Un profil nouveau de croissance pour le Sénégal

Dès le quatrième trimestre de l’année 2023, la croissance économique, puis les recettes fiscales du Sénégal, bénéficieront de l’entrée du pays dans la production pétrolière et gazière. L’État attend du secteur privé qu’il prenne le relais de ses investissements.
En matière de croissance, « le Sénégal préserve des fondamentaux très solides », jugent les experts d’Attijari Global Research. Dans une note consacrée à l’examen de la loi de Finance 2023 – Un avant-goût de la nouvelle ère pétrolière –, ils présentent un pays riche d’une croissance démographique de 2,5%, une population dont la moitié a moins de moins de 18 ans et une tradition d’investissement public « significatif » qui représente près de 30% du PIB. Pour autant, avec une prédominance tertiaire, les services contribuent à hauteur de 61% au PIB, loin devant le secteur secondaire (23%) et l’agriculture (16%).
En matière d’investissements, l’État ralentit la cadence, estimant que le relais doit être transmis au secteur privé. Lequel pourrait capitaliser sur le développement de l’infrastructure et l’amélioration du climat des affaires.
On le sait, le Sénégal a démontré un caractère résilient en période Covid-19. Et le rebond a été au rendez-vous avec des croissances respectives de 6,1% et 4,8% en 2021 et 2022. Pour y parvenir, l’État a injecté 1 000 milliards de F.CFA (1,52 milliard d’euros) dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale, articulé sur quatre piliers à savoir la Santé, la résilience sociale, le cadre macroéconomique et la sécurisation des chaînes d’approvisionnement.
Pour cette année 2023, la loi de Finances prévoit une nette accélération de la croissance : 10,1%. Une « belle performance », soulignent les experts d’Attijari, à comparer avec 7% des pays de la zone UMEOA et « à peine » 3,8% en Afrique subsaharienne.
Avec le démarrage de la production pétrolière prévu au quatrième trimestre, le secteur secondaire devrait réaliser un bond de 22,4%. En effet, après les découvertes réalisées au milieu des années 2010, le Sénégal affirme pouvoir entrer en production pour les projets Sangomar dans le pétrole puis GTA dans le gaz. Selon les estimations, l’effet sur la croissance s’étendrait à 2024 avec une nouvelle progression de l’ordre de 10%.
À cela s’ajouter la reprise post Covid-19 des secteurs du commerce, des transports, de l’hébergement et de la restauration, qui permet une hausse du secteur tertiaire de 6,7%. De son côté, bien qu’affichant une progression de 4,9% tirée par les activités agriculture et élevage, le secteur primaire voit sa contribution au PIB global reculer à 15% en 2023.
Un risque modéré
Pour sa part, le FMI demeure un peu plus réservé avec une projection de 8,1% pour 2023. Cet écart s’explique principalement par la date prévisionnelle de démarrage de la production pétrolière au Sénégal, préférant miser sur un véritable décollage en 2024. Sur un horizon moyen terme, tous les experts s’accordent sur une croissance normative de l’ordre de 6% soutenue par l’élargissement de la base de la population active et l’impact d’accumulation du stock des investissements.

De leur côté, les analystes d’Attijari considèrent que ces prévisions « sont assorties d’un niveau de risque globalement modéré ». Bien sûr, à l’avenir, les aléas du marché du pétrole constitueront un risque nouveau pour le pays. De même que le climat, qui représente également un facteur aléatoire dans le schéma de construction de la croissance.
Tout ceci n’est pas de nature à freiner l’évolution des recettes du budget général, qui sont attendues en hausse de 12% cette année. Ce, à la faveur d’une meilleure collecte fiscale, laquelle trouverait son origine dans la hausse de la masse salariale et de l’amélioration de la conjoncture économique générale.
Certes, l’augmentation des budgets sociaux vient grever quelque peu les investissements publics. Les dépenses en personnel s’élèveraient à 7% du PIB contre 11% au Maroc et 16% en Tunisie.
Cette année, les investissements de l’État devraient reculer de 9,4% En effet, après des investissements réalisés dans le secteur pétrolier et l’infrastructure, l’État ralentit la cadence, estimant que le relais doit être transmis au secteur privé. Lequel pourrait capitaliser sur le développement de l’infrastructure et l’amélioration du climat des affaires. Toutefois, l’État continue d’investir dans la santé avec la construction d’une unité de production de vaccins et d’infrastructure hospitalière. Les secteurs de l’agriculture et du transport devraient être également d’importants bénéficiaires du budget des investissements en 2023.
En matière d’endettement, le Sénégal devrait revenir à un ratio d’endettement de 66% du PIB en 2023, en règle avec la norme de l’UEMOA de ne pas dépasser 70%. Toutefois, l’encours augmente légèrement en raison de la hausse des taux d’intérêt. « Sans pour autant susciter une réelle inquiétude », commentent les analystes d’Attijari. D’ailleurs, le Sénégal est classé parmi les pays à « risque modéré », selon le FMI.
@AB