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African Business

Pourquoi des véhicules électriques seront construits au Bénin et au Togo

Pourquoi des véhicules électriques seront construits au Bénin et au Togo
  • Publiéaoût 4, 2023

Spiro ouvre deux usines d’assemblage au Bénin et au Togo afin de promouvoir la production de véhicules électriques en Afrique de l’Ouest. De multiples défis se présentent mais le marché semble prometteur.

 

De la construction de véhicules à trois roues adaptés aux rues étroites de Chennai, en Inde, à la création des plus grandes usines d’assemblage de véhicules électriques d’Afrique au Togo et au Bénin, la trajectoire du spécialiste de la mobilité électrique Spiro pourrait surprendre. Pourtant, les villes africaines et indiennes ont un facteur commun : la pollution de l’air.

« Pour l’instant, nous entretenons un partenariat solide avec notre partenaire chinois Horwin. À long terme, nous espérons un transfert de technologie. Ces discussions sont en cours avec Horwin, qui est tout à fait réceptif à cette idée. »

Les villes indiennes sont tristement célèbres pour être parmi les plus polluées du monde. Pourtant, dans le rapport 2022 sur la qualité de l’air dans le monde publié par la société suisse IQAir, N’Djamena figure parmi les dix « premières » du classement ! Ainsi, la capitale du Tchad serait la ville la plus polluée du continent, suivie de près par celle du Burkina Faso, Ouagadougou. Ces deux villes dépassent les normes recommandées par l’OMS en matière d’émissions de particules fines.

Si une partie de cette pollution vient des feux de forêt, dans les villes, les vieux véhicules diesel contribuent de manière significative à la mauvaise qualité de l’air. Selon un rapport 2020 du PNUE, l’Afrique a importé la plus grande part de véhicules légers usagés au monde entre 2015 et 2018. « Les véhicules usagés exportés par les pays riches contribuent à accroître la pollution de l’air dans les nations en développement et entravent les efforts visant à atténuer les effets du changement climatique », indique l’organisme onusien.

L’une des solutions consiste à promouvoir les transports écologiques dans les grandes villes. Un autre rapport de l’Initiative pour la santé urbaine de l’OMS révèle que des modes de transport durables permettraient d’éviter jusqu’à 55 000 décès prématurés à Accra, au Ghana, l’une des villes africaines à la croissance la plus rapide.

Les dix villes les plus polluées d’Afrique ; échelle de droite : concentration de particules fines par m3 (source : OMS).
Les dix villes les plus polluées d’Afrique ; échelle de droite : concentration de particules fines par m3 (source : OMS).

 

C’est dans ce contexte plus large qu’il y a un an, Spiro, le jeune fabricant de motos électriques, a développé son modèle d’entreprise pour l’Afrique. Avec des entreprises établies au Bénin, au Togo, en Ouganda et au Rwanda en l’espace de 13 mois seulement, l’entreprise espérait appliquer au marché africain son expertise en matière de fabrication acquise en Inde.

 

Un modèle commercial innovant

Pourtant, convaincre les clients des avantages des « VE » par rapport aux véhicules traditionnels est un défi. Pour Jules Samain, le nouveau PDG de Spiro, la question est de savoir comment rendre les motos électriques plus abordables que les Yamahas vieilles de dix ans.

Les stations d’échange de batteries sont au cœur de l’offre de Spiro. Dans ces stations, tout conducteur de véhicule électrique dont la batterie est déchargée peut l’échanger contre une batterie entièrement chargée pour environ 1 000 F.CFA (1,52 euro) au Togo et au Bénin.

La société aurait déployé plus de 9 400 motos d’échange de batteries au Togo, au Bénin, en Ouganda et au Rwanda. Elle a également installé des stations d’échange dans toutes les grandes villes du Togo et du Bénin, où elle a commencé ses activités en 2022.

Spiro est détenue à 98 % par le Fonds pour la transformation et l’industrialisation de l’Afrique (ATIF), basé à Dubaï, qui a investi 65 millions de dollars dans l’entreprise jusqu’à présent. En outre, la société a récemment signé un accord de financement de la dette de 63 millions $ avec la française Société Générale et le financier londonien GuarantCo.

Avec ce capital, l’objectif à long terme de Spiro est de déployer des stations d’échange pour ses propres motos et celles fabriquées par d’autres entreprises. En effet, l’entreprise considère les stations d’échange comme un élément essentiel de son modèle commercial en Afrique.

« La vente de motos n’est pas l’activité principale de Spiro ; elle sert à faciliter l’utilisation et le déploiement de nos stations d’échange », explique Jules Samain. « Nous développons nos stations d’échange pour qu’elles soient aussi polyvalentes que possible, afin qu’elles puissent être utilisées par des concurrents à l’avenir. »

Alors que des start-up spécialisées dans les motos comme Kiri EV au Kenya ou Zembo en Ouganda ont prospéré en Afrique de l’Est, peu de progrès ont été réalisés dans la partie occidentale du continent, en particulier dans les pays francophones.

