Améliorer la qualité de l’emploi

Le rapport Africa’s Pulse de la Banque mondiale dresse un tableau bien gris de l’Afrique subsaharienne, mais entrevoit des sources de créations de richesses, par l’émergence des villes secondaires et le libre-échange. Les économistes jugent que le continent peut améliorer la qualité, puis la quantité, des emplois proposés.
« La reprise de la croissance en Afrique subsaharienne reste insaisissable, et les risques qu’elle se traduise par une nouvelle décennie perdue sont réels », prévient la Banque mondiale. L’institution publie ce 4 octobre son attendu rapport Africa’s Pulse.
Selon ses prévisions, la croissance économique en Afrique subsaharienne devrait ralentir à 2,5 % en 2023, contre 3,6 % en 2022. Elle devrait ensuite remonter à 3,7 % en 2024 et à 4,1 % en 2025. « Cependant, la croissance par habitant dans la région n’a pas augmenté depuis 2015 », observe la BM. La sous-région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre devrait croître de 3,3 % cette année (contre 3,8 % en 2022).
« La croissance transformationnelle nécessite la conception et la mise en œuvre de cadres réglementaires qui favorisent la transparence, la concurrence et l’innovation », juge la BM.
Sur le plan politique, « ces dernières années, les tentatives de déstabilisation des gouvernements par des moyens anticonstitutionnels ou violents n’ont fait qu’augmenter en Afrique subsaharienne », déplorent les auteurs. Qui redoutent que les récents coups d’État au Niger et au Gabon ne retardent « les réformes nécessaires ». D’autant que l’« extrémisme violent, qui sévissait dans les pays du Sahel, porte le germe d’une contagion à d’autres parties du continent avec des effets dévastateurs sur les vies, les moyens de subsistance et les perspectives de paix et de croissance inclusive. » Le tout exacerbé par les dérèglements climatiques.
La BM s’inquiète aussi d’un surendettement qui « pèse lourdement ». La part des pays africains qui présentent un risque élevé ou qui sont déjà en situation de surendettement est passée de 27 % en 2015 à 55 % en 2023. « L’augmentation de la dette dans la région s’est accompagnée d’une modification de sa composition, qui s’est détournée des emprunts concessionnels au profit de créanciers privés et de créanciers bilatéraux n’appartenant pas au Club de Paris. » En conséquence, la charge du service de la dette et la vulnérabilité aux chocs se sont accrues. Et les auteurs de qualifier de « stupéfiant » le niveau atteint par le ratio dettes sur revenus, 31%.
Cette charge accrue du service de la dette s’ajoute à une stagnation des exportations, ce qui risque de réduire la disponibilité des devises pour les importations essentielles à la production et à l’investissement.

Dans ce contexte, l’environnement économique mondial reste incertain et rend peu probable qu’il se porte au secours des pays d’Afrique subsaharienne, les pays occidentaux restant préoccupés par la faible vitesse de la désinflation.
Inadéquation du marché de l’emploi
Toutefois, dans ce paysage de « vents contraires », il existe des « poches de résilience ». En 2023, l’Afrique de l’Est (CAE) devrait connaître une croissance de 4,9 %, tandis que l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) devrait enregistrer une croissance de 5,1 %. L’activité a bien résisté dans des pays tels que le Bénin, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, Maurice, le Rwanda et l’Ouganda. « Cependant, la qualité de la croissance et sa soutenabilité restent un sujet de préoccupation », prévient la BM.
D’autant que l’inflation persiste, quoiqu’à un rythme plus faible. Elle devrait ressortir à 7,3 % en 2023, contre 9,3 % en 2022. De même, l’amélioration des soldes budgétaires reste lent. « Il devient donc indispensable de mobiliser des ressources nationales et d’assurer une plus grande efficacité aux dépenses pour atténuer les risques liés à la viabilité des finances publiques et de la dette, faire baisser l’inflation et créer une marge de manœuvre budgétaire pour les dépenses de développement. »
Sur longue période, la croissance économique de l’Afrique n’a pas été suffisante pour créer assez d’emplois et réduire significativement l’extrême pauvreté. Et à court terme, le resserrement des conditions financières pèse sur la capacité des entreprises à investir et à se développer, limitant ainsi l’intensité capitalistique et la création d’emplois. Et notamment des emplois de qualité. « Les emplois sont instables, n’utilisent pas efficacement les compétences, manquent d’équipements appropriés et les conditions de travail sont souvent inhumaines », regrette la BM.
