Des banques marocaines solides, des risques accrus

L’amélioration constatée des principaux indicateurs des banques marocaines devrait se poursuivre ces prochains mois, dans le sillage de la croissance économique du pays. Précisément, avertit Fitch Rating, celle-ci souffre de plusieurs incertitudes et le retour aux normes d’avant Covid n’est pas pour demain. L’occasion d’aller chercher ailleurs la croissance ?
Par Laurent Soucaille
La rentabilité des banques marocaines a continué à se redresser au premier trimestre 2022, constate une note de Fitch Ratings. Le résultat net agrégé des sept plus grandes banques atteint des niveaux pré-pandémiques, stimulés par des charges de dépréciation des prêts plus faibles. Selon les analystes financiers, cette tendance positive se poursuivre, mais elle pourrait être ralentie car les conditions économiques mondiales défavorables se répercutant sur l’économie marocaine et exerçant une pression sur la qualité des actifs détenus par les banques. Les sept banques étudiées sont Attijariwafa Bank, Banque Centrale Populaire, Bank of Africa, Crédit du Maroc, Crédit immobilier et hôtelier (CIH), Société Générale (SGMB), BMCI.
Ainsi, les banques marocaines bénéficieront-elles de la hausse des taux d’intérêt, qui se répercutera sur les taux de prêt. Environ 30 % des prêts nationaux arrivent à échéance dans les douze mois, et la refonte des taux devrait se faire à des taux plus élevés.
Le revenu net global des sept banques a augmenté de 21% en glissement annuel, au premier trimestre. Cette amélioration est due à une diminution des provisions pour risques, qui ont continué à baisser par rapport aux niveaux élevés de 2020-2021. Période durant laquelle, bien sûr, les banques ont constitué des provisions importantes pour compenser les risques liés à la pandémie.
Cette baisse des provisions reflète une stabilisation de la qualité des actifs. Le ratio des prêts non performants du secteur était de 8,7 % à la fin mars 2022, globalement inchangé par rapport à la fin 2021, et la croissance absolue des prêts non performants s’est ralentie à 1,4 % en avril.
Attention, préviennent les experts, ces prêts risqués étaient encore, au premier trimestre, 44% au-dessus du niveau de 2019. Ce qui reflète « les risques liés à l’environnement opérationnel et la prudence du provisionnement dans le cadre de perspectives économiques incertaines ». Le ratio prêts non performants sur bénéfice d’exploitation s’est sensiblement réduit, à 32% contre 40% il y a un an ; un niveau ce qui est faible par rapport à de nombreux marchés d’Afrique subsaharienne. Pour autant, cet indicateur reste bien supérieur au ratio de 24% de 2019.
Bien sûr, la « normalisation » prêts non performants vers les niveaux de 2019 dépendra du rythme et de l’ampleur de la reprise économique du Maroc. Les experts de Fitch considèrent qu’ils devraient continuer de baisser, mais demeurer au-dessus de leurs moyennes historiques, cette année, en raison d’une croissance économique plus faible. L’agence britannique prévoit une croissance du PIB réel de seulement 1,1 % en 2022, après le rebond de 7,4 % en 2021, la croissance se hissant à 3 % en 2023. Toutefois, « une activité plus faible que prévu dans la zone euro ou des prix de l’énergie et des denrées alimentaires durablement élevés constitue des risques pour les prévisions ».
Vers une hausse des taux d’intérêt
De plus, le rendement des fonds propres moyens des banques s’est amélioré pour atteindre 8,6 % au premier trimestre, contre 8,1% un an plus tôt. Fitch s’attend à ce qu’il s’améliore encore d’ici la fin 2022, mais que le rendement reste inférieur au niveau de 2019, à savoir 9,9 %. « Cela pourrait inciter certaines banques à étendre leurs activités à l’ensemble de l’Afrique en vue d’une meilleure rentabilité », spéculent les analystes.
En matière de prêts, les experts prévoient une hausse des taux en 2022 et 2023, en raison de l’augmentation du risque de crédit et des pressions inflationnistes. La Banque centrale du Maroc pourrait augmenter son taux directeur en 2022, car les taux d’intérêt réels sont négatifs depuis octobre 2021.
Une hausse des taux appliqués par les banques pourrait être déclenchée par l’augmentation du taux directeur de la BCE (Banque centrale européenne) prévue pour juillet 2022, ou par d’autres augmentations dans l’année, étant donné que le dirham marocain est rattaché à un panier de devises pondéré à 60 % par rapport à l’euro et à 40 % par rapport au dollar américain.
Ainsi, les banques marocaines bénéficieront-elles de la hausse des taux d’intérêt, qui se répercutera sur les taux de prêt. Environ 30 % des prêts nationaux arrivent à échéance dans les douze mois, et la refonte des taux devrait se faire à des taux plus élevés, tandis que les coûts de financement ne devraient pas augmenter de manière significative, car les banques sont largement financées par des dépôts à faible coût.
@AfricanBanker