Pourtant, des pays comme le Togo et le Bénin ont une forte culture de la mobilité à moto. En 2021, cela a même soulevé des questions de santé publique au Togo, où 72 % des décès sur la route impliquent des motos.

 

Facilités de paiement

Malgré le coût relativement élevé des motos de l’entreprise – entre 1 600 et 2 400 dollars selon le modèle, contre des salaires mensuels moyens de 600 dollars au Bénin et 900 dollars au Togo –, Spiro propose des dispositifs financiers pour attirer les chauffeurs de taxi.

Par l’intermédiaire de Spiro Capital, le segment Fintech de l’entreprise, elle a lancé une option de paiement étalé pour ceux qui ne sont pas en mesure d’effectuer la totalité de l’achat ; ls chauffeurs de taxi bénéficient également des motos électriques à long terme en raison de la réduction des coûts d’entretien.

« En moyenne, les chauffeurs de taxi qui utilisent nos motos électriques voient leurs bénéfices augmenter de 15% à 20 % par rapport à ceux des motos à combustion, car ils économisent sur les frais d’entretien », précise Jules Samain.

Sachant que la rentabilité des véhicules électriques est aussi fonction du coût de l’électricité. Si cux-ci sont élevés, les VE deviennent moins attrayants que les motos à essence, qui bénéficient souvent d’un carburant subventionné.

Jules Samain explique que la raison pour laquelle la société s’est d’abord implantée au Togo et au Bénin est due aux ambitions importantes de ces pays en matière de mobilité électrique. D’ailleurs, « notre entrée dans un pays dépend des mesures de politique publique visant à promouvoir la mobilité électrique », reconnaît-il.

« Le Togo et le Bénin ont mis en place plusieurs mesures incitatives, notamment des réductions de droits de douane sur les importations d’équipements de mobilité électrique. Il s’agit d’une stratégie de collaboration avec les gouvernements qui sont désireux d’éliminer progressivement les motos traditionnelles de leur pays. »

À l’heure actuelle, l’entreprise s’approvisionne en électricité au prix de 0,12 dollar par kWh. Cependant, l’entreprise vise un coût de 0,05 $ par kWh pour étendre le réseau de stations d’échange. « Si nous déployons 10 000 stations d’échange, notre consommation d’électricité sera équivalente à celle d’une entreprise de transformation de l’aluminium. »

 

Un nouveau marché ?

Actuellement, les motos de Spiro sont assemblées en Chine, mais d’ici 2024, deux usines d’assemblage de 500 hectares chacune, situées dans des zones économiques spéciales au Bénin et au Togo, produire respectivement 1000 motos et 2000 batteries par jour.

Jules Samain préside aux destinées de Spiro depuis mai 2023.
Jules Samain préside aux destinées de Spiro depuis mai 2023.

 

« Compte tenu des engagements que nous avons pris avec les gouvernements et de notre besoin d’une source d’approvisionnement plus proche, nous avons décidé de construire des usines dans plusieurs pays, en particulier au Togo et au Bénin. Nous prévoyons de faire de même dans d’autres pays où nous nous implantons », explique Jules Samain.

L’entreprise a également pour objectif de devenir un fournisseur de batteries pour véhicules électriques pour tous les opérateurs de mobilité électrique dans les pays où ses usines sont implantées.

Elle affiche ses ambitions, notamment en Ouganda où elle espère déployer 140 000 vélos supplémentaires au cours des cinq prochaines années. Des défis subsistent, notamment en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement locales : les pièces de motos et les batteries de véhicules électriques assemblées dans les usines de Spiro au Togo et au Bénin proviennent actuellement de Chine. « Nous envisageons de produire des pièces et d’effectuer l’assemblage localement, mais cela dépend de l’accès aux matières premières », précise Jules Samain.

« Pour l’instant, nous entretenons un partenariat solide avec notre partenaire chinois Horwin. À long terme, nous espérons un transfert de technologie. Ces discussions sont en cours avec Horwin, qui est tout à fait réceptif à cette idée, il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir. »

Avec le lancement de ses nouvelles usines d’assemblage, l’année à venir s’annonce cruciale. Comptant environ 9 000 motos actuellement sur le marché et un objectif de production de 1 000 motos par usine et par jour, l’entreprise doit inciter suffisamment de clients à passer aux motos électriques et à utiliser régulièrement les stations d’échange, tout en offrant un produit qui se compare favorablement à ses concurrents en termes de prix et de performances, un objectif difficile à atteindre pour une entreprise encore naissante.

Pour éliminer progressivement toutes les motos thermiques, l’entreprise aurait besoin d’environ 10 millions de vélos électriques, ce qui témoigne de l’ampleur de la tâche. « Le marché africain est vaste et il y a de la place pour tout le monde ! », conclut Jules Samain.

@AB

Écrit par
Léo Komminoth

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