La délégation de service public, un modèle à suivre

Largement utilisée dans l’eau, beaucoup moins dans l’électricité, la délégation de service public permet de concilier l’agilité d’un acteur privé et la vision d’un État. Un dispositif par exemple testé en Côte d’Ivoire.
Certes, l’électrification progresse en Afrique subsaharienne, mais à un rythme insuffisant.
L’électrification globale dans les économies en développement s’inscrit dans une double logique de distribution d’un service public marchand et d’un bien d’équipement d’intérêt public capitalistique, résume une note récente de l’AFD (Agence française de développement).
Le déploiement dans les années 2010 des technologies pay-as-you-go et la chute des prix du photovoltaïque ont relancé l’intérêt du secteur privé pour l’accès à l’électricité. Toutefois, poursuivent les chercheurs, les initiatives privées, rarement menées en concertation avec les pouvoirs publics et dans un contexte institutionnel stable, montrent leurs limites, notamment en Afrique subsaharienne.
Les opérateurs gagneraient à se muer en fournisseurs de services en plus d’être gestionnaires de réseaux, à l’image du projet d’électrification MAX en Côte d’Ivoire.
Largement utilisée dans le secteur de l’eau, lui aussi non rentable dans des contextes similaires à ceux des régions non encore électrifiées, la délégation de service public (DSP) « offre un cadre réglementaire et financier solide permettant de concilier les exigences des États et le besoin de visibilité nécessaire pour l’engagement du secteur privé », juge l’AFD. Qui estime cette méthode de fonctionnement « déclinable » pour les trois modes d’électrification » : extension du réseau national, mini-réseaux et systèmes photovoltaïques autonomes ; la méthode « est conçue pour s’inscrire dans la durée ».
Depuis les années 1980, les réformes les plus marquantes ont abouti au dégroupement des monopoles nationaux et à la création d’agences d’électrification rurale. Les résultats n’ont cependant pas été ceux escomptés.
D’une part, le dégroupement des sociétés nationales et la création des agences dédiées ont conduit à segmenter l’électrification en deux marchés : un premier, urbain, a priori rentable, et un second, rural, loin de l’être. D’autre part, les acteurs publics sont rarement dotés des moyens humains et financiers nécessaires pour remplir leur mission d’électrification.
Aujourd’hui, le secteur privé est confronté aux contraintes des régions rurales : éloignement, dispersion et faible capacité à payer des populations.
Deux types de DSP
Les personnes restant sans électricité sont les plus difficiles à atteindre car plus pauvres et isolées. Dès lors, « il convient d’amener le secteur public à réinvestir le champ de l’électrification tout en s’appuyant sur l’aptitude du secteur privé à déployer des solutions décentralisées adaptées aux zones hors réseau », jugent les experts de l’AFD. Selon qui, si les dernières innovations ont été techniques, les prochaines seront institutionnelles et financières
On distingue deux grands types de DSP : l’affermage et la concession. Dans l’affermage, l’autorité délégante finance et met à disposition l’équipement et l’infrastructure nécessaires à l’exécution de la mission du « fermier », qui les met en œuvre, les exploite et se rémunère grâce à son activité. Pour la concession, le « concessionnaire » finance et réalise les investissements nécessaires à l’exécution de sa mission.
Des solutions hybrides sont possibles pour intégrer l’ingénierie, le financement, la réalisation et l’exploitation de l’équipement : l’affermage concessif (intégrant un financement du fermier) et la concession subventionnée (bénéficiant de prêts publics concessionnels rétrocédés au concessionnaire).
Dans les zones où la rentabilité financière de cet accès est difficilement atteignable, la DSP offre un moyen de mobiliser les parties publiques et privées, en les engageant dans la durée pour pérenniser le service de l’électricité, tout en proposant un cadre réglementaire rassurant pour le privé.
La viabilité à terme des projets en DSP suppose un système de subventionnement et de tarifs adaptés à la nature du service et aux clients. Les deux sont à fixer sur une durée longue pour mobiliser les différentes parties et maintenir une tarification abordable, en prenant en compte la capacité de financement de l’État.
Ainsi, les projets de DSP d’électrification nécessitent une autorité concédante publique dédiée. Ce qui n’est pas toujours possible pour les agences rurales d’électrification, qui n’ont pas suffisamment intégré ces solutions de DSP.
Alors, « le secteur public doit se ressaisir de l’enjeu et des investissements de l’électrification rurale en mettant en place une programmation nationale associant l’ensemble des parties », juge l’AFD. Le but est de déployer et contracter les modes d’électrification les plus pertinents dans chaque contexte et de mobiliser le secteur privé en amont de l’investissement en précisant le calendrier de mise en œuvre des trois modes d’électrification.
L’expertise des ONG
Les difficultés du secteur privé sur l’électrification sont connues, résultant d’une faible capacité à payer des bénéficiaires et des consommations limitées ne compensant pas les charges. Un moyen de renforcer la viabilité est de s’appuyer sur des « clients piliers », responsables d’une proportion importante de la demande, favorisant l’équilibre d’exploitation des DSP.
Selon l’Africa Minigrid Developers Association, en 2020, 30 % des consommateurs de l’électricité produite par des mini-réseaux en Afrique représentaient 70 % de la consommation.
Les DSP peuvent aussi intégrer des objectifs sociaux d’électrification des écoles et dispensaires. Toutefois, les opérateurs gagneraient à se muer en fournisseurs de services (distribution d’équipements, soutien à l’entreprenariat par exemple), en plus d’être gestionnaires de réseaux. C’est le cas par exemple du projet d’électrification MAX en Côte d’Ivoire qui s’accompagne d’un appui à l’acquisition d’équipements productifs. « Les ONG disposent sur ce sujet d’une expérience qu’il convient de valoriser pour maximiser les impacts de l’électrification », concluent les experts de l’AFD.
@AB