s’imposent pour amener les technologies et services bas carbone sur tous les territoires où ils sont nécessaires. Un commerce ouvert et prévisible réduit le coût de la décarbonation en étoffant les marchés, en permettant des économies d’échelle et en favorisant l’apprentissage par la pratique.

 

Une nécessaire coopération

Enfin, en modernisant les règles commerciales internationales, les pays peuvent aider le commerce à prospérer dans de nouveaux domaines qui élargiraient les possibilités, surtout pour les pays émergents, expliquent les dirigeantes, qui font allusion aux services numériques.

De même, une coopération multilatérale et des normes communes pourraient accélérer la transition écologique tout en empêchant la fragmentation des marchés et en limitant autant que possible les retombées négatives sur les autres pays. Selon les dirigeantes, il est possible d’apaiser les tensions dans des « domaines sensibles » comme les subventions grâce à des données, des analyses et un consensus sur l’élaboration des politiques. Et d’appeler à « une coopération plus étroite afin de mettre à profit les progrès accomplis et de concevoir des solutions au changement climatique et à d’autres problèmes mondiaux. »

@AB

 

Écrit par
Rédaction

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