Régional : Les guichets uniques à l’épreuve de l’intégration

Entre innovations et coopération, les guichets uniques africains jouent un rôle central pour la densification des échanges sur le continent. Si les perspectives sont bonnes, les défis restent énormes à l’ère de la Zone de libre-échange continentale africaine.
Yaoundé, Frédéric Nonos
La levée des barrières douanières avec l’avènement de la ZLEC (Zone de libre-échange continentale africaine) engendre un plus grand marché intégré d’un peu plus de 1,2 milliard de consommateurs pour les économies du continent.
Conséquence directe de cette percée, l’accroissement du commerce intra-africain, voisin aujourd’hui de 15 % à 17 % des échanges du continent. C’est à l’effet de préparer cet amarrage que l’Alliance africaine pour le commerce électronique (AACE), a réuni une vingtaine de guichets uniques du continent, du 17 au 19 septembre 2019, sur le thème : « Libérer le potentiel du commerce électronique et optimiser la chaîne logistique internationale des pays sans littoral. »
Les experts venus de tous les continents ont discuté avec les responsables d’entreprises privées, les importateurs, les exportateurs, les armateurs, les organismes portuaires… Les thématiques ont porté, entre autres, sur les technologies des guichets uniques des pays, leur processus de facilitation des échanges pour une meilleure intégration des économies africaines.
La promotion du Guichet unique national et régional est un élément clé dans le commerce international selon les recommandations de l’OMC. D’où la création de l’AACE comme « bras séculier des guichets uniques », a indiqué Isidore Bahiya, président camerounais de l’Alliance. Pourtant, certains pays sont sans littoral.
Le Cameroun, par exemple, est un pays de transit pour la République centrafricaine et le Tchad. « Ces pays veulent qu’on améliore la compétitivité des corridors. Il faut des solutions innovantes à ce problème », reconnaît le président de l’AACE. C’est la raison pour laquelle des réflexions ont été menées sur « les instruments de facilitation des échanges pour les pays sans littoral », a expliqué Melchior Moudouthe, expert maritime.
L’attrait pour l’e-commerce
De son côté, le commerce électronique est l’un des secteurs d’activités susceptibles de créer un boom économique en Afrique. « Le Guichet unique a une importance cruciale, il permettra de créer un commerce intrarégional et de libéraliser l’e-commerce », considère Dowogonan Kone, directeur général de Jumia Cameroun, qui déplore les difficultés actuelles « de faire venir les produits d’une sous-région africaine vers une autre et même entre les pays de la même sous-région ».
Car, selon les experts, l’Afrique représente seulement 2 % du commerce électronique. Néanmoins, les pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, ont pu tirer profit du commerce électronique après l’ouverture des guichets uniques ; « mais le niveau de connaissances et les moyens mis en jeu par les pays constituent encore des freins à leur développement »…
La ZLEC devra inciter les pays africains à réduire les délais, les coûts de passage des marchandises, à améliorer le climat des affaires ou encore la qualité des services
…déplore Sam Toyota, directeur du développement des affaires au sein de l’entreprise de facilitation du commerce international Webb Fontaine, en Côte d’ivoire.
Le Cameroun qui dispose d’une expérience de deux décennies de Guichet unique, vient de lancer sa stratégie nationale de développement du commerce électronique. Ce secteur peine pourtant à décoller en dehors de quelques start-up qui se portent bien. Pour Marthe Angéline Minja, directrice générale de l’API (Agence de promotion des investissements), « il faut davantage attirer les investisseurs pour créer de la valeur ajoutée ».
Des obstacles à surmonter
D’autres défis restent à relever pour l’Afrique dans le commerce mondial, tandis que 90 % du commerce international transitent par voie maritime. Il faut que l’Afrique « saisisse les enjeux de ce commerce afin d’en tirer le meilleur des profits », insiste Éric Chinje, directeur général de African Media Initiative.
S’agissant du commerce intra-africain, le rapport annuel de la Cnuced projette un avenir prometteur de l’Afrique. Avec l’entrée en vigueur de la ZLEC, le commerce intra-africain devrait progresser, selon la Cnuced, de 33 % après la suppression complète des droits de douane. .
Une fois que tous les droits de douane auront été éliminés, la croissance des PIB de la plupart des pays africains pourrait gagner jusqu’à 3 points, estime la Cnuced, à condition que les règles d’origine soient simples et favorables aux entreprises.
Néanmoins, il faudra faire tomber bon nombre d’obstacles : éviter, par exemple, que les intérêts nationaux et les intérêts privés des multinationales ne prennent le dessus, trouver des mécanismes efficaces de lutte contre la corruption et développer des réseaux de transport de qualité.
D’après la CEA (Commission économique pour l’Afrique), la ZLEC devrait avoir des effets modérés et graduels sur les recettes tarifaires liées au commerce intra-africain.
Les calculs de la CEA prévoient une réduction puis suppression des tarifs sur les flux commerciaux en Afrique qui entraîneront une baisse de 6,5 % à 9,9 % de ces recettes à long terme. L’effet global de la ZLEC sur les recettes publiques sera sans doute plus équilibré, en particulier sur le moyen terme, puisque les droits de douane ne constituent que 15 % des recettes fiscales totales du continent.
En clair, bien que la ZLEC réduise les recettes tarifaires, elle devrait aussi stimuler la croissance du PIB de 1 à 6 points, ce qui élargira l’assiette fiscale et stimulera le recouvrement de l’impôt auprès d’autres sources.
D’après les experts, la ZLEC devra inciter les pays africains à réduire les délais, les coûts de passage des marchandises, à améliorer le climat des affaires ou encore la qualité des services. L’Afrique veut saisir l’opportunité du numérique pour optimiser la chaîne de logistique internationale.