« Sortir de la pauvreté » impossible avec « l’aide d’autrui », dit le président Akufo-Addo
Le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, est également coprésident du groupe de personnalités réunies par le secrétaire général de l’ONU afin de défendre les Objectifs de développement durable.
Dans cet article rédigé spécialement pour NewAfrican, il explique que les ODD apportent le cadre dont le continent a besoin pour se libérer de la dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère et voler de ses propres ailes. Pour y parvenir, six conditions doivent être respectées.
Par Nana Akufo-Addo, président du Ghana
En 2015, les Nations unies ont adopté les Objectifs de développement durable (ODD), qui ont succédé aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), et qui forment un schéma directeur pour transformer notre monde.
Les ODD, constitués de 17 points, représentent un programme ambitieux mais essentiel. Face aux grands défis que doit relever l’Afrique en matière de développement, la nécessité d’atteindre ces objectifs est sans aucun doute plus importante sur ce continent. Les ODD exigent une vision audacieuse et des actions ambitieuses. Ainsi, dans les douze prochaines années, l’Afrique doit s’efforcer de réaliser ces objectifs principalement avec ses propres ressources – humaines, physiques et financières.
Nous devons utiliser les ODD pour changer le discours sur l’Afrique. Une Afrique qui ne serait plus dépendante de l’aide étrangère.
À la différence des modestes avancées réalisées pendant la période des OMD qui ont bénéficié en grande partie d’une aide au développement étrangère, l’Afrique ne peut transformer sa destinée grâce à l’assistanat.
Depuis le jour où je suis devenu président de la République du Ghana, j’ai engagé mon pays et moi-même à adopter les ODD comme un cadre structurant pour notre développement.
Sous ma présidence, le Ghana a choisi une voie de développement qui est ancrée dans les principes des ODD et constitue une base solide pour aller au-delà de l’aide. Je n’utilise pas cette expression comme un simple slogan. C’est une conviction profonde et un engagement pour bâtir un pays qui prospère grâce à ses propres ressources, ses sacrifices, sa créativité et son ingéniosité, et non un pays qui dépend de la bienveillance d’autrui pour transformer son développement et son économie.
Ne négliger personne
Au Ghana, nous avons accepté ensemble le défi des ODD, et nous travaillons activement à leur mise en oeuvre. En étant pleinement intégrés au cadre de développement national – le Programme coordonné des politiques économiques et sociales –, les ODD favorisent la cohérence des politiques et renforcent la coordination intersectorielle.
Dans notre ferme détermination à ne négliger personne, nous avons veillé à ce que nos programmes phares (le programme « Enseignement secondaire gratuit », l’initiative « Un quartier Une usine », le projet « Planter pour de la nourriture et des emplois », le programme « De l’eau pour tous » et l’établissement d’une industrie de l’alumine intégrée) soient fondamentalement associés à la réalisation des ODD.
Alors que nous voulons réaliser les nobles objectifs des ODD et créer un Ghana – et une Afrique – non dépendants de l’aide, nous devons mettre en oeuvre ces six points importants :
Premier point : nous devons nous assurer que les mesures de facilitation sont en place et que les impératifs sont respectés. C’est une exigence fondamentale. Nous devons résoudre les déséquilibres macroéconomiques, faire preuve de prudence en matière fiscale, veiller à ce que les mesures incitatives nécessaires permettent de soutenir une croissance accélérée et une offre de services sociaux améliorée.
Nous devons adopter des politiques intelligentes pour passer de la stabilisation de nos économies à la croissance inclusive et au développement transformationnel. Pour ce faire, nous devons réformer la structure de nos économies, ajouter de la valeur à nos produits de base et poursuivre activement l’industrialisation, portée par la modernisation de l’agriculture ainsi que les petites et moyennes entreprises, dans un premier temps.
Nous ne pouvons pas continuer à agir comme nous le faisons depuis cent ans en exportant nos matières premières qui nous rapportent une proportion infime des rendements très importants obtenus dans des chaînes de valeur complètes. Plus urgent encore, nous devons accroître les investissements dans les infrastructures pour soutenir une croissance robuste et notre stratégie industrielle.
