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Analyse et Opinion

Climat, les atouts du Sahel

Climat, les atouts du Sahel
  • Publiéseptembre 23, 2022

Les pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie) devront consentir d’extraordinaires efforts financiers et de gouvernance, devant la contrainte de l’adaptation et de l’atténuation des changements climatiques. Pourtant, la région dispose d’atouts lui permettant de tirer son épingle du jeu, considère la Banque mondiale.

 

« Les pays du G5 Sahel ont des atouts et des avantages comparatifs, bien que largement inexploités ; certains sont particulièrement pertinents dans le contexte du changement climatique. » Telle est l’une des conclusions du volumineux rapport de la Banque mondiale consacré aux répercussions des changements climatiques dans les pays du G5 Sahel. Répercussions guère réjouissantes, on s’en doute, si rien n’est fait, mais la BM détaille des mesures permettant aux pays de bénéficier de leurs « atouts », affirmant, comme d’autres institutions, que le coût de l’inaction est plus élevé que le coût de l’action.

Les atouts, voyons-les. Ces pays sont « relativement proches » des marchés d’Europe et du Moyen-Orient. Ils disposent d’une main-d’œuvre jeune et en forte croissance, qui pourrait se lancer dans l’industrie manufacturière et d’autres secteurs en manque de bras.

La région du Sahel est riche en ressources minérales, notamment en pétrole, en or, en cuivre, en uranium, ainsi qu’en minéraux et en métaux nécessaires à diverses technologies « vertes » très demandées à l’échelle mondiale, vu que les pays s’efforcent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les pays disposent également d’immenses sources d’énergies renouvelables, permettant de développer à grande échelle des projets d’énergie renouvelable et d’éviter de s’enfermer dans des modèles de croissance polluants et à forte émission de carbone.

Plus un pays est riche, plus le gouvernement, les entreprises et les ménages disposent de ressources pour investir dans les technologies d’adaptation au changement climatique. Plus les entreprises et les ménages sont riches, plus ils sont résilients aux chocs négatifs liés au changement climatique.

La production d’électricité solaire et la production à base d’autres énergies renouvelables, en réseau ou hors réseau, pourraient fournir de l’électricité abordable et fiable aux deux tiers de la population qui n’y a actuellement pas accès, offrant ainsi des opportunités économiques et de création d’entreprises, par exemple une plus grande transformation de l’agriculture au sein des communautés rurales. « Cette production d’énergies renouvelables pourrait faire du Sahel un fournisseur d’énergie aux marchés européens et ouest-africains », avancent les auteurs de la BM.  

Tous les pays du G5 sont des exportateurs de matières premières, et la Mauritanie, le Tchad et le Niger développent leurs secteurs gazier et pétrolier. D’autres produits de base comme l’or sont également importants. Il existe également d’importantes possibilités de diversifier les exportations au-delà des produits de base grâce à une production agricole et industrielle à valeur ajoutée.

 

De la cuisson propre

« Les pays du G5 Sahel ont actuellement la possibilité de réaliser le dividende démographique, d’augmenter les revenus, d’améliorer les niveaux de vie et la croissance économique, tout en améliorant la résilience de la région aux impacts du changement climatique et plaçant la région sur la voie d’une croissance durable à faible émission de carbone. »

En matière d’engagements, les pays du G5 Sahel disposent de plans d’adaptation nationaux de lutte contre le changement climatique, couvrant l’agriculture et l’élevage, la conservation des écosystèmes, la biodiversité et les forêts, l’eau et l’assainissement, l’énergie et les infrastructures, l’égalité des genres et la protection sociale, l’aménagement du territoire, la santé, l’éducation, la pêche et l’aquaculture. « Des milliards de dollars sont nécessaires dans les pays du G5 Sahel pour l’action climatique. » En l’occurrence, quelque 83 milliards $, entre les besoins pour l’adaptation au changement climatique et les besoins en atténuation de ce phénomène.

« Les investissements climatiques prioritaires devraient être ceux qui génèrent le plus d’avantages en termes de dommages économiques évités à moindre coût », aiguille la BM. Par exemple, l’expansion de l’irrigation aux cultures pluviales, l’amélioration des pratiques d’alimentation du bétail et les investissements dans des routes et des ponts résistants au changement climatique, sont trois voies à explorer.

De même, des investissements dans la cuisson propre pour la réalisation des objectifs du G5 en la matière auraient des avantages considérables en matière de santé (réduction de la mortalité et de la morbidité), d’égalité des genres (réduira le temps consacré au ramassage des combustibles) et de climat (réduction des émissions de gaz à effet de serre et de carbone noir) ; des avantages 20 fois supérieurs aux coûts d’investissement annuels estimés.

La fourniture d’un accès universel à la cuisson propre signifierait également une augmentation de la superficie des forêts et des zones de formations arbustives de 2 millions d’hectares d’ici 2050, ce qui améliorerait les services écosystémiques.

Pour réaliser ces investissements, il faudra mobiliser d’importantes ressources, notamment auprès du secteur privé. Ces investissements impliquent probablement des arbitrages en matière d’adaptation, car tout ne pourra pas être financé. Outre le volet financement, « il est urgent de renforcer ou, dans certains cas, de créer les institutions, les capacités, les processus de planification et les cadres réglementaires nécessaires pour que les pays puissent réaliser leurs objectifs en matière de climat et de développement ».

 

Des réformes structurelles indispensables

Il est nécessaire de renforcer ou d’améliorer la gestion des risques de catastrophe, les instruments de financement des risques, l’aménagement du territoire urbain, les réglementations environnementales, les capacités hydrologiques et météorologiques, les systèmes d’alerte précoce, l’assurance agricole, politiques de propriété foncière et de gouvernance, et les systèmes de protection sociale.

Il existe également peu de mécanismes permettant aux communautés locales de participer aux décisions portant sur la gestion des ressources naturelles, l’adaptation au changement climatique ou la gestion des risques de catastrophes, rendant difficile l’exploitation des connaissances locales et l’appropriation par les communautés de solutions climatiques intelligentes.

Plus un pays est riche, plus le gouvernement, les entreprises et les ménages disposent de ressources pour investir dans les technologies d’adaptation au changement climatique. Plus les entreprises et les ménages sont riches, plus ils sont résilients aux chocs négatifs liés au changement climatique. Partant de ces principes généraux, les économistes émettent une série de recommandations dont l’application permettrait aux pays du Sahel d’être moins dépendant de l’agriculture. Sachant que supprimer les contraintes entravant une croissance durable, résiliente et inclusive reste une priorité, juge la BM qui recommande de renforcer les filets sociaux et de continuer à investir dans le capital humain.

Plus généralement, détaille le rapport de l’institution, les pays doivent accroître les capacités institutionnelles, augmenter le financement (public et privé) de l’action climatique et gérer les risques climatiques, assurer l’accès à l’énergie et cuisson propre, soigner les « paysages », c’est-à-dire coordonner les actions visant l’environnement, l’agriculture, l’infrastructure et l’eau « pour une voie de développement résiliente », et adopter une autre politique urbaine. Dans ce domaine, par exemple, « il est possible d’éviter une croissance urbaine à risque et de créer des villes résilientes au changement climatique ».

@AB

 

Écrit par
Laurent Soucaille

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