Vers un rebond en 2024, si tout va bien

Sauf prolongation des facteurs de crise, la croissance de l’Afrique subsaharienne devrait progresser l’an prochain, pronostique le FMI. Le commerce international retrouverait la normale, de nouveaux projets seront activés et une inflation maîtrisée rassurerait les banques centrales.
De 3,6 % en 2023, la croissance de l’Afrique subsaharienne devrait passer à 4,2 % en 2024, pronostique le Fonds monétaire international). Lequel FMI vient de publier ses Perspectives économiques régionales.
Quatre pays africains sur cinq des pays devraient voir leur croissance repartir à la hausse l’an prochain, à la faveur d’une augmentation de la consommation privée et de l’investissement. Toutefois, préviennent les économistes, la reprise est « intimement liée » aux évolutions mondiales.
Lesquelles sont tributaires de trois facteurs essentiels. Premièrement, l’activité économique mondiale devrait continuer de se remettre du contrecoup de la guerre en Ukraine. Cela devrait bénéficier aux pays africains exportateurs, qui pourront profiter d’une détente des prix à l’importation au fur et à mesure que les chaînes d’approvisionnement se remettront à fonctionner normalement.
Une éventuelle appréciation du dollar causerait une nouvelle dégradation du commerce international, dans la mesure où il s’agit de la monnaie de facturation de nombreux produits.
Deuxièmement, l’inflation mondiale devrait poursuivre sa décrue en 2024. On peut donc s’attendre à ce que les principales banques centrales assouplissent leur politique monétaire au cours du second semestre 2023. Grâce à cela, les pressions qui s’exercent sur les taux de change et les écarts de taux de la région devraient s’atténuer. « Pour autant, les taux d’intérêt mondiaux devraient rester élevés et bien au-dessus des niveaux qui prévalaient avant la pandémie », prévient le FMI.
Troisièmement, les cours du pétrole brut devraient poursuivre leur chute et baisser d’environ 6 % en 2024 par rapport à 2023, au fur et à mesure que s’amoindriront les pressions du côté de la demande. Étant donné que les pays importateurs nets de carburant représentent les deux tiers du PIB africain, la baisse des prix devrait avoir une incidence positive sur sa croissance. Les prix des produits de base hors combustibles devraient rester globalement inchangés.
Une grande pénurie de financement
Bien sûr, l’évolution de la croissance économique varie considérablement d’un sous-groupe de pays à l’autre. Le redémarrage de la croissance devrait être principalement le fait de deux groupes de pays : ceux dont le PIB n’est pas fortement dépendant des ressources naturelles, et les pays exportateurs de ressources naturelles autres que le pétrole.
Des projets miniers bienvenus
Les premiers, forts de leurs économies plus dynamiques et plus résilientes, y compris au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est, et grâce au redressement de l’activité en dehors du secteur extractif et notamment dans l’agriculture, devraient voir leur PIB croître de 5,7 % en 2023, puis de 6,2 % en 2024.
Les pays du second groupe, dépendants de ressources naturelles autres que le pétrole, devraient également connaître une forte reprise économique, notamment en raison du démarrage de nouveaux projets miniers (minerai de fer au Liberia et en Sierra Leone ; matières premières nécessaires à la production d’énergie renouvelable en RD Congo et au Mali).
En Afrique du Sud, l’activité devrait se redresser en 2024 au fur et à mesure que la crise énergétique s’atténuera et que l’environnement extérieur s’améliorera. Par contre, au sein du groupe des pays exportateurs de pétrole, la croissance devrait ralentir et passer de 3,3 % en 2023 à 3,1 % en 2024, ce qui tient principalement à la poursuite de la baisse des cours du brut et au ralentissement de la production. C’est pourquoi la croissance du Nigeria devrait baisser pour atteindre 3,0 %, l’année prochaine.
