L’économie marocaine doit mieux accueillir les femmes

La Banque mondiale salue la forte résilience de l’économie du Maroc, éprouvée lors du tremblement de terre de septembre 2023. Et appelle le pays, une nouvelle fois, à corriger un point noir : la faible inclusion des femmes dans le monde du travail.
Après un ralentissement marqué l’an dernier, la croissance économique du Maroc devrait remonter à 2,8 % en 2023, et ce, grâce à une reprise partielle de la production agricole, des services et des exportations nettes. Tel est le pronostic des économistes de la Banque qui publient leur rapport d’automne sur l’économie du royaume, sous-titrée « De la résilience à la prospérité partagée ». Cette reprise devrait se renforcer à moyen terme et la croissance du PIB réel devrait atteindre 3,1 % en 2024, 3,3 % en 2025 et 3,5 % en 2026, la demande intérieure se remettant progressivement des chocs récents. L’inflation a baissé de moitié entre février et août 2023, mais l’inflation alimentaire demeure élevée et continue de toucher de manière disproportionnée les ménages les plus modestes.
Dans les zones urbaines, où le travail salarié est plus répandu, il est essentiel de promouvoir des conditions de travail favorables aux femmes, par un environnement plus propice et des réformes juridiques adaptées.
Ces dernières années, le Maroc a démontré à plusieurs reprises sa forte capacité à répondre efficacement aux chocs. Le séisme d’Al Haouz du 8 septembre 2023 n’étant que le dernier en date. Selon la BM, le Maroc a réussi « à gérer avec succès » la réponse humanitaire au tremblement de terre, et à mettre en œuvre un plan de développement ambitieux pour libérer le potentiel de développement des provinces les plus touchées. Le séisme a eu des conséquences humaines et matérielles dévastatrices, principalement dans les communautés montagneuses isolées, « mais il est peu probable qu’il ait des impacts macroéconomiques significatifs ».
D’autres indicateurs témoignent de la résilience externe du Maroc, notamment une demande extérieure robuste pour les biens et services du pays, malgré le ralentissement de l’économie mondiale. De même, les flux d’investissements étrangers restent importants et sont de plus en plus orientés vers le secteur manufacturier, tandis que de nouvelles niches industrielles modernes étroitement liées aux chaînes de valeur mondiales émergent.
Le maintien de l’accès de l’État aux marchés financiers internationaux, malgré le resserrement actuel des conditions financières mondiales, illustre également cette résilience. « Cependant, l’impact de ces chocs sur le bien-être de la population reste important, et les réformes déjà planifiées par le Maroc sont nécessaires pour renforcer la résilience extérieure du pays et, surtout, pour stimuler la prospérité, en particulier afin d’atteindre les objectifs de développement ambitieux définis dans le Nouveau Modèle de Développement (NMD) », résume Jesko Hentschel, directeur pays de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte.
Changement de paradigme
Le Maroc a lancé des réformes ambitieuses pour améliorer le capital humain et encourager l’investissement privé. Ces réformes n’auront l’impact souhaité sur le développement économique et social que si elles sont combinées à d’autres initiatives cruciales, notamment la suppression des barrières réglementaires et institutionnelles qui limitent la concurrence et ralentissent la réallocation des facteurs de production vers des entreprises et des secteurs plus productifs.
De plus, estime la BM, un « changement de paradigme » est encore nécessaire pour permettre l’autonomisation économique des femmes marocaines, une étape cruciale pour atteindre les ambitions importantes du pays telles qu’exprimées dans le NMD. Le rapport de la Banque mondiale souligne également l’importance de prendre en compte les contraintes spécifiques rencontrées par les femmes dans les zones rurales et urbaines (problèmes de mobilité, inclusion financière et digitale insuffisante, amélioration des conditions de travail, et une évolution nécessaire des normes sociales traditionnelles).
Créer un environnement plus propice
Les données internationales montrent que l’égalité des genres n’est pas seulement une question de justice sociale et de droits humains, mais aussi un puissant moteur de développement socio-économique. « Dans ce contexte, la faiblesse et le déclin du taux d’activité des femmes au Maroc constituent une occasion manquée significative et un obstacle à l’augmentation de la production et de la croissance potentielle », analyse la BM.
Au-delà de son rôle crucial dans la promotion de l’égalité des genres, l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail aurait également un impact économique significatif, constituant ainsi un moteur puissant de développement socioéconomique. Le rapport souligne que l’atteinte des objectifs du NMD, à savoir une participation de 45 %, pourrait stimuler la croissance de près d’un point de pourcentage par an.
De plus, l’autonomisation économique des femmes aurait des effets d’entraînement plus larges, tels que l’augmentation des investissements dans le capital humain pour les enfants d’aujourd’hui.
Dans les zones rurales, l’« effort implique notamment de résoudre les problèmes de mobilité et d’accroître l’inclusion financière et numérique » pour permettre aux femmes de se lancer dans des activités productives en dehors du foyer.
Dans les zones urbaines, où le travail salarié est plus répandu, il est « essentiel » de promouvoir des conditions de travail favorables aux femmes. Des contraintes transversales doivent également être prise en compte, notamment en améliorant l’offre d’opportunités économiques, en créant un environnement propice permettant aux femmes de saisir ces opportunités, particulièrement par le biais de nouvelles réformes juridiques, fournissant des options de garde d’enfants acceptables et abordables, et en transformant les normes sociales traditionnelles.
@AB