Niger : Transformer pour moins importer

Devant l’importance des importations en produits alimentaires, des Nigériennes s’engagent dans la transformation des céréales produites localement. En dépit des difficultés, elles font preuve d’innovation.
Niamey, Sani Aboubacar
Une bataille de longue haleine ! C’est ainsi qu’on peut qualifier le combat que mènent, au Niger, de plus en plus de femmes, organisations de producteurs et ONG afin de proposer de produits prêts à l’emploi confectionnés à base des céréales.
La plupart des transformateurs exercent leurs activités de manière artisanale et dans la majorité des cas, dans l’informel. Au-delà, la principale difficulté est liée à l’emballage qui reste le maillon oublié de la chaîne des valeurs des produits agricoles.
En effet, les populations en milieux urbains cherchent des produits faciles à préparer et de qualité. Mais l’insuffisance de l’offre locale en produits transformés les pousse à s’orienter vers les produits importés, qui n’exigent pas une préparation et une cuisson longue.
Faciles à consommer, pains, couscous et autres aliments sont importés de tous les continents au détriment des céréales produites localement. Les céréales représentent 76 % des apports énergétiques des Nigériens.
Il s’agissait pour ces femmes de proposer les mêmes produits transformés, mais confectionnés avec des céréales, fruits et légumes provenant des zones rurales, afin d’augmenter leurs revenus. « Je transforme les céréales (mil, sorgho, fonio, riz etc.) pour aider les consommatrices, particulièrement celles qui travaillent dans l’administration, avec des produits céréaliers précuits. Avec ces produits, elles ont moins de temps à perdre dans la cuisine », relate Abdoulkarim Fatoumata Keffy, promotrice de l’entreprise Fanta House, spécialisée dans la transformation des céréales.
Au-delà de la lutte en faveur de la sécurité alimentaire, Amadou Adama, titulaire d’un diplôme en contrôle de qualité, place son combat dans la lutte contre la perte de production des fruits et légumes en période d’abondance.
« Au Niger, tout le monde produit la même chose, en même temps. Du coup, au moment de la récolte, tout le monde récolte en même temps et les producteurs n’arrivent pas à écouler leurs productions. Or, les fruits et légumes ont une durée de vie et les producteurs ne disposent d’aucun moyen de conservation », regrette-t-elle.
Par exemple, 30 % de la production de l’oignon est perdue chaque année à la récolte et le Niger, qui est le principal producteur de ce produit en Afrique de l’Ouest, est obligé d’en importer à partir de l’Algérie pour satisfaire la demande.
« En période d’abondance, je prends les légumes frais pour les sécher à l’ombre, les emballer, afin de pouvoir les utiliser le reste de l’année », explique-t-elle.
Des innovations majeures
La transformation des produits locaux n’est pas seulement l’affaire des femmes. À l’image de Yacouba Alfari, promoteur de Fara’a tomate, plusieurs hommes s’adonnent à cette activité.
Il propose de la tomate concentrée, fabriquée à partir de la tomate fraîche produite sur place. « Nous achetons cette tomate sur le marché et chez les producteurs que nous transformons en jus concentré », explique-t-il.
Ainsi, avec l’appui de certaines ONG comme SNV, à travers le projet Agri Pro Focus, le Réseau des chambres d’agricultures (RECA) qui appuie les transformateurs en formation et sensibilisation sur l’hygiène, l’assainissement et le marketing entre autres. Les agricultrices et agriculteurs font de plus en plus preuve d’innovations et proposent une gamme de produits locaux : couscous de riz simple ou mélangé à des fruits, couscous de patate douce ou couscous niébé-riz, soupe de légumes, biscuits à base de mil ou de sorgho, etc.
Autres innovations : la signature de contrats avec des organisations paysannes pour l’ensemble de leur approvisionnement.
Ce dispositif favorise des aliments plus équilibrés. « Si nous arrivons à consommer tous ces produits nigériens, alors dès 2021, nous parviendrons à la faim zéro », prédisait le Premier ministre Brigi Rafini, à l’issue de la visite des stands lors de la campagne « 100 % made in Niger », organisée du 29 novembre au 1er décembre 2018 à Niamey.
La promotrice de cette activité, Rabi Arzika, reste d’ailleurs convaincue que produire et consommer local sont les leviers de la construction d’une économie nationale dynamique.
Quelques obstacles à surmonter
D’autres évènements comme les « Pop Market », journées de vente de produits locaux organisées les week-ends et les foires à Niamey, permettent aux producteurs d’écouler leurs produits.
La promotrice de Fanta House reste convaincue que le marché est en nette croissance. Selon elle, les produits qui se vendaient avant entre amis et connaissances sont davantage présents dans les étalages des épiceries, alimentations générales et autres stations-service.
Il reste que la plupart des transformateurs exercent leurs activités de manière artisanale et dans la majorité des cas, dans l’informel. Au-delà, la principale difficulté est liée à l’emballage qui reste le « maillon oublié » de la chaîne des valeurs des produits agricoles.
Un casse-tête occasionnant perte de temps, perte de produits et de marchés pour les transformatrices. « Nous avons des difficultés pour nous procurer des emballages adaptés et à un coût raisonnable », confie Mme Abdoulkarim qui souligne que les emballages viennent essentiellement du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, du Mali et du Ghana.
Face à ces difficultés, des ONG accompagnent également les productrices, qui manquent encore d’équipements de production et de séchage, en les organisant en groupements. Il s’agit de les amener à faire des commandes groupées afin de réduire les charges liées à l’importation des emballages.