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Analyse et Opinion

Donner un sens à la politique monétaire

Donner un sens à la politique monétaire
  • Publiénovembre 9, 2023

Une politique monétaire efficace et réactive a toujours été la clé de la croissance et du développement économique. Dans une région où la plupart des pays manquent de marge de manœuvre budgétaire, la politique monétaire est encore plus importante.

 

 

Un homme sage a dit un jour : « Nous ne rendrons pas les faibles plus forts en rendant les forts plus faibles. Cela s’applique également à l’économie. Si l’Allemagne était moins compétitive, la zone euro dans son ensemble serait perdante, car on produirait moins. » Cet homme sage est Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne de 2011 à 2019, qui décrit le défi auquel sont confrontés les décideurs politiques dans une union monétaire composée de pays à différents stades de développement économique et exposés à des chocs différents.

Cette évolution pourrait inclure le passage à un autre cadre de taux de change, qui permettrait une plus grande flexibilité monétaire tout en renforçant la compétitivité des pays membres.

Pendant son mandat, la stabilité de la zone euro a été remise en question par la crise de la dette souveraine européenne, exacerbée par l’élargissement des écarts de compétitivité entre les membres du nord et du sud de l’Union.

Par rapport à l’expérience européenne, l’intégration économique et la convergence de la croissance en Afrique sont encore plus difficiles en raison non seulement de la multitude de stades de développement auxquels se trouvent les pays, mais aussi de plusieurs autres défis qui se chevauchent. Il s’agit notamment de la taille de l’Union africaine qui compte 55 pays et de la coexistence de régimes de change et d’accords monétaires différents. Par exemple, le franc CFA a favorisé la stabilité des prix mais a sapé la compétitivité des pays membres du CFA en Afrique occidentale et centrale. Il pourrait compromettre le processus de convergence régionale et la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).

En pratique, l’ajustement automatique dont bénéficient les pays soumis à des régimes de taux de change flottants pourrait conduire à une dévaluation compétitive et compromettre davantage l’intégration économique pendant la mise en œuvre de la zone de libre-échange. Bien que la ZLECAf ait été présentée comme un facteur de changement en raison de son potentiel à accélérer la transformation structurelle des économies régionales et à stimuler le commerce extra- et intra-africain, son succès dépend des autorités monétaires africaines. Elles doivent s’engager à créer un écosystème financier qui favorise la convergence macroéconomique et catalyse l’injection de capitaux pour stimuler la diversification des sources de commerce et de croissance.

Tel est le sens du numéro spécial de la revue CIAT (Contemporary Issues in African Trade and Trade Finance), au long duquel d’éminents contributeurs passent en revue les taux de change existants et les accords monétaires, en accordant une attention particulière au franc CFA, héritage monétaire du colonialisme français en Afrique.

Ils donnent un aperçu des réformes monétaires qui devraient être menées pour maximiser l’impact de la ZLECAf sur le développement et approfondir l’intégration régionale. Ce dernier point est particulièrement important dans le contexte actuel d’émergence de risques croissants de fragmentation, qui ont amené les décideurs politiques du monde entier à reconsidérer le rôle des taux de change et de la politique monétaire en tant qu’outils de compétitivité.

Helen Epstein du Bard College donne un aperçu du franc CFA et discute de l’économie politique de la zone monétaire ainsi que de ses implications en termes de bien-être, de croissance économique et de transformation structurelle.

Ndongo Samba Sylla se penche sur l’un des aspects les plus importants du franc CFA, à savoir la garantie française de convertibilité de la monnaie, qui a survécu à plusieurs réformes, y compris la transition d’une parité avec le défunt franc français à une parité avec l’euro. Le document fournit une évaluation approfondie du fonctionnement des réserves CFA de l’Afrique francophone dans le compte d’opérations.

Hippolyte Fofack et Ali Zafar étudient la compétitivité des pays du franc CFA et établissent une surévaluation de la monnaie commune. Ils montrent que la coexistence de régimes de taux de change fixes et flottants pourrait compromettre la mise en œuvre de la zone de libre-échange, et en particulier la recherche d’une convergence régionale, si des réformes appropriées ne sont pas menées pour favoriser l’intégration monétaire et atténuer le risque de dévaluation compétitive.

Le Brexit est un autre changement géopolitique qui a créé à la fois des opportunités et des défis pour les pays africains. Le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne a redonné le contrôle des préférences commerciales accordées aux pays en développement, en réduisant ou en supprimant les taux de droits de douane sur les importations des pays éligibles au Royaume-Uni. Brian Sturgess, de l’université de Buckingham, réfléchit aux implications potentielles des systèmes de préférences commerciales pour l’engagement post-Brexit du Royaume-Uni avec l’Afrique à l’ère de la ZLECAf.

 

Des options de convergence monétaire

Comment, alors, l’arrangement monétaire du franc CFA, qui a assuré la stabilité des prix au détriment de la croissance, devrait-il être réformé pour accélérer la transformation structurelle et approfondir l’intégration régionale afin d’atténuer l’exposition des pays membres à des chocs négatifs récurrents sur les termes de l’échange des produits de base ?

Théophile Azomahou, de l’Université Clermont Auvergne, plaide en faveur d’une plus grande synergie entre les deux zones monétaires du franc CFA afin de maximiser l’impact sur le commerce et le développement de leur patrimoine monétaire commun à l’ère de ZLECAf.

Ali Zafar plaide pour une évolution du système afin de mieux répondre aux défis, y compris la fréquence croissante des chocs négatifs et des flux de capitaux, ainsi que les changements durables dans la structure des échanges des pays membres de la zone CFA vers l’Asie. Cette évolution pourrait inclure le passage à un autre cadre de taux de change, qui permettrait une plus grande flexibilité monétaire tout en renforçant la compétitivité des pays membres.

Une politique monétaire efficace et réactive a toujours été la clé de la croissance et du développement économique. Dans une région où la plupart des pays manquent de marge de manœuvre budgétaire, la politique monétaire est encore plus importante, non seulement pour accélérer la diversification des sources de croissance et réduire les écarts de compétitivité, mais aussi pour faire de la zone de libre-échange en Afrique la marée montante qui soulèvera la croissance globale et accélérera la convergence régionale.

Les articles de ce numéro spécial réitèrent l’importance de la politique monétaire pour la croissance et l’intégration effective dans l’économie mondiale, et présentent des options pour accélérer la convergence monétaire et stimuler la compétitivité des pays membres dans le cadre de la zone de libre-échange. Je les recommande vivement à nos lecteurs attentifs et à tous ceux qui s’intéressent à la politique monétaire et au développement de l’Afrique.

 

Benedict Okey Oramah est PDG et président du Conseil d’administration de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank).

@AB

Écrit par
Benedict Oramah

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