Une feuille de route pour le développement de la Centrafrique

En République centrafricaine, l’amélioration de la productivité dans l’agriculture suppose un meilleur accès aux marchés, la construction d’infrastructures routières et le renforcement des filets sociaux, juge la Banque mondiale.
Les « institutions de Washington » se penchent sur le destin de la République centrafricaine. Tandis que le FMI détaille dans une note la marche à suivre qui conditionne son aide financière, la Banque mondiale consacre au pays son premier Rapport d’évaluation de la pauvreté. Au-delà du bilan, peu flatteur, il s’agit essentiellement de dresser une « feuille de route » pour le développement du pays. Lequel passe, prioritairement, par la « revitalisation de l’agriculture ».
Alors que 70 % de la population en âge de travailler dépend de l’agriculture, le renforcement de ce secteur apparaît comme le moyen le plus direct d’améliorer les moyens de subsistance et de nourrir la population, indique le rapport. Indirectement, l’amélioration de la productivité agricole favorise la création d’emplois de services.
« Toutes les politiques de lutte contre la pauvreté doivent être conçues en tenant compte d’un contexte national marqué par des déplacements de population et une situation de conflit. »
« On ne saurait trop insister sur l’urgence de stimuler la croissance économique en République centrafricaine et de sortir la population de la pauvreté. Revitaliser l’agriculture et plus largement mettre en place des filets de protection sociale pour les plus vulnérables, développer le capital humain et favoriser le développement du secteur privé seront essentiels », commente Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
L’agriculture pluviale étant prédominante dans le pays, le manioc, le maïs, le riz, le sorgho et le millet constituent les principales cultures vivrières ; malheureusement, le rapport note que ces activités sont particulièrement vulnérables aux chocs climatiques.
En finir avec la stratégie de survie
La productivité agricole est faible faute d’accès aux intrants essentiels (engrais, irrigation et équipements) et aux marchés (manque de routes asphaltées et commerce limité). D’où l’importance d’investir dans les infrastructures pour accroître l’accès des agriculteurs aux marchés et améliorer ainsi la productivité agricole et les moyens de subsistance.

En effet, « aider les travailleurs à passer de l‘agriculture aux services — en développant le capital humain, en soutenant la mobilité de la main-d’œuvre ou en menant d‘autres réformes macroéconomiques — pourrait être un moyen d‘augmenter les revenus », souligne le rapport. Cependant, ce processus de transformation structurelle est bien lent. Améliorer a la productivité « dépend en partie de l’amélioration de l‘accès aux intrants clés – y compris les outils et les engrais – ainsi que de la possibilité d’aider les agriculteurs à diversifier leurs cultures et leurs pratiques de production afin de les rendre plus résistants au changement climatique ». Cela passe aussi par un meilleur accès aux marchés.
Plus généralement, la Banque mondiale, rejointe par le FMI, considère donc que la Centrafrique doit améliorer les filets de protection sociale. Celle-ci permet de répondre aux besoins immédiats des habitants confrontés aux formes les plus extrêmes de privation et les protège en partie contre les chocs. Actuellement, 1 % seulement des Centrafricains vivent dans un ménage recevant des transferts monétaires de l’État, et 14,3 % dans un ménage recevant une aide alimentaire en nature. « Les ménages adoptent par conséquent des stratégies de survie consistant notamment à réduire leur consommation de nourriture, avec le risque d’affaiblir les investissements dans le capital physique et humain », déplore la Banque mondiale.
En matière de capital humain, ces institutions incitent les politiques à investir dans l’éducation et la santé, ainsi que dans l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène. La BM déplore qu’un grand nombre d’habitants vivent à une distance bien trop éloignée des écoles, avec une situation particulièrement critique dans les zones reculées et rurales et en ce qui concerne les établissements secondaires ; cet éloignement est corrélé à un taux de scolarisation plus faible et à une pauvreté plus élevée. Il s’agit dès lors de rapprocher les habitants des infrastructures, des commerces.
Tout cela ne va pas sans une politique de promotion de la paix et de la sécurité : « Toutes les politiques de lutte contre la pauvreté doivent être conçues en tenant compte d’un contexte national marqué par des déplacements de population et une situation de conflit. »
Faible croissance économique à court terme
Au plan technique, la Centrafrique doit « poursuivre la dynamique engagée sur la collecte de données, afin d’aider à concevoir, mettre en œuvre, suivre et évaluer les politiques nécessaires pour améliorer la qualité de vie de la population centrafricaine », souligne Luis Felipe López-Calva, directeur du pôle Pauvreté et équité de la Banque mondiale.
De son côté, le FMI a conclu fin octobre la première revue de l’accord au titre de la facilité élargie de crédit en faveur de la République centrafricaine. La conclusion de cet « examen » permet un décaissement immédiat de 19,17 millions de DTS (Droits de tirage spéciaux, environ 25 millions de dollars) en faveur du pays « pour répondre à ses besoins prolongés en matière de balance des paiements et soutenir les dépenses prioritaires pour les services publics de base ».
Le FMI prévoit une croissance limitée à 1,0% en 2023 et à 1,5% en 2024, « tandis que l’inflation devrait rester élevée ».
LS, d’après rapport et blog de la Banque mondiale
@AB