Deuxième point : il ne fait pas de doute, selon moi, qu’un facteur essentiel pour réaliser les ODD est un secteur privé solide et dynamique, qui peut se développer et prospérer. Le secteur privé a un rôle central à jouer. Nous devons connecter les énergies du secteur privé au programme des ODD, en exploitant le savoir-faire du secteur privé, ses bonnes pratiques, ses mécanismes de réalisation, son innovation et, bien entendu, ses ressources pécuniaires.
Troisième point : avec l’énorme déficit de développement dont souffre l’Afrique, la réalisation des ODD mobilisera toutes les ressources que nous pouvons réunir. L’Afrique a les moyens de financer la mise en oeuvre des ODD, mais le succès dépendra de la manière novatrice dont nous mobilisons les ressources pour financer le programme.
Sans aucun doute, le financement de cette grande ambition qui sous-tend les ODD nécessite des ressources diverses, dont l’Aide publique au développement ; mais l’APD ne doit servir qu’à permettre d’attirer les investissements privés.
Je suis convaincu que la principale source de financement des objectifs doit se trouver dans les ressources nationales, grâce à une plus forte mobilisation des ressources mais aussi une meilleure utilisation des revenus nationaux. Nous devons faire preuve d’efficacité non seulement pour réunir les ressources mais aussi pour éliminer les fuites très fréquentes, éviter une mauvaise utilisation des ressources et, surtout, mettre fin à la corruption dans les affaires publiques.
Quatrième point : pour atteindre les ODD et permettre à l’Afrique de se passer de l’aide, nous devons, de toute urgence, accroître nos investissements dans les sciences et la technologie
et, surtout, exploiter l’innovation pour relancer nos économies. La technologie et l’innovation nous permettront d’entrer directement dans l’ère numérique, qui constituera le socle des solutions de développement nécessaires sur le continent africain.
Cinquième point : le fléau de l’Afrique est sa mauvaise gouvernance. Bien que de modestes progrès aient été réalisés récemment dans ce domaine, ils sont loin d’être suffisants.
Nous devons continuer à nous efforcer de réinventer la gouvernance et faire en sorte que nos systèmes de gouvernance fonctionnent afin d’éradiquer la pauvreté et favoriser le développement. Cela comprend la mise en place de systèmes de gouvernance solides et le renforcement de la responsabilité à tous les niveaux.
Sixième point : pour que notre continent réalise les ODD et puisse se passer de l’aide, nous devons libérer le potentiel de nos femmes. Ceci est une condition fondamentale. Les femmes doivent pouvoir participer au processus d’élaboration des programmes et il est important de supprimer les contraintes politiques et sociales qui les privent de pouvoir et les mènent à l’exclusion.
L’Afrique a besoin de la créativité, de l’esprit d’entreprise, de l’innovation et de la capacité d’adaptation de ses femmes pour atteindre les ODD et se passer de l’aide.
Quelle que soit la taille du défi, l’Afrique ne peut pas déroger à son engagement à l’égard des ODD. Nous devons poursuivre la réalisation des ODD de la manière la plus active possible. Chaque pays doit choisir sa propre voie pour atteindre les objectifs qu’il se fixe. En faisant ces choix, nous devons veiller à ce que la croissance et le développement apportent prospérité, paix et sécurité à nos peuples. Nous devons faire en sorte que les ODD nous apportent des résultats positifs. Les ODD devraient nous propulser vers l’avenir radieux que nous envisageons : un avenir où l’Afrique est fière ; un avenir où l’Afrique n’est plus dépendante de l’aide.
ENCADRE
Nana-Akufo-Addo (Verbatim)
« La réalisation des ODD exige que nous soyons audacieux et ambitieux dans nos idées et nos actions, que nous soyons créatifs, innovants, que nous travaillions beaucoup et, surtout que nous sachions exploiter l’énergie positive et débordante de la jeunesse. »
« Nous devons nous engager à créer des institutions responsables et transparentes. L’incapacité de l’Afrique à se développer dans le passé est principalement due à une mauvaise gouvernance et à notre histoire coloniale. Nous devons mettre en place des systèmes de gouvernance qui nous permettront d’éradiquer la pauvreté et de créer de la prospérité pour tous. »
« Nous ne pouvons pas sortir de la pauvreté en réalisant les ODD grâce à l’aide et à la bienveillance d’autrui. Si nous voulons réussir, Aller au-delà de l’aide en Afrique ne peut être un simple slogan. Il est nécessaire d’avoir une approche différente des affaires et de faire les choix difficiles indispensables pour accélérer la croissance inclusive de nos économies. »