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Une infrastructure logistique pour l’Afrique francophone

Une infrastructure logistique pour l’Afrique francophone
  • Publiéavril 5, 2023

En 2022, l’entreprise de transport et de logistique Paps a opéré 4,6 millions de livraisons au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Présente depuis peu au Bénin, la start-up spécialisée dans la livraison au dernier kilomètre entend à terme mailler l’Afrique francophone.

 

C’était le 10 mars 2023. L’annonce de la faillite de la SVB, banque américaine de la Silicon Valley, a pris de court l’écosystème mondial des start-up, sans épargner les acteurs du continent africain. « C’est la banque qui hébergeait le plus de start-up et de fonds d’investissement au monde, son krash a créé de la panique sur les marchés, nous avions des plans d’expansion, mais nous allons attendre une période plus propice avant de poursuivre notre développement », indique Bamba Lo (photo ci-dessus), directeur général de l’entreprise de logistique et de transport Paps Logistique, tout de noir vêtu dans son bureau, au nouveau siège de l’entreprise dakaroise.

 « Nous construisons une infrastructure logistique qui n’existe pas encore en Afrique francophone, une logistique qui, aujourd’hui, est encore majoritairement informelle. Nous sommes seulement à 20 % de cet objectif. »

L’entrepreneur franco-sénégalais entend profiter de ce contretemps pour se consolider en Côte d’Ivoire et au Bénin, deux marchés dans lesquels sa start-up est entrée en 2022 et début 2023. À terme, l’homme vise toutefois un territoire plus vaste : « Notre ambition est de créer une infrastructure logistique en Afrique francophone. »

Fondée au Sénégal en 2016, Paps était à l’origine une application de livraison à la demande, qui mettait en relation des clients et des livreurs, pour l’acheminement express d’un trousseau de clés par exemple. Très vite, la start-up a commencé à offrir des services de transport et de logistique taillés pour les entreprises, en se basant sur la technologie. Paps est aujourd’hui positionné sur plusieurs segments de la logistique, comme le stockage, le transport national et international (par voie aérienne, terrestre et maritime), et la livraison au dernier kilomètre.

Bamba Lo et Rokhaya Sy, cofondatrice de Paps Logistique
Bamba Lo et Rokhaya Sy, cofondatrice de Paps Logistique

Comment expliquer le succès de la start-up sénégalaise, qui emploie aujourd’hui autour de 150 employés ? Si les côtes ouest-africaines sont connectées de longue date au monde entier, à travers des entreprises internationales comme Bolloré, CMA-CGM ou encore Maersk, la partie logistique destinée au client final (entreposage, transport, livraison au dernier kilomètre) a longtemps été la chasse gardée du secteur informel – qui a la particularité d’être fracturé à l’extrême. Les deux cofondateurs de Paps Logistique ont flairé le potentiel de ce marché du dernier kilomètre, qui représente trois milliards de dollars en Afrique de l’Ouest. Ils se sont appliqués à en structurer et en numériser les différents segments. Leur but ? Assurer une solution standard qui propose de la logistique du port jusqu’au client final.

 

Un modèle facilement reproductible

« Paps est un précurseur, l’entreprise s’installe chaque jour davantage sur la chaîne de valeur de la logistique », salue Stanislas Faye, chargé du programme d’investissement pour le compte de l’opérateur téléphonique Sonatel (Orange) – l’un des principaux clients de Paps Logistique. « Les dirigeants ont une approche à la Uber, ils forment des jeunes en scooter au sein d’une académie. Ils mettent des véhicules à disposition de clients comme des ONG ou des banques, livrent des produits, s’occupent de l’administration et des douanes, sont également présents sur le fret. Nous concernant, Paps nous permet de livrer des stocks de cartes SIM, des modems et des kits solaires dans les zones rurales », indique-t-il. « Ce modèle est facilement reproductible dans la sous-région, car ce sont souvent les mêmes multinationales qu’on retrouve, avec les mêmes besoins en termes de logistique. »

En janvier 2022, la start-up a récolté 4,5 millions $ lors d’une levée de fonds menée par la société de capital-risque 4DX Ventures et Orange Sonatel. « Cette somme nous a permis d’accélérer dans l’acquisition client, ce qui nous a poussés à recruter aux services marketing et vente », indique Bamba Lo. « Nous avons également poursuivi notre développement informatique. »

Implantée dans quatre pays – le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Bénin et tout fraîchement la Guinée-Bissau –, Paps Logistique revendique aujourd’hui « entre 500 et 1 000 clients », que ce soit des entreprises de e-commerce, des médias, des banques… L’an dernier, la start-up a réalisé 4,6 millions de livraisons dans ses deux premiers pays d’activité, mais aussi à l’international. Elle s’appuie aujourd’hui sur une flotte de 600 véhicules partenaires, composée à la fois de camions, de mini-vans et de scooters.

