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Analyse et Opinion Opinion

Des investissements nouveaux pour le système alimentaire

Des investissements nouveaux pour le système alimentaire
  • Publiéseptembre 25, 2022

Canaliser des investissements respectueux du climat vers le secteur agroalimentaire, dynamique, de l’Afrique n’est pas seulement un acte vertueux. L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair souligne l’intérêt commercial à entreprendre cette démarche.

 

En ce mois de septembre 2022, tandis que vient de s’organiser le sommet de l’AGRF sur l’alimentation et l’agriculture, le monde connaît davantage faim qu’il ne l’a connu ces dernières années.

En effet, dès 2014, le nombre de personnes touchées par la faim a commencé à augmenter lentement, pour la première fois depuis des décennies. Les deux dernières années ont vu cette lente augmentation s’accélérer : environ trois milliards de personnes dans le monde n’ont plus les moyens de se nourrir sainement. Le monde a reculé dans ses efforts pour mettre fin à la faim, à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition.

Si l’on a beaucoup écrit sur l’impact de la Covid-19 et de l’invasion de l’Ukraine comme causes de notre situation actuelle en matière de sécurité alimentaire, cette crise ne date pas seulement des deux ou trois dernières années. C’est une crise dont les racines sont apparues dès 2006-2008, lorsque trois décennies de baisse constante des prix des denrées alimentaires ont été dramatiquement interrompues.

Lors du sommet de l’AGRF, début septembre, les dirigeants africains ont reconnu le rôle crucial du secteur privé dans le soutien et la conduite des efforts visant à renforcer la sécurité alimentaire et à transformer les systèmes alimentaires sur le continent.

Aujourd’hui comme à l’époque, le monde connaît une flambée spectaculaire des prix des denrées alimentaires, une diminution des stocks alimentaires et une hausse vertigineuse des coûts énergétiques. Les événements de ces deux dernières années ont mis en évidence la fragilité de nos systèmes alimentaires. Au cours du second semestre de 2022, la hausse des prix des produits agricoles de base qui a accompagné l’invasion de l’Ukraine par la Russie a été suivie d’un fléchissement bienvenu : les prix mondiaux du maïs et du blé ont retrouvé leur niveau d’avant l’invasion à la fin du mois de juillet.

Et pourtant, les prix des produits ne sont qu’une partie de l’histoire. Ce qui paralyse le plus l’agriculture africaine en ce moment, c’est la flambée des coûts des intrants. L’énergie est bien sûr une composante essentielle des engrais et de la logistique dont dépend la production agricole. Et la hausse des coûts de l’énergie pousse les entreprises agroalimentaires africaines à chercher de nouvelles sources de fonds de roulement pour payer les intrants indispensables à la poursuite de leurs activités agricoles et à la satisfaction de la demande alimentaire croissante.

 

Des IDE entrants dérisoires

Les capitaux se font rares. Sans l’appui de bilans positifs, de nombreux agriculteurs africains ne sont pas en mesure d’obtenir les niveaux accrus de trésorerie nécessaires pour financer leurs intrants saisonniers. Et malgré le besoin accru de sécurité alimentaire mondiale, il est possible, voire probable, que de nombreux agriculteurs africains devront faire des compromis sur les intrants et que la production alimentaire sur le continent diminuera à court terme. Nous risquons, pour reprendre les termes du secrétaire général des Nations unies, que la crise actuelle de l’accessibilité alimentaire devienne une crise de la disponibilité alimentaire, d’ici 12 à 24 mois.

Alors que l’on a beaucoup parlé ces derniers mois d’investir dans les systèmes alimentaires mondiaux, les flux d’investissements étrangers dans le secteur agricole et alimentaire africain restent dérisoires. Sur les 12 000 milliards de dollars investis dans le monde en actifs réels alternatifs – c’est-à-dire des actifs autres que des actions, des obligations ou des certificats – seuls 2,3 % (276 millions $) ont été investis dans l’alimentation, l’agriculture et la sylviculture. Et seuls 4 % de ce montant ont été investis en Afrique (0,35 % des investissements mondiaux en actifs réels alternatifs). Même si seulement 1 % du total des actifs alternatifs devait être réaffecté à l’agroalimentaire africain, il en résulterait une multiplication par 12 des investissements dans l’alimentation et l’agriculture en Afrique.

