Quelles conséquences des lois européennes sur la déforestation ?

La Côte d’Ivoire et le Ghana sont les principaux pays touchés par l’interdiction européenne des importations provenant de zones déboisées. Inverser la déforestation représente un enjeu économique majeur, y compris pour les pays européens à forte demande.
Le 19 avril 2023, le Parlement européen a adopté une législation prévoyant d’interdire dans l’UE (Union européenne) les importations issues de la déforestation. Entre 1990 et 2020, 420 millions d’hectares de forêts ont disparu dans le monde, soit un recul d’environ 10%. Ce recul est particulièrement marqué en Amérique latine et en Afrique. L’« agriculture, commerciale ou de subsistance, et, dans une moindre mesure, la construction d’infrastructures et l’exploitation minière en sont les principales causes », résume une note du cabinet GSA (Global Sovereign Advisory).
Des entreprises comme Morfo, présente au Gabon, en Guyane française et au Brésil se développent aussi en Côte d’Ivoire et au Ghana par des projets de reforestation à grande échelle utilisant des drones.
Les produits concernés sont l’huile de palme, le bœuf, le café, le cacao, le soja, le bois et le caoutchouc. Selon l’étude, les pays les plus à risque face à cette réforme sont la Côte d’Ivoire, suivie du Ghana, de l’Ouganda, du Burundi, de l’Éthiopie, suivis de pays d’Amérique latine (dont le Brésil), d’Europe (dont l’Ukraine) et d’Asie.
Pour ces pays exportateurs, la mise en œuvre de politiques de lutte contre la déforestation permettra à la fois de protéger les forêts primaires et la biodiversité riche qu’elles abritent et de favoriser l’intégration commerciale avec l’UE en répondant aux exigences de la réforme. En Indonésie, en Malaisie et Côte d’Ivoire, « des initiatives politiques et entrepreneuriales font déjà leurs preuves ». L’exemple du Costa Rica est intéressant : ce pays d’Amérique centrale a engagé une politique anti-déforestation qui a permis, entre 1987 et 2022, d’augmenter de 50% l’espace couvert par les forêts tropicales humides.
La politique de l’UE est combattue par certains pays producteurs, notamment asiatiques. Deux axes de réflexion font partie intégrante de l’implémentation de cette réforme, commentent les auteurs de l’étude : d’une part, les pays producteurs et leurs agriculteurs devront être accompagnés au mieux pour minimiser les coûts d’une exclusion commerciale avec l’UE, notamment au travers d’un système d’aides financières et techniques aux petits exploitants.
L’Europe doit répondre à sa propre demande
D’ailleurs, la France a co-organisé avec le Gabon la conférence One Forest Summit en mars 2023 pour mettre en marche les mesures d’adaptations locales. En 2021, la Commission européenne s’est aussi engagée à verser 1 milliard d’euros pour la protection, la restauration et la gestion durable des forêts dans les pays partenaires.
Si les pays exportateurs des produits affectés par la réforme diffèrent selon les biens exportés, trois régions semblent plus exposées que les autres : l’Amérique latine, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique de l’Ouest. Du point de vue européen, la part de marché importante d’un nombre restreint de pays (notamment dans les cas du soja et du cacao) peut faire peser des doutes sur la capacité de l’Europe à répondre à sa demande intérieure en cas de réduction drastique des importations venant de ses partenaires traditionnels. Dans certains cas cependant, des partenaires importants sont des pays dans lesquels la déforestation n’est pas un problème : c’est le cas des États-Unis pour le soja par exemple.
Les analystes distinguent deux facteurs de risques. Le premier est la part du produit ciblé par la réforme dans les exportations totales du pays exportateur : une économie avec une base d’exportation diversifiée sera moins fragilisée par la réforme. Le deuxième est la part de l’UE en tant que partenaire dans les exportations totales du produit, qui détermine la capacité du pays exportateur à trouver des débouchés alternatifs.
L’analyse de ces deux facteurs fait ressortir plusieurs types de vulnérabilités, tandis que quelques pays cumulent les deux risques. Il s’agit notamment de la Côte d’Ivoire et, dans une moindre mesure, du Ghana, puis de l’Ouganda, du Burundi, de l’Éthiopie.
Les Ivoiriens veulent concilier reboisement et culture du cacao
En effet, les agriculteurs de Côte d’Ivoire, du Ghana et de toute la région forestière sont concernés par au moins trois des produits figurant sur la liste de produits ciblés (café, cacao, huile de palme). En Côte d’Ivoire, le développement agricole s’est concentré sur le cacao, l’huile de palme et le café. Entre 2002 et 2021, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont perdu respectivement 25% et 10% de leur forêt primaire ; ce chiffre est de 5% pour la RD Congo.
On le sait, le gouvernement ivoirien a voté la Stratégie de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts en septembre 2021, traduisant cette volonté de restaurer ces forêts.
L’indispensable reforestation
Déjà, une tendance significative à la baisse de la déforestation est notable sur les cinq dernières années là où elle reste en augmentation au Ghana. En mobilisant des moyens politiques et entrepreneuriaux, le gouvernement vise à maximiser les chances des exploitants de ré-intégrer, pour ceux qui seront touchés par la réforme, les partenariats commerciaux avec l’UE dans les plus brefs délais.
Des entreprises comme Morfo, présente au Gabon, en Guyane française et au Brésil se développent aussi en Côte d’Ivoire et au Ghana par des projets de reforestation à grande échelle utilisant des drones. Ils cartographient les zones, répandent les graines et surveillent la progression des forêts : les avantages en termes de rapidité d’exécution, d’accès à des zones isolées et de coûts financiers réduits ont rapidement fait grandir l’entreprise, qui souhaite étendre activement ses missions en Afrique de l’Ouest.
@AB