Le pari des pôles de croissance agricoles
Le secteur agricole occupe 86 % de la population active, assure près de 80 % des exportations et contribue à la formation du PIB à hauteur de 35 %. Le Burkina Faso a fait le pari des pôles de croissance agricoles pour assurer une émergence économique.
Par Tiégo Tiemtoré
La zone de Bagré a été sélectionnée, en 2012, pour abriter le premier Pôle de croissance du Burkina Faso. Ainsi est né Bagrépôle, la structure étatique chargée de la gestion du projet. Le secteur a été déclaré « Zone d’utilité publique », ce qui sécurise l’accès des investisseurs pour des baux de 99 ans.
Samandéni, à l’Ouest, s’étend sur deux régions reconnues comme étant les greniers du pays (les Hauts-Bassins et la boucle du Mouhoun) et la vallée du Sourou au Centre-Ouest, qui représentent des pôles agricoles avec d’excellentes perspectives.
C’est d’ailleurs avec Bagrépôle (dont le barrage a une capacité de 1,7 milliard de m3) que la Banque mondiale a décidé d’expérimenter des pôles de croissance en Afrique. Sur environ 700 investisseurs nationaux et internationaux qui ont participé à la première conférence des investisseurs, en septembre 2012, avec des besoins exprimés en terres évalués à plus 25 000 ha, le gouvernement a retenu 108 investisseurs.
Sur le terrain, les producteurs s’adonnent à la riziculture, l’élevage, l’aquaculture, l’horticulture, sur les 3 380 ha en exploitation. D’ici à 2019, près de 4 500 hectares de terres seront aménagés.
Le volume des investissements privés et publics dans la zone a dépassé 85 milliards de F.CFA (130 millions d’euros). Principal bailleur de fonds de Bagrépôle (55 milliards de F.CFA), la Banque mondiale prépare un financement additionnel de 25 milliards.
Rassurée par le potentiel de la zone, la BAD s’est engagée en 2016, à y injecter plus de 16 milliards de F.CFA pour la réalisation d’ouvrages sur la rive droite en complément aux financements apportés par le gouvernement et la Banque mondiale.
Bagré devrait permettre d’aménager 50 000 ha de terres pour une production de 450 000 tonnes de produits agricoles et de créer 30 000 emplois. À terme, le volume total des investissements devrait atteindre 525 milliards de F.CFA (800 millions d’euros), selon le gouvernement. À l’évidence, l’engouement suscité par l’expérience de Bagré a motivé la création d’autres pôles de croissance agricoles.
Des projets attractifs
Samandéni, à l’Ouest, s’étend sur deux régions reconnues comme étant les greniers du pays (les Hauts-Bassins et la boucle du Mouhoun) et la vallée du Sourou au Centre-Ouest, qui représentent des pôles agricoles avec d’excellentes perspectives.
D’un coût d’environ 182 milliards de F.CFA (277,5 millions d’euros), le Programme de développement intégré de Samandéni (PDIS) permettra de dynamiser la production agricole dans l’ouest du pays et les zones frontalières avec la Côte d’Ivoire et le Mali.
Avec 1,5 milliard m3 d’eau, 21 000 ha de périmètres irrigués, le barrage (le troisième en taille du pays) permet la production annuelle de 100 000 tonnes de riz, 150 000 tonnes de céréales, 300 000 tonnes de cultures maraîchères. L’exploitation optimale de Samandéni devrait générer 100 000 emplois, près de 16 milliards de F.CFA par an, contribuer à hauteur de 2 % du PIB et de 3 % à la production nationale.
La mise en eau du barrage est intervenue en juillet 2017. Près de 40 % des parcelles aménagées seront attribuées aux petits exploitants familiaux, tandis qu’une aire agro-industrielle de 100 ha sera installée.
Quant à la vallée du Sourou, gérée par l’Autorité de mise en valeur de la vallée du Sourou (AMVS) elle est dotée d’un potentiel de 30 000 ha et d’un réservoir d’eau de 600 millions m3. Sur ce potentiel, la superficie déjà aménagée est d’environ 4 000 ha, pour 3 500 producteurs en activité.
La réhabilitation des 3 000 ha dégradés, pour un coût de 20 milliards de F.CFA, la restructuration souhaitée de l’AMVS pour l’adapter à ses missions actuelles, l’arrimage de l’AMVS au Projet de Samendéni « pour assurer la viabilité des deux projets » partageant la même ressource en eau, figurent parmi les perspectives envisagées par le gouvernement.
La renaissance du lac Bam
Pour séduire les investisseurs, l’État dispose d’un « Plan stratégique pour le développement agricole durable de la vallée du Sourou », conçu avec l’appui des États-Unis, d’un coût évalué à 240 milliards de F.CFA (365,9 millions d’euros). Il y est projeté un accroissement des superficies aménagées de 12 000 ha et une réhabilitation de l’ensemble des 3 800 ha d’anciens périmètres.
Le lac Bam, disposant d’un bassin-versant de 2 610 km2 et d’une capacité maximale de stockage d’eau de 41,3 millions de m3, est le plus grand réservoir naturel d’eau de surface du Burkina Faso. Il était une référence en matière de production de haricot vert (depuis la Haute Volta) ; mais est menacé de disparition d’ici à 2082, par l’envasement.
Depuis mars 2017, le lac bénéficie d’un projet de restauration, de protection et de valorisation (PRPV/LB). Les 10 milliards de F.CFA par la BOAD (Banque ouest-africaine de développement). Le projet de restauration vise, entre autres, l’aménagement de 520 ha de nouveaux périmètres pour l’exploitation en saison sèche. Une fois réhabilité, grâce à la seconde phase du projet (estimée à 32 milliards de F. CFA), le lac Bam constituera un pôle de croissance à vocation agricole.
Avec Bagrépôle, Samandéni et le Sourou, l’intérêt et l’engouement observés des producteurs ainsi que du secteur privé consolident la conviction des autorités sur l’option des agropôles. Selon les données du ministère de l’Agriculture et des aménagements hydrauliques, la superficie des terres à potentialités agricoles est évaluée à 9 millions d’hectares dont seulement un tiers est exploité annuellement…
ENCADRE
Agropôle, une définition
« L’agropôle est un pôle de croissance et de compétitivité à vocation agricole. L’objectif poursuivi est d’intensifier et transformer la production agricole sur un périmètre donné par l’aménagement d’infrastructures agricoles et industrielles et la mise en place d’une plateforme combinée d’infrastructures de soutien et de services critiques essentiels pour le développement d’une activité économie dynamique et compétitive portée par le secteur privé. », explique Hadizatou Rosine Coulibaly, ministre de l’Économie, des finances et du développement.