Une nouvelle catégorie d’investisseurs est nécessaire pour répondre à la demande de production, de transformation et de distribution durables d’aliments nutritifs et abordables. Au-delà du « capital patient », les engagements doivent s’étendre à la réalisation d’une production nette zéro, respectueuse de la nature, et à la promotion de moyens de subsistance équitables. Les technologies modernes offrent la possibilité de concilier ces objectifs apparemment diversifiés à travers un large éventail d’échelles, de cultures et de conditions climatiques. Grâce à l’innovation agro-technique, nous disposons désormais d’un arsenal d’instruments permettant de réduire considérablement les risques liés aux opérations agricoles et, ce faisant, d’ouvrir la porte aux capitaux institutionnels.

 

Le rôle du secteur privé

Le secteur agricole africain représente une opportunité sous-exploitée pour ces investisseurs, à un moment où une série de crises sans précédent ont propulsé l’agriculture au sommet de l’agenda politique et économique. Malgré la lenteur du flux d’investissements directs étrangers vers le secteur agro-industriel du continent, l’Afrique subsaharienne a atteint des taux de croissance agricole réels de 4,63 % par an en moyenne depuis 2000, soit le taux le plus élevé de toutes les régions du monde. Dans l’intérêt de la santé du système alimentaire mondial interconnecté dont nous dépendons tous, il est temps que les investisseurs occidentaux reconnaissent que canaliser des investissements respectueux du climat vers le secteur agroalimentaire dynamique de l’Afrique est une stratégie commerciale viable.

Lors du sommet de l’AGRF sur l’alimentation et l’agriculture qui s’est tenu à Kigali, au Rwanda, début septembre, les dirigeants africains ont reconnu le rôle crucial du secteur privé dans le soutien et la conduite des efforts visant à renforcer la sécurité alimentaire et à transformer les systèmes alimentaires sur le continent. Le sommet, qui s’est déroulé sous la devise « Cultiver, nourrir, récompenser – Des actions audacieuses pour des systèmes alimentaires résilients », a rassemblé 6 500 participants, dont des chefs d’État, des entreprises agroalimentaires, des entrepreneurs technologiques, des investisseurs, des philanthropes et des leaders d’opinion, pour discuter de la manière de construire un écosystème agricole durable, rentable et productif en Afrique.

 

Pour des financements innovants

Un éventail diversifié d’intervenants a présenté des stratégies visant à stimuler l’agriculture africaine et a examiné les progrès réalisés au niveau des pays. Le sommet a convenu d’accorder la priorité – la promotion d’une alimentation saine, en particulier dans le cadre de l’Année de la nutrition de l’Union africaine, et – la présentation de modèles, de bonnes pratiques, de preuves et d’enseignements pour les systèmes alimentaires africains, et leur diffusion systématique par le biais de plateformes de connaissances.

« Nous sommes engagés, en tant que parties prenantes, à établir les partenariats nécessaires pour que ce continent identifie des solutions africaines aux défis africains », peut-on lire dans la déclaration finale. La transformation des systèmes alimentaires dépend d’une large coalition de personnes de toutes origines, ethnies et croyances. La transformation des systèmes alimentaires dépend de l’inclusion, pour éliminer l’inégalité et exploiter les opportunités. « Nous soulignons le rôle indispensable du secteur privé, en demandant aux petites, moyennes et grandes entreprises de placer les systèmes alimentaires au centre de leurs investissements. L’innovation en matière de financement doit être dirigée et soutenue par les gouvernements et poussée par les entrepreneurs vers la réalité. »

@NA

 

Écrit par
Tony Blair

2 Commentaires

  • Hello,
    There seems to be an error in the calculation (perhaps in the translation) : 2.3% of US$ 12,000 bn. does not equate to US$ 267 m. / Il semble qu’il y ait une grosse erreur de calcul : 2.3% de US$ 12,000 milliards de dollar ne représente pas US$ 267 millions.
    Je ne mets pas du tout en question le trop bas niveau d’investissement dans l’agro-alimentaire en Afrique sub-saharienne mais les chiffres sont les chiffres.
    Jean-Pierre Garnier
    Analyste, secteur viande.

    • Bravo de votre vigilance à la vue de cette « coquille » ; 276 millions, isn’it ?

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