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Analyse et Opinion

Des géants du pétrole en manque d’ambition climatique

Des géants du pétrole en manque d’ambition climatique
  • Publiéoctobre 5, 2023

Au-delà des effets d’annonce, les engagements, souvent mal chiffrés, des compagnies pétrolières incitent à la prudence. Aux citoyens, actionnaires et pouvoirs publics d’exiger davantage.

 

« Les progrès en matière d’objectifs d’émissions fixés par les compagnies pétrolières et gazières sont au point mort. » Tel est le constat sans appel de Carbon Tracker Initiative, une équipe de spécialistes financiers qui introduisent le risque climatique dans la valorisation des marchés financiers. Leur objectif est d’orienter le système financier mondial vers une économie à faibles émissions de carbone.

Les résultats de leur dernière analyse font apparaître quelques points saillants, parfois à l’encontre des idées reçues.

Bien qu’utiles, les objectifs d’émissions n’offrent pas une évaluation complète de l’alignement sur le climat. D’autres indicateurs peuvent combler les lacunes et fournir des éléments d’information supplémentaires qui ne peuvent être glanés ailleurs.

Globalement, 24 des 25 plus grandes compagnies pétrolières et gazières du monde ont des objectifs d’émissions qui ne sont pas considérés comme alignés sur les accords de Paris, jugent les analystes.

Les objectifs « net zéro » affichés par les producteurs ne sont pas tous égaux ; la majorité de ces objectifs ne sont pas liés à des limites climatiques chiffrées.

Un seul groupe, l’italien Eni, a des objectifs d’émissions qui pourraient être considérés comme alignés sur ceux de Paris. Cependant, la crédibilité de son approche pour atteindre ces objectifs est remise en question en raison de sa dépendance à l’égard des ventes d’actifs, des solutions basées sur la nature, le captage de CO2 et des compensations.

 

De leur côté, TotalEnergies, Repsol et BP – particulièrement actifs en Afrique –, sont en apparence plus « progressistes que leurs pairs », jugent les analystes. Ces trois géants du secteur ont en effet pour objectif de parvenir à des émissions nettes nulles d’ici 2050 avec des objectifs intermédiaires de réduction absolue.

Sachant un gros point noir : BP a revu à la baisse son objectif pour 2030 d’une réduction de sa production d’hydrocarbures, de 40 % à 25 %. De son côté, le groupe anglo-néerlandaise Shell a annoncé que sa production de pétrole resterait finalement stable jusqu’en 2030.

 

Un objectif doit être crédible

Alors que la demande de combustibles fossiles s’affaiblit au cours de la transition, cette grille de lecture met en lumière le rythme auquel les entreprises envisagent la transition. En effet, limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, sans dépassement significatif de la température impose une limite finie sévèrement restreinte au volume d’émissions de carbone pouvant être produites à l’avenir. « Cela exigera une décarbonisation radicale de notre système énergétique, ce qui nécessitera des changements radicaux dans les modèles économiques actuels des entreprises, en particulier pour les producteurs de pétrole et de gaz », prévient Carbon Tracker.

Pour que les objectifs soient considérés comme alignés, ils doivent faire l’objet de vérifications supplémentaires. « Tout d’abord, l’approche de la décarbonisation doit être jugée crédible, c’est-à-dire qu’elle doit conduire à des réductions réelles des émissions mondiales de carbone et ne peut pas dissimuler la poursuite des investissements dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers », jugent les analystes. Une pierre dans le jardin de TotalEnergies, qui alterne effet d’annonces et investissements, notamment en Afrique ?

 

Pour éviter la confusion, le citoyen, actionnaire ou non, doit s’assurer qu’un objectif crédible est un objectif qui ne repose pas sur des cessions d’actifs (pour faire de la place à de nouveaux projets pétroliers et gaziers) ; sur des des technologies d’atténuation des émissions qui n’ont pas fait leurs preuves ; ou sur des compensations de carbone par des tiers.

Une évaluation approfondie des objectifs en matière d’émissions peut permettre à ceux qui s’inquiètent du climat de demander des comptes aux entreprises qu’ils jugent peu performantes. Ceux qui s’inquiètent des problèmes de transition peuvent s’assurer que tous les risques ont été pris en compte et qu’ils sont correctement gérés.

 

Entre-temps, les décideurs politiques devraient envisager de dissiper la confusion qui règne autour des normes comptables et qui permet d’invoquer le double comptage pour rejeter la responsabilité de certaines parties des émissions.

Bien qu’utiles, les objectifs d’émissions n’offrent pas une évaluation complète de l’alignement sur le climat. D’autres indicateurs (orientations de production, plans d’investissement et politiques de rémunération) peuvent combler les lacunes et fournir des éléments d’information supplémentaires qui ne peuvent être glanés ailleurs. En outre, ils peuvent être comparés les uns aux autres, ce qui permet de voir s’ils forment une stratégie d’entreprise cohérente.

@AB

Écrit par
Laurent Soucaille

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