Depuis le début de cette année 2023, la start-up dispose de quatre entrepôts au Sénégal, deux en Côte d’Ivoire et un au Bénin. À terme, Paps Logistique entend mailler la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Ueoma), pour permettre à ses clients de vendre et de livrer leurs produits dans des délais très courts. « Demain, notre ambition est de permettre à nos clients béninois de vendre leurs produits au Sénégal et en Côte d’Ivoire, et ainsi de suite. Nous travaillons par exemple aux projets d’expansion de la marque de montre sénégalaise Mathydy en Côte d’Ivoire et au Bénin. Nous stockons ses produits, nous préparons leurs commandes, nous assurons le packaging, la livraison, et nous récupérons la recette que nous faisons passer par notre système », indique Bamba Lot. En 2022, la start-up de transport de logistique a plus que doublé le chiffre d’affaires, précisent ses dirigeants.

 

« Le secteur informel reste le numéro 1 de nos compétiteurs »

Depuis avril 2022, Paps Logistique est également le représentant officiel de l’entreprise postale américaine United Parcel Service (UPS), au Sénégal et en Guinée-Bissau – œuvrant de fait dans un réseau de plus de 200 pays. « Si nous voulons envoyer un colis au Japon par exemple, nous remplissons les formalités, et UPS prend le relais sur place », indique Bamba Lo.

« C’est leur professionnalisme qui leur a permis de s’imposer sur le marché de la logistique et du dernier kilomètre. En Afrique de l’Ouest, le service de livraison n’est pas toujours impeccable, le secteur est encore amené à se structurer », estime Stanislas Faye. Ces dernières années, le chargé du programme d’investissement de Sonatel a observé une formalisation du marché à travers l’apparition de nouveaux acteurs, comme Logidoo (plateforme digitale de logistique) Buur Logistics (start-up sénégalaise de transport et de logistique) ou encore Gamma Logistics (plateforme de transport de poids lourds). Paps fait également face à la concurrence d’acteurs internationaux comme DHL ou FedEX – avec qui l’entreprise est amenée à collaborer par ailleurs.

Toutefois, encore aujourd’hui, « le secteur informel reste le numéro 1 de nos compétiteurs », précise Bamba Lo, 37 ans, qui a fait ses études à l’Idrac Business School, une école de commerce française. La cofondatrice de Paps, Rokhaya Sy, 33 ans, est pour sa part ingénieure en génie logiciel de l’École nationale supérieure d’électronique, informatique et de radiocommunications de Bordeaux.

L’an passé au Sénégal, l’Agence de développement et encadrement des petites et moyennes entreprises (ADEPME) a financé la jeune entreprise sénégalaise à hauteur de 100 000 euros. Paps Logistique a également bénéficié de taux préférentiels de la Délégation de l’entrepreneuriat rapide (DER), à ses débuts.

Pas question pour autant de considérer le parcours de la start-up comme une « success story », encore moins de la relier uniquement au Sénégal : « Nous construisons une infrastructure logistique qui n’existe pas encore en Afrique francophone, une logistique qui, aujourd’hui, est encore majoritairement informelle. Nous sommes seulement à 20 % de cet objectif », indique Bamba Lo, qui se projette dans dix ans : « La société aura 17 ans à ce moment-là. Je pense qu’on aura fini de consolider le secteur du dernier kilomètre en Afrique francophone, nous aurons réalisé quelques acquisitions en Afrique du Nord, du Sud, et de l’Est. Nous aurons aussi intégré notre technologie à des sites internationaux comme Amazon ou Alibaba », voit-il en grand.

@AB

Écrit par
Théo du Couëdic

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