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Analyse et Opinion

Opinion : Fermiers blancs en Afrique acte II

  • Publiéjuin 14, 2018

En Afrique du Sud, la question de la propriété foncière est essentielle. Le nouveau Président évitera-t-il les erreurs commises en Afrique, notamment au Zimbabwe, après les Indépendances ?

Par Christian d’Alayer

Pour l’emporter sur Jacob Zuma, Cyril Ramaphosa s’était rallié à sa politique de réforme agraire en faveur des Noirs sud-africains. Le projet de loi était dans les tuyaux et le nouveau chef de l’État l’a laissé aller jusqu’à son terme : désormais, les Noirs qui pourront prouver que leur famille a été illégalement expropriée de leur terre par les Blancs pourront la récupérer sans indemnités. S’ajoute à cette mesure une politique de rachat des terres non récupérables de cette manière, sachant qu’aujourd’hui, plus de 70 % des terres appartiennent à une minorité de fermiers blancs.

Ce tableau est toutefois moins sombre qu’en 1994, au lendemain de la fin de l’apartheid : à l’époque, les Blancs possédaient plus de 85 % des terres, bien entendu les meilleures. Voici donc un remake de la réforme agraire du Zimbabwe voisin et les Occidentaux vont donc renouveler condamnations et, peut-être, satanisation. Leurs médias ont d’ailleurs commencé en soulignant…

Une nouvelle étape est en train d’être franchie, illustrée par la montée en force de l’agro-industrie : celle des autochtones d’abord, consistant en l’achat de terres, de machines et d’intrants, confiés à des agriculteurs contre loyer ou part des bénéfices.

…l’« effondrement » de la production agricole zimbabwéenne après le départ des fermiers blancs. Mais, aujourd’hui comme hier, la substitution de Blancs par les Noirs leur masquera les réalités.

Commençons donc par l’essentiel, soit l’état d’esprit des autochtones, tout de même, face à ce problème des terres agricoles : l’Afrique subsaharienne est encore majoritairement rurale et la terre a le même caractère sacré qu’elle eut en Occident avant l’urbanisation. D’autant plus qu’au sud du Sahara, la terre était collective et inaliénable.

Dans beaucoup de villages, c’est le chef qui la distribuait aux nouveaux couples et la reprenait quand elle devenait libre pour la redistribuer à nouveau. Ailleurs, elle restait propriété familiale, où que se trouvent les membres de la famille. C’est ainsi qu’à Douala, par exemple, et encore de nos jours, retrouver tous les copropriétaires d’un terrain pour y construire un immeuble reste une gageure. Et c’est sur cet héritage juridiquement impossible à définir que les colons sont venus imposer et leur présence, et la propriété individuelle aliénable.

Au Zimbabwe, les disciples de Cecil Rhodes n’y allèrent pas par quatre chemins : ils parquèrent les fermiers noirs dans une réserve et prirent leurs terres sans autre forme de procès. Le processus était proche en Afrique du Sud, où les expropriations sans indemnités furent légion, notamment de la part des colons hollandais, les Boers.

Les fermiers noirs devinrent ouvriers agricoles, mal rémunérés qui, plus est, si on en juge aux très nombreuses révoltes agraires de ces dernières décennies. Premier point donc, les terres d’Afrique australe ont été volées en très grande partie par les colons blancs.

Du gré à gré en Côte d’Ivoire et au Cameroun

Elles ne l’ont d’ailleurs pas été qu’au sud du continent. Ailleurs, soit les Blancs n’avaient pas pénétré le coeur des pays envahis (cas par exemple du Nigeria), soit les terres furent rétrocédées de gré ou de force aux autochtones au moment des Indépendances. On se souviendra à cet égard de la fameuse phrase ayant cours en Algérie : « La valise ou le cercueil. » En Guinée, un autre exemple de rétrocession forcée, les Français durent quitter le pays massivement.

Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, la majorité des terres fut reprise de gré à gré et au fil du temps par des notables locaux, conservant leur caractère de « plantations » : les « produits tropicaux » ont pu continuer à être produits et exportés comme auparavant. Le Kenya et, dans une mesure nettement moindre, la Tanzanie, ont connu une situation comparable, la réforme agraire de Julius Nyerere n’ayant pas eu la brutalité des réformes en Afrique centrale et ayant conservé le système collectif d’appropriation des Africains.

Ce n’est pas le cas au Zimbabwe où, justement, cette brutalité a « cassé » la modernisation de l’agriculture : les Blancs sont partis avec le matériel ! Il y avait ainsi 25 000 tracteurs dans le pays avant leur éviction, il n’y en a plus que 5 000 aujourd’hui et beaucoup de fermiers noirs ont recommencé à utiliser des boeufs dans leurs champs… Productivité moindre donc, qui s’est additionnée à l’abandon des cultures d’exportations par beaucoup trop de fermiers : le tabac et le maïs ont ainsi disparu des statistiques du commerce extérieur, occasionnant un inquiétant déficit chronique de la balance des paiements.

Les fermiers blancs ont retrouvé l’espoir que le gouvernement leur demande de revenir pour redynamiser l’agriculture zimbabwéenne. C’était oublier quand même l’origine du mal, soit l’abandon honteux par l’Angleterre de Tony Blair de la promesse écrite de financer le rachat des terres aux fermiers blancs, promesse concrétisée le 21 décembre 1979 par Lord Carrington et Margareth Thatcher à Lancaster House sous forme d’un traité signé par toutes les parties, dont Ian Smith. Et ce, afin d’éviter le bain de sang qu’annonçait l’écrasement des troupes de ce dernier par celle de Mugabe…

Produire pour sa famille, d’abord

Deuxième point donc, les conditions de la fin de la suprématie blanche en Afrique australe. Et celles d’Afrique du Sud ont vraiment été douces pour les anciens « méchants », au point que là-bas, Nelson Mandela est considéré par certains comme l’homme qui a vendu son pays aux Blancs. C’est en grande partie pour cela que Thabo Mbeki a été éliminé en 2007, après moult émeutes, notamment agraires.

Écrit par
African Business french

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