La baisse attendue de l’inflation au niveau mondial devrait également se faire sentir dans la région, où le taux médian devrait baisser à 5 % (en glissement annuel) d’ici à fin 2024 ; un niveau certes toujours supérieur à celui qui prévalait avant la pandémie, mais moitié moindre qu’à la fin de l’année 2022. De plus, la baisse, récemment amorcée, des prix mondiaux des denrées alimentaires et des combustibles, qui devrait se poursuivre tout au long de cette année et l’année prochaine, devrait fortement contribuer au ralentissement de l’inflation globale dans la région.
Bien sûr, ses perspectives optimistes ne sont pas sans « risques baissiers », prévient le FMI.
En raison des multiples chocs survenus ces dernières années et des secousses que traverse actuellement le secteur financier, l’horizon économique mondial est entaché d’une profonde incertitude. Les risques de récession mondiale se sont accrus, et le niveau durablement élevé de l’inflation continue de soulever des inquiétudes. Les risques au niveau mondial sont donc clairement baissiers.
Effet domino d’une crise bancaire ?
Les secteurs bancaires de certains grands pays sont actuellement en proie à des secousses qui pourraient affecter les pays d’Afrique subsaharienne de plusieurs manières. L’effritement de la confiance des consommateurs et des entreprises risque de peser sur l’activité dans les principaux pays avancés, ce qui pourrait déteindre sur la situation des pays africains, du fait de la baisse de la demande d’importations et de la chute des prix des matières premières.
En outre, même si les conditions financières dans la région ne sont pas fortement corrélées à celles qui prévalent aux États-Unis ou en Europe, les difficultés des secteurs bancaires américain et européen risquent d’accroître l’aversion pour le risque au niveau mondial, ce qui aggraverait encore la pénurie de financement en Afrique subsaharienne.
Comme lors de précédents épisodes de tensions financières mondiales, une fuite des capitaux des pays émergents et des pays en développement pourrait se produire, ce qui entraînerait une nouvelle appréciation du dollar et rendrait encore plus vulnérables les pays dont une part considérable de la dette extérieure est libellée dans cette monnaie. Cette appréciation du dollar causerait une nouvelle dégradation du commerce international, dans la mesure où il s’agit de la monnaie de facturation de nombreux produits.
Les économistes signalent trois autres types de risques baissiers au niveau mondial. Premièrement, une inflation plus tenace que prévu pourrait mener à de nouveaux épisodes de resserrement de la politique monétaire. Ce qui ne ferait qu’ajouter aux difficultés de l’Afrique subsaharienne, par exemple, en matière d’équilibre de la balance des paiements.
Deuxièmement, la guerre en Ukraine pourrait gagner en intensité, au risque de plonger le monde dans une incertitude encore plus profonde et de faire augmenter les prix de l’alimentation et de l’énergie, ce qui aggraverait encore davantage les contraintes de financements.
Troisièmement, une aggravation de la fragmentation géoéconomique mondiale pourrait avoir des répercussions négatives en Afrique subsaharienne, comme la multiplication des obstacles aux échanges et l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, dans la mesure où les pays de la région sont fortement tributaires des exportations de produits de base et très sensibles aux chocs sur la demande et les prix mondiaux.
Un tel ralentissement s’accompagnerait d’effets désinflationnistes, qui entraîneraient entre autres une baisse des prix du pétrole et du gaz. Le commerce mondial ralentirait en raison de la faiblesse de la demande mondiale, de l’augmentation de l’incertitude et du renchérissement du dollar. Le coût cumulé pour l’Afrique subsaharienne équivaudrait à une perte de 1,9 % du PIB en 2023–2024 ; les pays exportateurs de pétrole essuieraient des pertes plus importantes (2,5 %) que les pays exportateurs de ressources naturelles autres que le pétrole (1,8 %) et que les pays dont le PIB n’a pas une forte composante de ressources naturelles (1,4 %).
Encore une fois, il ne s’agit que de « risques ».
@AB