En face, le manque de capitaux compromet la transformation structurelle nécessaire à la création d’emplois de qualité. Certes, l’amélioration de la productivité dans l’agriculture entraîne un déversement vers les services, mais cela s’accompagne d’un manque d’investissement dans le capital à forte intensité de main-d’œuvre. Or, l’« accroissement de l’intensité capitalistique est le principal moteur de la croissance » des pays les plus pauvres.
Dans ce contexte, « la croissance attendue de la population en âge de travailler souligne l’urgence de créer des emplois de qualité et de développer les compétences ». Les dividendes potentiels de la baisse de la fécondité dépendent de la disponibilité d’emplois productifs pour les nouveaux venus sur le marché du travail. « La participation des femmes est cruciale pour l’obtention de gains plus importants du dividende démographique, car elles sont susceptibles de contribuer davantage à la main-d’œuvre à mesure que la taille des familles diminue. »
Les emplois urbains ont à peine augmenté par rapport à la population en âge de travailler. Toutefois, la BM entrevoit une piste : « L’émergence de villes secondaires plus proches des populations rurales et l’abandon de l’agriculture familiale au profit d’exploitations agricoles plus importantes pourraient ouvrir la voie à un nouveau développement. »
Quelques réponses politiques
Et la BM d’appeler à davantage de qualifications et de soutiens aux petites structures, regrettant que les politiques publiques aillent trop souvent dans le sens des grandes entreprises, parfois de monopoles qui empêchent toute concurrence. L’institution revient sur des « maux » bien connus de l’Afrique, comme l’insuffisance des infrastructures et le manque de diversification des exportations.
Dans ce contexte, ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) « offre d’importantes possibilités de croissance de l’emploi et pourrait potentiellement conduire à la création d’environ 18 millions d’emplois ».
De ce tableau bien sombre la BM tire quelques « réponses politiques ».
L’Afrique subsaharienne devra bâtir un écosystème qui facilite l’entrée, la stabilité et la croissance des entreprises, ainsi qu’un développement de compétences qui correspondent à leur demande. La stratégie reposerait la stabilisation financière et réduction de la dette, la stabilité politique et renforcement du cadre institutionnel pour soutenir les marchés, les compétences axées sur la demande et amélioration de la transformation organisationnelle du travail.
On le voit, la mobilisation des recettes fiscales et l’élargissement de l’assiette fiscale sont essentiels pour que les pays africains puissent financer les investissements dans le capital humain, la santé et les infrastructures nécessaires. Il est essentiel d’améliorer la structure fiscale, d’imposer de nouvelles taxes, juge la BM. Qui cite en exemples l’évaluation foncière et les boissons gazeuses.
De plus, la réduction de la dette publique et une meilleure gestion de la dette – y compris des restructurations efficaces de la dette –, contribueraient à rétablir la viabilité du secteur public.
Au plan politique, « le processus démocratique dans les pays d’Afrique subsaharienne doit être renforcé ». La fourniture efficace de biens et de services publics dans l’ensemble d’un pays, en particulier dans ses zones à risque, revigorerait la légitimité de l’État et permettrait un meilleur fonctionnement des marchés. De plus, « la croissance transformationnelle nécessite la conception et la mise en œuvre de cadres réglementaires qui favorisent la transparence, la concurrence et l’innovation », juge la BM.
« Identifier, encourager et soutenir les entrepreneurs est un moyen rentable d’encourager l’activité économique dans un pays », juge enfin la BM. Le rapport Africa’s Pulse examine les voies d’encouragement du secteur privé et dresse un premier bilan, mitigé mais porteur d’espoirs, de la ZLECAf.
@AB
1 Commentaire
Bonjour a vous, je pense qu’il y a même pas d’emplois crées avant de parler ou d’écrire emploi dit »décent » ou de qualité. L’Afrique de 2000 jusqu’à 2020 a eu de la croissance, il a eu des effets pernicieux avec la hause de l’inégalité et surtout l’exorbitante immigration clandestine. On se demande a quoi a sert votre mot croissance. Nous avons des taux dit de croissance de 7 % des pays font des croissance 2.0 ou deux chiffres même le constat est la les guerres, la paupérisation des 2/3 de la population. Nous sommes en droit de se questionner est-ce que ce n’est pas une croissance » appauvrissante » ( un oxymore ) même c’est le réel dans beaucoup de pays et la grogne sociale va exploser de 2024 a 2025 dans beaucoup en Afrique avec son lot de révolte sociale des coup d’états et risque de guerre civile.