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Analyse et Opinion

Les marges étroites de la diversification du Congo

Les marges étroites de la diversification du Congo
  • Publiéoctobre 13, 2023

La Banque mondiale dresse un tableau alarmiste de l’économie du Congo, qui doit retrouver une certaine marge de manœuvre budgétaire afin de financer son adaptation climatique. Des solutions existent mais le pays doit hiérarchiser ses priorités.

 

Quelques jours après la Banque africaine de développement, c’est au tour de la Banque mondiale de publier une étude sur l’avenir du Congo Brazzaville à l’aune des défis climatiques.

La problématique est connue : « La République du Congo se trouve à la croisée des chemins dans son développement économique », résume la BM. Son gouvernement reconnaît l’importance de la diversification pour stimuler la croissance économique. Il souhaite atteindre une croissance de 4% l’an et une croissance de l’économie non pétrolière de 10,7%. Dès lors, « il est essentiel d’établir un lien entre la diversification économique et le changement climatique pour pouvoir apporter une réponse adaptée ».

« L’investissement dans l’agriculture climato-intelligente peut améliorer la résilience des systèmes agricoles face aux aléas climatiques, tout en contribuant au développement économique et à la réduction de la pauvreté, et tout en contribuant à réduire les émissions. »

Le pays doit rompre avec sa dépendance du pétrole, l’affaire, là aussi, n’est pas nouvelle. Cela étant, le Congo ne manque pas de sources de diversifications, et la logique du raisonnement économique sur ce thème ne se limite pas au pays, font observer les économistes de la BM.

Grâce à son engagement dans des secteurs tels que l’agriculture et la foresterie, l’industrie, les zones économiques spéciales, le tourisme, le numérique et le logement, le pays vise à élargir la base économique et à réduire la pauvreté et le chômage.

Évalué à un coût de 14,7 milliards de dollars (2,9 milliards $ par an) sur la période, le plan de développement à horizon 2026 établi par Brazzaville représente près de 22% du PIB et reconnaît l’importance d’un programme de réformes axé sur la bonne gouvernance, un secteur privé prospère dans un bon climat des affaires et la protection de l’environnement.

Le Congo s’est également engagé à réduire ses émissions de 32 % d’ici 2030 et à adapter son économie pour un coût de 8,2 milliards $. Ce, à hauteur de 54% dans le cadre des efforts d’atténuation, principalement dans les transports et l’énergie ; et à 46 % dans le cadre d’interventions d’adaptation dans les domaines de l’alimentation, de l’eau, des villes et des zones côtières.

Pour répondre à ces objectifs, il faudra des investissements annuels de 6 % du PIB. « Ces besoins de financement constituent un défi, et plus encore pour un pays surendetté », reconnaît la BM.

 

Une vulnérabilité élevée

Selon qui « la question est donc de savoir si le Congo peut envisager une voie qui relie la diversification économique et le changement climatique » ; par exemple, sous la forme d’un engagement sur une voie à faible émission de carbone et résiliente. Engagement où les réformes et les renforcements de capacités pourraient aider le Congo à répondre à ses aspirations en matière de développement économique et de réduction des préjudices liés au changement climatique.

Car si la contrainte économique est serrée, « le changement climatique fait peser des risques importants sur le capital naturel, physique et humain » du pays. Et donc sur ses objectifs de développement.

Le changement climatique rend déjà le Congo plus chaud, avec des précipitations plus irrégulières, et ces changements sont susceptibles de s’accélérer dans les décennies à venir. Les impacts du changement climatique se feront fortement sentir, en ce qui concerne l’accès à la nourriture, à l’eau, à l’électricité, à l’habitat, à la santé et à l’éducation. L’adaptation est l’une des considérations clés alors que le pays s’engage sur la voie du développement.

Les actions climato-intelligentes

 

En 2050, une productivité du travail plus faible due au stress thermique pourrait réduire le PIB du pays d’environ 20%. Et les impacts seraient plus importants vu l’importance de l’emploi informel dans des secteurs tels que l’agriculture et la foresterie. Bref, « la vulnérabilité est élevée ».

