La sécurité maritime, un enjeu stratégique…

Les États, qu’ils soient européens ou africains, appréhendent mal les questions de sécurités maritimes, souvent ramenées à des normes pour les navires et les matériels. L’élément humain doit être remis au centre de ces questions.
Par Syrine Ismaili, universitaire
Parmi les défis majeurs de notre ère, la sécurité s’avère être un enjeu primordial pour les États et un challenge stratégique pour les entreprises. Les premiers cherchent à sécuriser leurs territoires contre toute menace extérieure ou intérieure. Les secondes déploient tout moyen afin de préserver leurs intérêts économiques contre toute menace ou risque, quel que soit l’espace dans lequel se déploient ces risques et menaces. À ce titre, la mer qui couvre une large partie de la planète et qui assure le passage de quantités considérables de biens est un espace où la sécurité est une condition fondamentale. Comment, dès lors, optimiser cette condition ?
Une agence africaine de sécurité maritime aurait comme utilité non seulement d’unifier les règles contraignantes et les pratiques de contrôle, mais aussi d’offrir une assistance opérationnelle et une expertise technique aux États et entreprises de transport.
Les accidents maritimes impliquent le navire, les biens, l’environnement et les vies humaines. Sécuriser les espaces et le transport en mer revient donc à préserver tous ces éléments. Ainsi, la sécurité maritime (qui cherche à prévenir les accidents d’origine naturelle ou technique) et la sûreté maritime (qui cherche à prévenir les actes criminels) apparaissent comme des défis d’une importance notable. Seulement, lorsqu’on évoque la sécurité et la sûreté en mer, l’idée qui prévaut est celle d’améliorer les équipements engagés dans une expédition maritime afin d’aboutir à de meilleurs résultats.
Le facteur humain est négligé
Pourtant, les études sur la question sont sans appel : 80 % des accidents en mer ont comme origine directe les marins embarqués à bord. Les défaillances structurelles ou techniques peuvent participer à la survenance d’accidents mais ne sont directement responsables qu’à moindre mesure.
Plusieurs facteurs mettent l’homme au coeur des causes de l’insécurité en mer. Pour des raisons purement comptables, certaines entreprises de transport peu scrupuleuses n’hésitent pas à embarquer à bord de leurs navires un équipage en sous-effectif, peu compétent ou n’ayant pas les conditions physiques et morales à affronter les dangers de la mer. Partant toujours de la même logique, on n’hésite pas à recruter un personnel de différentes nationalités présentant une main-d’oeuvre moins chère sans se soucier du manque de communication que cette diversité peut provoquer et qui peut être décisif lors d’une situation critique.
Si on ajoute à cela un environnement de travail et de vie non convenable, ne permettant pas aux travailleurs d’accomplir leurs tâches dans les règles de l’art pendant les heures de travail et de se reposer dans des conditions dignes et humaines pendant les heures de repos, l’erreur humaine devient plus que probable et ouvre grand la porte aux accidents.
Paradoxalement, l’élément humain ne se trouve pas clairement au coeur du processus de sécurité. En effet, peu de législations maritimes à travers le monde, édictent des obligations en matière de l’élément humain. Pour autant, le problème n’est pas qu’une question d’existence ou pas de lois ou de règlements en la matière. Toute la question est dans l’application effective des normes obligatoires. Même au sein des pays qui se sont dotés depuis des années de règles contraignantes quant aux conditions de vie ou de travail des marins, tels que la Tunisie ou encore la France, beaucoup de choses restent à faire. En effet, l’accent est très souvent mis sur le matériel de prévention des accidents beaucoup plus qu’il ne l’est sur la condition du personnel qui doit utiliser ce matériel et veiller à la sécurité de l’expédition.
Des contrôles fréquents mais incomplets
La mentalité de prévention n’évolue toujours pas vers la prise en compte effective de l’élément humain, et il faut le souligner encore, la logique comptable n’aide pas non plus à ce que la situation évolue. Plus les marins sont compétents et plus leur environnement de vie et de travail à bord du navire est convenable, plus cela coûte cher. C’est ainsi qu’on se retrouve avec ce qu’on appelle des « navires poubelles » où le minimum d’hygiène, de confort ou de fiabilité du matériel est absent.
2 Commentaires
A Monsieur Ismaili, vous devriez parler de la formation de STCW, puisque vous parlez de l’incompétences du personnel embarqué. Car si l’équipage n’est pas certifié de STCW ça résulte toujours des conséquences négatives dans le cadre de la sûreté et sécurité maritime.
Said LAVANI
Officier de Liaison Régional au près du Centre Régional de Fusion des Informations Maritimes a Madagascar (CRFIM)
Tel: 0346347815
Bien évidemment cher monsieur. La question est largement analysée dans mon ouvrage « Sécurité, sûreté maritime et facteur humain: le cas de la Tunisie ». éditions l’Harmattan, 2018.