Pour l’Angola, la diversification de l’économie est essentielle

Pedro Castro e Silva, gouverneur adjoint de la Banque centrale, détaille pour African Business les perspectives de l’Angola et ses spécificités économiques, dues à sa forte exposition aux fluctuations du pétrole.
Les prix élevés du pétrole ont aidé l’Angola à traverser une période difficile, mais la diversification économique est-elle assez rapide et le plan de développement national 2023-27 y contribuera-t-il ?
Oui, la diversification économique est une question très importante en Angola. Le pétrole domine notre économie, car 95 % de la valeur de nos exportations proviennent du pétrole, tandis que 65 % des recettes fiscales proviennent du pétrole. Il représente également environ 40 % de notre PIB.
Nous sommes également conscients de la volatilité de son prix et c’est pourquoi la diversification économique est essentielle à la viabilité de notre économie. Le gouvernement met en œuvre un programme de diversification de l’économie. Il est principalement axé sur l’agriculture, qui ne représente actuellement que 6 % de notre PIB. À titre de comparaison, au Mozambique, par exemple, l’agriculture représente 20 % du PIB.
Pour nous, en Angola, le système bancaire est très solide. Les ratios moyens de fonds propres sont bien supérieurs au minimum. Le canal par lequel nous ressentons ce type de phénomène venant de l’étranger est le prix du pétrole.
Nous devons donc investir davantage dans l’agriculture. C’est également très important pour nos réserves internationales. Actuellement, nous dépensons entre 200 et 250 millions de dollars par mois pour importer des denrées alimentaires. C’est pourquoi le gouvernement se concentre sur la diversification économique. Il a investi dans les infrastructures, en particulier dans trois programmes spécifiques : les céréales, la pêche et le bétail. C’est ainsi que nous poursuivons la diversification économique en Angola.
Le FMI a souligné l’importance de l’ajustement budgétaire et s’est félicité de l’engagement pris en faveur d’objectifs budgétaires et d’endettement à moyen terme. Dans quelle mesure le gouvernement doit-il s’y tenir ?
Nous avons eu de la chance en ce qui concerne le prix du pétrole. Après six années de contraction économique, nous avons connu une croissance positive du PIB l’année dernière et nous devrions obtenir un résultat similaire cette année.
L’assainissement budgétaire a joué un rôle très important dans la réalisation de cet objectif. Les réformes menées dans le secteur des changes ont également joué un rôle très important. Nous avons changé beaucoup de choses dans ce domaine. Auparavant, il fallait obtenir une licence de la banque centrale pour investir dans le pays, envoyer plus de 250 000 $ à l’étranger ou importer des denrées alimentaires. Ce n’est plus le cas. Désormais, tout dépend de la capacité financière de la personne.
Nous avons donc abandonné le contrôle des changes pour nous concentrer davantage sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Tant que les banques exercent leur devoir de diligence, les gens ne sont plus empêchés d’effectuer des opérations de change qu’ils souhaitent faire.
Prévoyez-vous de nouvelles turbulences pour les monnaies des marchés émergents, en particulier en Afrique ?
Pour les pays exportateurs de pétrole, le prix du brut est très important ; il est positivement corrélé à la valeur de la monnaie. Lorsque le prix du pétrole baisse, nous avons moins de devises, ce qui affecte la valeur de la monnaie.
Il en va de même pour les autres pays exportateurs de matières premières, qu’il s’agisse de denrées alimentaires ou d’énergie. Tout dépendra de l’environnement économique international. Nous devrons donc voir quel est l’impact de la guerre en Europe. Nous devrons voir ce qui se passe maintenant que la Chine s’ouvre et que les chaînes d’approvisionnement sont rétablies. Nous verrons également jusqu’où iront les problèmes bancaires qui ont surgi aux États-Unis.
En ce qui concerne le conflit en Ukraine, quelles seront, selon vous, les conséquences pour l’Angola et la région dans son ensemble ?
D’une part, la guerre a entraîné une hausse des prix du pétrole, ce qui pourrait être considéré comme une bonne chose pour l’Angola, mais ce n’est pas le cas. D’autre part, elle a également eu un impact sur les prix des denrées alimentaires et nous sommes un importateur net de denrées alimentaires, ce qui a donc un impact sur l’inflation. Je pense que lorsque le conflit sera résolu – et pour l’instant nous ne pouvons pas prévoir quand il le sera –, le commerce mondial sera rétabli ; et je ne pense pas que cela aura un impact important sur les prix mondiaux. Nous devons continuer à investir dans la diversification économique afin de ne pas être trop affectés par les problèmes qui se posent en dehors de nos frontières.
Quelle est la situation actuelle en matière d’inflation ?
Nous sommes dans le cycle opposé à celui de la plupart des pays du monde, car l’inflation en Angola diminue, ce qui est lié à la façon dont les attentes sont formées en Angola. Le taux de change est un indicateur très important en termes d’attentes en Angola et lorsque vous avez une appréciation de la monnaie ou une stabilité de la monnaie, les attentes sont également stables et l’inflation commence à baisser.
En revanche, la volatilité ou la dépréciation du taux de change a un impact important sur l’inflation. Dernièrement, nous avons donc assisté à une appréciation de la monnaie, ce qui a eu un impact permis d’atténuer l’inflation.
Lorsque nous avons entamé les réformes, la différence entre les marchés des changes formel et informel était d’environ 150 % et l’inflation était de 42 %. Aujourd’hui, la différence est inférieure à 20 % et l’inflation est tombée à 11,8 %. Nous avons un objectif de 9% à 11 % en 2023, je pense donc que nous sommes en très bonne position.
En ce qui concerne les turbulences bancaires aux États-Unis, que peuvent apprendre les gouverneurs des banques centrales en Afrique ?
Nous pouvons tirer de nombreuses leçons. Tout d’abord, aucune banque n’est trop petite pour ne pas causer des problèmes de stabilité financière. La Silicon Valley Bank n’était pas considérée comme une grande banque aux États-Unis et, pour cette raison, n’était pas soumise aux mêmes réglementations que les grandes banques. Il convient donc peut-être d’ajuster cette réglementation.
Un autre enseignement est que Bâle II et III se sont révélés être des cadres réglementaires assez importants. La bonne nouvelle est que la plupart des systèmes bancaires dans le monde appliquent ces principes. Aux États-Unis, cependant, je ne pense pas que ces principes soient beaucoup appliqués, et c’est peut-être une chose à laquelle il faut réfléchir.
En outre, je pense que ces événements entraîneront une révision des cadres réglementaires au niveau de la Banque des règlements internationaux, et nous devrons tous participer à ce processus. Donc, même si ce n’est pas une bonne nouvelle, cela pourrait s’avérer utile en tant que catalyseur pour la révision du cadre réglementaire et rendre le secteur bancaire encore plus solide à l’avenir.
Pour nous, en Angola, le système bancaire est très solide. Les ratios moyens de fonds propres sont bien supérieurs au minimum. Le canal par lequel nous ressentons ce type de phénomène venant de l’étranger est le prix du pétrole. Le prix semble déjà baisser assez rapidement et ce sera un sujet de préoccupation pour nous si la tendance se poursuit, mais pour l’instant nous devons attendre et voir.
Avec le retour de la Chine dans l’économie mondiale, pensez-vous que cela aura un impact sur le prix du pétrole, étant donné que la demande augmentera probablement ?
Oui, je pense que ce sera très important ! La question est maintenant de savoir si cela compensera ce qui se passe aux États-Unis et en Europe. Il faut espérer que cette crise bancaire ne se transformera pas en crise financière ou économique, comme d’autres, par le passé.
@AB