L’Afrique restera dans l’histoire
L’histoire de l’Afrique est riche, la diversité de ses peuples, de ses langues, est une richesse. Il est temps que les Africains le fassent savoir !
Dans un discours qui a terni son image sur le continent, l’ancien président français Nicolas Sarkozy avait déclaré que l’homme africain n’« était pas assez entré dans l’Histoire », avec un grand H. On sut après que ce discours émanait de l’un de ses plus proches conseillers, Henri Guaino, détenteur pourtant d’une licence d’Histoire.
C’est démontrer ainsi sans grandes difficultés la méconnaissance assez surprenante de l’histoire de l’Afrique de la part de gens dont les aïeux colonisèrent le continent, un siècle durant. Sans doute les anciens administrateurs coloniaux, tous issus d’une prestigieuse école aujourd’hui disparue (l’École nationale de la France d’Outre-mer), n’auraient pas osé de tels propos. Il n’empêche qu’aujourd’hui, peu de gens semblent connaître un tant soit peu l’Afrique, son histoire, y compris dans les milieux intellectuels africains.
C’est ainsi que les Occidentaux et beaucoup de Sahéliens voient dans les «Empires» des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles une sorte d’«Âge d’or» de l’histoire du continent alors qu’ils n’en constituent qu’une terrible péripétie : celle où des Africains vont réduire massivement leurs frères en esclaves au profit des Arabes, puis des Occidentaux.
C’est qu’ici, les Africains devaient retrouver leur dignité bafouée par les Blancs tout en se pliant aux contraintes du mirage de l’« Unité Africaine », là encore avec des majuscules partout tellement le concept fut vendu aux Africains. Et c’est dans cet état d’esprit que ces Africains ont abordé une mondialisation.
Alors les Forestiers ont beau jeu aujourd’hui de rappeler ce très long mouvement à des Arabes « modernes », à qui personne n’a enseigné l’histoire de cette période d’avant « la Traite ». Ce faisant, ils ignorent pour la plupart que leur civilisation, celle des Bantous (« les hommes ») avait dominé tout le sous-continent, de la vallée du Limpopo au Zimbabwe à la rive sud du fleuve Sénégal. La plupart des Subsahariens ne mentionnent jamais ce fait, tout en encensant cependant Cheikh Anta Diop pour avoir remis la négritude au cœur de la civilisation égyptienne (un fait incontestable, mais toujours refusé par une très grande majorité des Blancs).
C’est qu’ici, les Africains devaient retrouver leur dignité bafouée par les Blancs tout en se pliant aux contraintes du mirage de l’« Unité Africaine », là encore avec des majuscules partout tellement le concept fut vendu aux Africains. Et c’est dans cet état d’esprit que ces Africains ont abordé une mondialisation dont ils sont les grands bénéficiaires : la consommation asiatique a fait exploser les prix des matières premières qu’ils exportent tandis que la concurrence mondiale a fait s’effondrer les prix des produits industriels qu’ils importent.
Nous avons déjà noté ici que l’Afrique devait impérativement recréer une image de marque digne de ce nom, afin d’attirer en masse les capitaux étrangers. Or la diffusion de l’histoire d’un continent est indispensable à l’amélioration de sa perception par les étrangers. Les Chinois ont vendu aux étrangers leurs milliers d’années de civilisation, jusqu’à faire oublier le vieux « péril jaune » dont on parlait encore jusqu’à la fin des années 1970. Récemment, la Russie a ressorti ses Tsars et sa religion orthodoxe pour faire oublier le communisme. De leur côté, les États-Unis magnifient leur guerre civile pour faire oublier l’Apartheid, aboli seulement sous la présidence Johnson.
Qui, en Afrique, dépassera enfin le syndrome Anta Diop pour montrer au monde qu’entre Lucy et les Empires du XVIIIe siècle chrétien, l’Afrique connut une riche histoire ? Les cultivateurs africains sont peut-être les plus vieux du monde ; ils sont ceux qui se sédentarisèrent les premiers avant d’être repoussés aux lisières des forêts par les éleveurs nomades financés et armés par les Arabes.
Qui rappellera que les villes nigérianes antiques étaient énormes, au point que les Portugais leur confièrent la fabrication de leurs navires ? Qui clamera que si tous les humains sont issus du continent africain, ils sont loin d’en être tous partis et que ceux qui sont restés ont eu une vie et une histoire. Qu’ils furent ainsi les premiers anarchistes, quittant une terre dès lors que ses contraintes leur semblaient intolérables.
Mais que tout anarchistes qu’ils étaient, ils surent, là encore les premiers, créer des réseaux commerciaux continentaux et internationaux et inventer des langages communs à ces réseaux ; le plus ancien d’entre eux étant sans doute le Lingala. Il suffit d’observer l’extraordinaire montage du commerce antique le long du fleuve Congo : les Bantous de l’intérieur échangeant avec ceux du bord de mer via trois intermédiaires officialisés, deux transporteurs et « un grossiste » au niveau de Kinshasa. Tandis que tous les membres des ethnies concernées devaient se consacrer à leur part de ces échanges…
Et qui encore osera prouver aux doctes linguistes occidentaux que la multitude des langages africains (environ 1 800 sur les 2 000 que compte la planète) n’est pas intrinsèque à un continent trop longtemps sous-développé, mais consubstantiel à l’histoire récente de ce très vieux continent, quand les Bantous durent se réfugier en forêt pour éviter d’être razziés : là encore, les mélanges de population comptent parmi les plus importants de notre terre et il suffit de regarder de près les langages par exemple centrafricains pour contempler les conséquences à long terme des razzias.