La Mauritanie peut maîtriser ses risques climatiques

Les catastrophes et les événements extrêmes liés au climat ont eu un lourd impact humain en Mauritanie et posent des défis majeurs pour la durabilité de la croissance. Toutefois, plusieurs solutions s’offrent au pays pour devenir plus résilient, juge la Banque mondiale.
Alors que la Mauritanie poursuit son redressement après les impacts économiques et sociaux de la pandémie, elle est confrontée à divers défis structurels et conjoncturels qui pourraient la faire dérailler de la voie d’un développement inclusif et durable, prévient la Banque mondiale.
Sur le plan structurel, la BM constate dans une étude la « dépendance excessive » du pays au secteur extractif. Sur le plan conjoncturel, la Mauritanie est particulièrement affectée par les retombées de la guerre en Ukraine. Toutefois, « les perspectives économiques à moyen terme sont positives, soutenues par une forte expansion de l’industrie extractive, des politiques prudentes en matière d’endettement et de fiscalité et la mise en œuvre de politiques structurelles visant à diversifier l’économie et à attirer les investissements du secteur privé ».
La croissance devrait légèrement ralentir en 2023 pour atteindre 4,5 %, prévoit la Banque mondiale. En 2024-2025, la croissance devrait atteindre une moyenne de 6,2 % avec le début de la production de gaz du champ gazier offshore Greater Tortue Ahmeyim l’an prochain.
Les experts de la Banque mondiale concentrent leur attention sur les cycles récurrents de sécheresses et d’inondations qui ont un impact sur la production agricole et les revenus des ménages. Et plus généralement, sur l’exposition du pays aux risques climatiques.
Les catastrophes et les événements extrêmes liés au climat ont eu un lourd impact humain en Mauritanie et posent des défis majeurs pour la durabilité de la croissance. Au cours de la période 2000-2021, la Mauritanie s’est classée au troisième rang des pays d’Afrique subsaharienne où l’impact humain des événements liés au climat est le plus élevé, devancée seulement par la Somalie et l’Eswatini. La Mauritanie est exposée à différents types de risques, principalement les sécheresses, les inondations, les feux de forêt et les chaleurs extrêmes. Alimentées par l’expansion anarchique des villes et l’inadéquation des systèmes de drainage, les inondations sont de plus en plus dommageables et perturbatrices sur le plan économique. De même, la fréquence des épisodes de sécheresse augmente et entrave les efforts de réduction de la pauvreté, en particulier dans les zones rurales.
Au cours de la dernière décennie, des inondations meurtrières ont été signalées une fois tous les deux ans en moyenne. La catastrophe la plus récente est une série d’inondations dues à de fortes pluies à partir de la fin juillet 2022 qui ont provoqué de graves inondations dans toute la Mauritanie, détruisant plus de 4 000 maisons.
L’érosion des sols
Aussi, juge la BM, est-il essentiel de comprendre les facteurs à l’origine des inondations pour réduire leurs effets socio-économiques dévastateurs et élaborer des stratégies de réduction des risques. Le risque d’inondation est déterminé par une convolution de facteurs, y compris des facteurs naturels et anthropiques. D’une part, le changement climatique a des répercussions importantes sur le cycle de l’eau et les régimes de précipitations extrêmes, et peut donc affecter directement le ruissellement de surface ainsi que la fréquence et l’ampleur des inondations.
D’autre part, l’urbanisation associée à la croissance démographique et à l’exode rural est l’une des causes les plus courantes de l’augmentation des surfaces imperméables et de la vulnérabilité socio-économique des zones urbaines aux inondations. D’autres facteurs, notamment la dégradation de l’environnement, la déforestation, la mauvaise gestion des déchets et la prolifération des bidonvilles, peuvent accroître l’érosion des sols et réduire la capacité des terres à absorber les précipitations, ce qui rend les zones plus sujettes aux inondations. Par exemple, dans certaines régions, les mauvais systèmes de drainage exacerbent le risque d’inondation en empêchant l’eau de s’écouler correctement des zones urbaines.
De plus, les inondations fluviales sont une source de préoccupation majeure, en particulier le long de la vallée du fleuve Sénégal et dans des villes comme Rosso, Boghé et Sélibaby. Les crues soudaines dues à de fortes précipitations affectent aussi la capitale, Nouakchott. Les pertes annuelles moyennes ont été estimées à 17,4 millions de dollars (0,25 % du PIB de 2017). Le pays risque à tout moment de perdre quelque 5% de son PIB pour cause de catastrophe naturelle.
Les inondations peuvent également avoir un impact négatif sur la production agricole. On estime qu’en moyenne, 4 390 ha de zones agricoles sont détruits chaque année à cause des inondations en Mauritanie. Cela se traduit par une réduction de la production agricole annuelle de riz (à hauteur de 2,2% de la production annuelle totale), de sorgho (2,5%), de maïs (2,3%), de mil (1,5%).
De son côté, le réseau routier n’est pas épargné par le risque d’inondations fluviales et pluviales, notamment dans le sud du pays.
Mieux gérer les ressources en eaux
Dans ce contexte, plusieurs options de réforme s’offrent à la Mauritanie afin de soutenir la croissance et d’atténuer les effets négatifs des inondations. Ces actions et priorités s’inscrivent globalement dans six domaines, résume la BM : la maîtrise de l’inflation et de son impact sur les plus vulnérables ; la préservation de l’espace budgétaire nécessaire pour les investissements favorisant la croissance et pour faire face à d’éventuels chocs intérieurs ou extérieurs ; le cadre de préparation et de réponse aux urgences (EP&R) ; la planification urbaine tenant compte des risques ; le renforcement de la capacité à gérer des précipitations plus irrégulières ; la résilience budgétaire face aux risques climatiques et de catastrophe.
Dans l’étude, la BM détaille par exemple le bien-fondé d’une politique de gestion intégrée des ressources en eau, « nécessaire pour faire face aux risques d’inondations urbaines et aux épisodes de sécheresse et pour renforcer l’adaptation au climat ». Et la BM d’appeler enfin à un nouveau Code de l’Urbanisme qui introduirait une gouvernance multi-niveaux plus efficace et des instruments de planification adéquats, afin de façonner le développement urbain d’une manière plus résiliente.
@AB