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Analyse et Opinion

Augures favorables et fragmentations politiques

Augures favorables et fragmentations politiques
  • Publiéseptembre 19, 2023

Alors que l’Afrique continue de faire face à divers enjeux socio-économiques et géopolitiques, ses perspectives de croissance et d’investissement devraient se stabiliser à mesure que le continent répondra par des solutions africaines, juge Control Risks.

 

L’Africa Risk-Reward Index est un guide publié par le cabinet Control Risks et Oxford Economics Africa. Il se veut un outil de référence pour les décideurs politiques, les dirigeants d’entreprise et les investisseurs. Le rapport, s’il délivre des résultats synthétiques, détaille l’évolution de l’écosystème d’investissements sur les principaux marchés africains et fournit des perspectives à long terme sur les tendances clés qui façonnent les investissements dans ces économies.

Si quelques locomotives dynamisent le continent, celui-ci a encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre le niveau d’inclusion financière observé dans les économies plus avancées.  

La huitième édition de l’Africa Risk-Reward Index est publiée « à un moment de fragmentation géopolitique et de récents bouleversements externes qui auront un impact durable sur le continent africain », expliquent ses promoteurs.

Ces chocs ont fait baisser la croissance du PIB de 5,4 % en 22 à 3,5% en 2022. Une partie de ce recul persiste cette année, mais Oxford Economics Africa anticipe une reprise régulière, quoique inégale, de l’activité économique dans les 12 à 18 prochains mois.

Le rapport se penche tout d’abord sur l’impact de la fragmentation géopolitique mondiale sur l’Afrique. Le conflit en Ukraine a bouleversé le paysage géopolitique : les pays occidentaux cherchent des alliances pour soutenir leur position face à la Russie, tandis que cette dernière cherche également du soutien pour ses opérations en Ukraine.

Au-delà des poids lourds géopolitiques, des « puissances moyennes » émergentes s’intéressent à l’Afrique et à son riche potentiel de ressources. Alors que les jeux d’influence se poursuivent, les ondes de choc du conflit se sont propagées sous forme d’incertitude macroéconomique et d’inflation accrue, d’une profonde anxiété relative à l’interconnexion des systèmes commerciaux et économiques mondiaux, et d’un désir animant les puissances géopolitiques mondiales d’identifier leurs alliés et leurs adversaires.

Conscientes de leur poids géopolitique croissant, les plus grandes économies d’Afrique cherchent à trouver l’équilibre entre leur désir de neutralité et leur besoin de soutien financier externe, tout en renforçant la voix de l’Afrique sur la scène mondiale. Mais leurs tentatives de non-alignement subissent de plus en plus de pression.

 

Interventions de sécurité menées par l’Afrique

Dans ces conditions, « les entreprises devront trouver leur chemin face à la complexité réglementaire croissante résultant de la polarisation mondiale, notamment des régimes réglementaires concurrents, des sanctions et des contrôles à l’exportation, et une surveillance accrue portée aux chaînes d’approvisionnement des entreprises », explique le rapport.

Un effet collatéral de cette polarisation est la reprise des interventions de sécurité menées par l’Afrique, qui constitue le deuxième thème du rapport. L’attention mondiale est divisée alors que le conflit en Ukraine continue, que la concurrence entre les États-Unis et la Chine s’intensifie, et que les pays du Nord se concentrent de plus en plus sur leurs préoccupations politiques nationales. L’incapacité perçue des forces externes à contribuer à assurer une sécurité durable conduit les gouvernements et les institutions d’Afrique à jouer un rôle de plus en plus important dans la réponse aux crises sécuritaires sur le continent.

« Ces changements dans la lutte contre l’insécurité présenteront des défis pour les décideurs politiques et les entreprises en Afrique dans les années à venir. Les entreprises seront contraintes de s’orienter dans un environnement opérationnel plus complexe dans lequel la force militaire, la concurrence régionale et les intérêts politiques et commerciaux sont entremêlés », commente Patricia Rodrigues, directrice associée chez Control Risks.

Graphique « Attractivité/Risque » des pays africains. On voit, par exemple, que le Maroc présente une attractivité moyenne pour un risque faible. À sa droite, la Côte d’Ivoire présente une attractivité un peu supérieure mais un risque sensiblement plus élevé.
Graphique « Attractivité/Risque » des pays africains. On voit, par exemple, que le Maroc présente une attractivité moyenne pour un risque faible. À sa droite, la Côte d’Ivoire présente une attractivité un peu supérieure mais un risque sensiblement plus élevé.

 

Cette situation nécessitera un suivi attentif des dynamiques de sécurité en évolution rapide, ainsi que des efforts accrus pour maintenir la neutralité et éviter d’éventuelles répercussions sur la réputation. Les acteurs travaillant dans les zones conflictuelles pourraient également avoir à composer avec des forces militaires étrangères ou privées.

 

Financement pour l’avenir

Les experts prévoient qu’une concurrence géopolitique accrue se traduira à plus long terme par de nouvelles opportunités pour les pays africains, alors que les puissances géopolitiques cherchent à élargir leur influence par le biais de financements et d’investissements. Toutefois, à court terme, les économies africaines continueront de faire face à des environnements économiques difficiles, ce qui dissuadera les investisseurs les plus frileux. La hausse de l’inflation et les contraintes liées aux chaînes d’approvisionnement ont mis en lumière les déséquilibres et les fragilités économiques du continent.

« Le conflit entre la Russie et l’Ukraine et le durcissement des conditions monétaires mondiales ont pris de court les investisseurs. Cette situation a suscité des inquiétudes quant au fait que le développement économique sur le continent pourrait s’arrêter, voire reculer. Les services financiers sont un des domaines préservés, en particulier l’élargissement de l’accès aux services financiers via l’innovation », résume Jacques Nel, responsable d’Africa Macro, Oxford Economics Africa. 

Alors que les investisseurs étrangers se sont quelque peu repliés vers des économies avancées, perçues comme des havres de sécurité, des champions africains émergent pour combler ce déficit de financement et consolident progressivement leur domination dans le secteur des services financiers en Afrique. Toutefois, « le continent a encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre le niveau d’inclusion financière observé dans les économies plus avancées », indique le rapport. Qui constate que les institutions financières des locomotives économiques régionales comme l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria, le Maroc et le Kenya « répondent présent » pour contribuer à combler les fractures en matière d’accès et d’inclusion.

Bien que le secteur reste attractif pour les investisseurs, d’importants risques persistent, notamment l’exposition aux préoccupations de gouvernance, fraude, cybermenaces, vulnérabilité au financement du terrorisme, et surveillance internationale croissante de flux financiers illégaux.

@AB

Écrit par
Aude Darc

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