Un ajustement modeste des perspectives

La Banque africaine de développement maintient ses prévisions de croissance 2023 pour le continent. Qui devrait bénéficier davantage que prévu, en 2024 de la restauration des chaînes de valeur mondiales.
La BAD (Banque africaine de développement) publie, ce 24 mai, ses Perspectives économiques 2023. Si le sous-titre est « Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique », auquel renvoie l’essentiel du document, la BAD se livre dans une première partie à une révision de son analyse conjoncturelle des économies africaines.
Les économies africaines restent résilientes face aux multiples chocs, jugent les économistes, avec une croissance moyenne qui devrait se stabiliser à 4,0 % en 2023 et 4,3% 2024, soit plus que les 3,8 % estimés pour 2022. L’an dernier, la croissance est ressortie en baisse par rapport aux 4,8 % de 2021, mais est restée supérieure à la moyenne mondiale de 3,4 %.
À moyen et long terme, conclut la BAD, il est « essentiel » d’intensifier la mobilisation des recettes nationales pour rétablir la viabilité budgétaire et financer une croissance inclusive et un développement durable.
En dépit d’un ralentissement généralisé, avec 31 des 54 pays africains affichant des taux de croissance plus faibles en 2022 qu’en 2021, la performance du continent en 2022 a été meilleure que celle de la plupart des régions du monde. La résilience du continent devrait permettre à cinq des six économies les plus performantes avant la pandémie – le Bénin, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Rwanda et la Tanzanie –, de réintégrer la ligue des dix économies à la croissance la plus rapide au monde en 2023 et 2024.
La BAD n’a pas modifié ses prévisions pour 2023 par rapport à celles effectuées en janvier. En revanche, en raison de la légère amélioration des conditions économiques mondiales et régionales attendue à moyen terme —principalement grâce à la réouverture de la Chine et au ralentissement du rythme des ajustements des taux d’intérêt –, elle a revu en hausse ses prévisions pour 2024, de 0,4 point. Attention, prévient la BAD, le changement climatique, l’inflation mondiale élevée et les fragilités persistantes des chaînes d’approvisionnement resteront sur la liste de surveillance comme facteurs potentiels de ralentissement.
La dynamique de croissance devrait diminuer en Afrique centrale, passant de 5,0 % en 2022, à 4,9 % en 2023 et 4,6 % en 2024. Ce ralentissement reflète une tendance à la baisse des prix des produits de base par rapport au sommet atteint en 2022. L’Afrique centrale comprend principalement des exportateurs de produits de base, et les fluctuations des prix de ceux-ci reflètent les risques associés à la dépendance à l’égard des exportations de produits de bases dans ces pays.
Rebond au Maroc et en Libye
Malgré les défis macroéconomiques auxquels sont confrontés certains pays, la croissance en Afrique de l’Ouest devrait passer de 3,8 % en 2022 à 3,9 % en 2023 et 4,2 % en 2024. Ces perspectives favorables reflètent une croissance plus forte dans les petites économies de la région. Sur les neuf pays dont les taux de croissance projetés sont égaux ou supérieurs à 5 % en 2023, huit sont de petites économies, représentant 15 % du PIB de la région et 22 % de la croissance projetée.
En Afrique du Nord, la croissance devrait passer de 4,1 % en 2022 à 4,6 % en 2023 et à 4,4 % en 2024. En 2023, l’augmentation proviendra en grande partie des fortes reprises au Maroc et en Libye, la première après une sécheresse dévastatrice, la seconde en raison de la fluctuation de la production pétrolière.
La croissance devrait se renforcer en Afrique de l’Est, passant de 4,4 % en 2022 à 5,1 % en 2023 et 5,8 % en 2024. En Afrique australe, la croissance devrait ralentir, passant d’une estimation de 2,7 % en 2022 à 1,6 % en 2023. Toutefois, avec des interventions de politiques appropriées, la croissance pourrait remonter à 2,7 % en 2024, juge la BAD.
Plus généralement, considèrent les auteurs du rapport, la croissance des économies dépendantes du tourisme devrait diminuer, en raison des ralentissements de la croissance dans d’importants marchés d’origine des touristes, en particulier l’Europe et l’Amérique du Nord.
Estimée à 4,0 % en 2022, la croissance des pays exportateurs de pétrole devrait se renforcer. L’effet de la production pétrolière, notamment en Libye et au Nigeria, pourrait également soutenir la croissance économique à mesure que la production s’améliore à la suite des efforts déployés pour lutter contre l’insécurité.
La croissance dans d’autres économies à forte intensité en ressources devrait toutefois diminuer. Ce, en raison d’une diversification limitée et de la baisse des prix des principaux produits de base, notamment des minerais, dans un contexte de faible croissance mondiale.
Les économies à faible intensité en ressources, principalement les pays dotés de structures économiques plus diversifiées, devraient continuer à faire preuve de résilience.
Une dette stabilisée, à un niveau élevé
Enfin la hausse moyenne des prix à la consommation en Afrique devrait passer de 14,2 % en 2022 à 15,1 % en 2023, avant de retomber à 9,5 % en 2024. L’augmentation prévue en 2023 reflète les faiblesses structurelles dans la plupart des pays africains : contraintes d’approvisionnement pour compenser les effets des prix élevés des denrées alimentaires, dépendance à l’égard des importations d’énergie, même chez les principaux producteurs de pétrole tels que le Nigeria, et effets de la répercussion sur les taux de change de l’appréciation du dollar.
Et du côté de la dette publique, celle-ci « devrait rester élevée, avec des vulnérabilités persistantes », prévient la BAD. Bien qu’en recul en 2022, le ratio dette/PIB reste, à 65%, au-dessus de ses niveaux pré-pandémie. Il devrait rester quasi-stable ces deux prochaines années. Pour autant, « la restructuration de la dette intérieure devrait donc faire partie des négociations visant la résolution des crises de la dette publique dans les pays confrontés à des risques accrus », juge la BAD.
L’institution émet une série de recommandations. À court terme, une politique monétaire anti-inflationniste « clairement communiquée », soutenue par une politique budgétaire prudente, « permettra de réduire l’inflation plus rapidement et à moindre coût pour l’économie ».
Des politiques macroprudentielles, telles que des réserves de capitaux et de liquidités, complétant les mesures de politique monétaire, seront nécessaires pour faire face aux risques pesant sur la stabilité financière et maintenir la stabilité des prix.
Une stratégie de traitement de la dette coordonnée entre les créanciers officiels et privés est essentielle pour éviter une crise de la dette.
À moyen et long terme, conclut la BAD, il est « essentiel » d’intensifier la mobilisation des recettes nationales pour rétablir la viabilité budgétaire et financer une croissance inclusive et un développement durable.
De même, les pays doivent adopter des politiques industrielles stratégiques pour accélérer la diversification économique et améliorer la résilience. L’institution appelle également à stimuler le commerce régional, œuvrer pour une réforme de l’architecture mondiale de la finance et à améliorer la gouvernance.
@AB