Une fois ce tableau bien sombre dressé, la BM poursuit : « Une réponse efficace est nécessaire avec des politiques économiques, un renforcement institutionnel et des investissements. » Sachant que dans un contexte de croissance lente et de surendettement, « le Congo doit hiérarchiser et séquencer cette réponse ».

Jusqu’à présent, le pays n’a pas été en pleine mesure de transformer ses ressources naturelles en capital humain et physique. Le sous-investissement dans le capital humain limite la productivité de la main-d’œuvre. Une combinaison appropriée de politiques économiques, de réformes institutionnelles et d’investissements climato-intelligents est nécessaire.

 

Différents scénarios, un seul recevable

Assurer une croissance durable tout en réduisant le surendettement revêt une « priorité absolue ». Il est impératif que Congo envisage un modèle de développement qui puisse réaliser ses aspirations de développement en matière de diversification économique, mais qui réponde également à une meilleure compréhension de la façon dont les aléas climatiques se traduisent en risques, et des effets potentiels sur les personnes, les communautés, le capital naturel et physique et l’activité économique.

Tout cela a des implications pour le gouvernement, le secteur privé, les institutions financières et la communauté internationale. « Changer le modèle de développement nécessiterait un environnement des affaires plus favorable, encourageant un plus grand rôle pour le secteur privé, des institutions plus fortes, une productivité du travail plus élevée et une infrastructure améliorée. »

La réduction progressive de la dette est impérative afin de laisser à l’État une marge de manœuvre budgétaire. Celle-ci suppose une plus grande mobilisation des recettes budgétaires, une hiérarchisation appropriée des dépenses publiques et à une meilleure gestion de la dette.

Et l’analyse de la BM de se livrer à différents « scénarios » : ceux prenant pour hypothèse le statu quo rendent caduques les objectifs de développement et de croissance.

 

Devenir « climato-intelligent »

Car « rien ne sera possible avec le modèle de développement actuel, qui ne laisse pas de marge de manœuvre budgétaire », insiste la BM. Même avec des efforts de diversification limités, le Congo pourrait continuer à dépendre fortement d’un éventail restreint de secteurs, laissant son économie vulnérable aux chocs externes et aux fluctuations du marché. L’absence de bonne gouvernance, d’amélioration du climat des affaires et de promotion du secteur privé pourrait entraver l’investissement et entraver une croissance durable.

Etude Banque mondiale« En matière d’action climatique, l’absence de mesures d’adaptation pourrait entraîner une escalade des risques climatiques, notamment une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, une insécurité alimentaire et hydrique accrue et la perte d’écosystèmes critiques. »

Parmi ses enseignements, l’étude dégage « 17 investissements climato-intelligents » pour le Congo. Favoriser l’« agriculture climato-intelligente » arrive en tête des choix retenus, de par son importance et sa faisabilité. « Cet investissement peut améliorer la résilience des systèmes agricoles face aux aléas climatiques, tout en contribuant au développement économique et à la réduction de la pauvreté, et tout en contribuant à réduire les émissions. »

La BM mentionne également « la rénovation urbaine », qui réduit les émissions, renforce la résilience des infrastructures urbaines et bien sûr, améliore les conditions de vie et les opportunités économiques des citadins. Il est de même pour la piste de la « résilience communautaire ». L’enjeu est de renforcer la capacité des communautés à faire face aux aléas climatiques et autres chocs. Le Congo doit se doter d’Infrastructures sanitaires et scolaires résilientes, investir dans l’eau et l’assainissement, ne pas négliger la construction et l’entretien des routes. En revanche, sans être inutiles, bien au contraire, les domaines de la réhabilitation hydroélectrique, de l’exploitation forestière, par exemple, ne sont pas prioritaires.

@AB

Écrit par
Laurent Soucaille

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