Comment mieux hiérarchiser les priorités

Dans un rapport consacré aux conséquences à moyen terme des chocs subis par l’Afrique subsaharienne, le FMI appelle les pays à mieux hiérarchiser leurs réformes économiques, dans le sens d’une plus grande libéralisation du commerce.
Après les chocs récents subis par l’économie mondiale, le FMI (Fonds monétaire international) a eu l’occasion d’analyser la situation du continent à court terme, ajustant en légère baisse, cet été, ses prévisions de croissance économique. Dans un nouveau document rendu public le 15 septembre 2022, « Changement climatique et insécurité alimentaire chronique en Afrique subsaharienne », l’institution s’interroge sur les perspectives à plus long terme, compte tenu des considérations spécifiques de la région. Et émet, comme de coutume, une série de recommandations, appelant les pays africains à hiérarchiser leurs priorités de réformes afin de ne pas se disperser, à favoriser les échanges commerciaux au détriment des subventions.
« À cette fin, il est essentiel de faire progresser les droits de propriété, de développer les infrastructures de télécommunications pour les services bancaires mobiles et d’élargir l’accès aux systèmes d’alerte précoce et aux informations actualisées sur les marchés et les conditions météorologiques. »
En 2022, 12 % de la population souffre de malnutrition élevée et n’est pas en mesure de satisfaire ses besoins alimentaires de base. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses, des inondations et des cyclones, ainsi que l’élévation des températures et du niveau des mers, vont aggraver ce chiffre en entravant la production agricole et la distribution des aliments. À long terme, une mauvaise alimentation nuit au développement de la petite enfance, au niveau d’éducation et au potentiel de revenus.
Par conséquent, prévient le FMI, une insécurité alimentaire accrue pourrait compromettre les améliorations durement acquises en matière de revenus, d’éducation et de santé dans toute l’Afrique subsaharienne au cours des dernières décennies. Ces conséquences humanitaires et économiques graves, ainsi que d’autres, pourraient également alimenter les conflits et les migrations à grande échelle.
Pour remédier au manque de résilience face au changement climatique, qui sous-tend de manière critique l’insécurité alimentaire chronique en Afrique subsaharienne, « il faudra établir soigneusement les priorités politiques dans un contexte de contraintes financières et de capacités », recommande le FMI. En effet, « la mise en œuvre de mesures multiples dans un contexte de niveaux d’endettement élevés, de besoins de développement concurrents et de limitations des capacités est extrêmement difficile ».
Repenser les subventions agricoles
Toutefois, estiment les économistes, de nombreuses réformes peuvent être mises en œuvre sans augmenter les pressions budgétaires. Il s’agit notamment de changements cruciaux dans les politiques relatives au commerce, à la réglementation, à la structure du marché et au secteur financier, qui peuvent également catalyser des investissements considérables du secteur privé dans le renforcement de la résilience.
Bien que le dosage optimal des politiques varie d’un pays à l’autre, les considérations politiques et les contraintes économiques spécifiques à l’Afrique subsaharienne permettent de dégager quelques grands traits, jugent les économistes du FMI.

Les politiques fiscales axées sur l’aide sociale et l’investissement efficace dans les infrastructures publiques peuvent améliorer l’accès des ménages les plus pauvres à une alimentation abordable, faciliter l’expansion de la production agricole résiliente au climat et soutenir un rétablissement plus rapide après des événements climatiques défavorables. Les infrastructures essentielles comprennent les systèmes d’irrigation, les télécommunications, les transports, les installations de stockage et l’électricité renouvelable. Dans les cas où les pays accordent encore des subventions agricoles, celles-ci « doivent être repensées pour assurer un meilleur ciblage et réduire les coûts économiques », prévient le FMI.
L’amélioration de l’accès au financement et à la numérisation est essentielle pour intensifier l’investissement privé dans la résilience et la productivité agricoles, ainsi que pour améliorer la capacité de gain et le pouvoir d’achat alimentaire des ménages ruraux et urbains les plus pauvres. « À cette fin, il est essentiel de faire progresser les droits de propriété, de développer les infrastructures de télécommunications pour les services bancaires mobiles et d’élargir l’accès aux systèmes d’alerte précoce et aux informations actualisées sur les marchés et les conditions météorologiques. » Ces informations soutiennent la production, la distribution et la vente de produits agricoles. La réduction des asymétries informationnelles et l’amélioration des connaissances financières favoriseraient un recours accru aux assurances. Ces réformes soutiendraient également la microfinance ou les partenariats public-privé susceptibles de relancer le financement privé.
L’importance des fonds pour le climat
Une plus grande intégration commerciale régionale et des infrastructures de transport résilientes permettent de vendre les récoltes exceptionnelles d’un pays à ses voisins confrontés à des pénuries. La réduction des droits de douane et l’alignement régional des lois et réglementations relatives à l’agriculture et aux marchés de produits (notamment en ce qui concerne l’eau, les semences et les engrais) seront des éléments essentiels.
L’expansion des organisations de producteurs peut faciliter l’adoption de nouvelles technologies, accroître la production et la distribution de denrées alimentaires et soutenir la stabilité des prix.
Quel rôle, alors, pour la communauté internationale ? Celle-ci peut contribuer à l’aide financière, au développement des capacités et à la facilitation des transferts de technologie et de savoir-faire, jugent les économistes. Par exemple, les fonds pour le climat pourraient jouer un rôle essentiel par le biais de subventions et de financements concessionnels ; et les partenaires du développement peuvent soutenir la recherche dans de nombreux domaines tels que les technologies d’irrigation et les semences résistantes au climat, tout en contribuant à développer l’éducation climatique et financière.
@AB