Plaidoyer pour l’économie circulaire des plastiques

Les professionnels ouest-africains de la filière plastique lancent un appel à une réglementation plus affirmée, qui inciterait à la réduction de la consommation et au recyclage. Et appellent de leurs vœux une économie circulaire qui impliquerait l’ensemble des parties prenantes.
La pollution plastique est un défi environnemental mondial. En Afrique de l’Ouest, environ 80% des déchets plastiques sont mal gérés, ce qui pose des problèmes croissants pour la population, l’économie et l’environnement côtier et marin. Tel est le point de départ d’une étude menée dans le cadre du programme de gestion du littoral Ouest africain (WACA), qui vise à informer les décideurs sur les opportunités d’une transition vers une économie circulaire du plastique pour faire face à ce défi.
L’étude couvre les 17 pays côtiers et insulaires du programme WACA, de la Mauritanie au Gabon. L’analyse régionale des flux de matières plastiques révèle une croissance rapide de la consommation du plastique dans les pays étudiés : estimée à 7,9 millions de tonnes en 2021, elle pourrait atteindre 12 millions de tonnes d’ici 2026 si les taux de progression actuels se maintiennent.
Il convient de définir des politiques qui ciblent la circularité et la prévention des déchets plastiques, d’encourager une collaboration plus forte entre les parties prenantes des secteurs public, privé, informel et de développement.
De plus, ces pays dépendent fortement des importations de produits en plastique provenant d’autres régions notamment l’Asie. Le Nigeria est à la fois l’unique producteur de résines plastiques vierges de la région, le plus grand producteur de produits plastiques et le plus grand importateur de produits en plastique ou contenant du plastique. Parmi les autres pays WACA grands producteurs et transformateurs de produits plastiques, l’étude cite le Ghana et la Côte d’Ivoire.
Et révèle 71 foyers de production de déchets plastiques, dont 32 pour le seul Nigeria.
L’analyse du marché du plastique estime que les trois secteurs de la construction, de l’emballage et de la pêche représentaient 78 % du total de la consommation de plastique en 2021.
Dans ce contexte, la transition vers un modèle d’économie circulaire du plastique, basé sur le principe de l’évitement, de la réutilisation et du recyclage, « offre un fort potentiel de réduction des déchets plastiques et des émissions de C02 associées », jugent les auteurs. Pour les trois secteurs étudiés, si les 17 pays introduisent un scénario pragmatique d’économie circulaire, ils pourraient réduire la quantité de déchets plastiques émis dans l’environnement de 40 % à 50 %. Cela correspondra à une réduction des émissions de carbone de 30 % à 60 %.
Le secteur privé a son rôle à jouer
Le secteur de l’emballage est le plus grand consommateur de plastique. Aussi, l’introduction de modèles d’entreprise innovants, basés sur l’économie circulaire, permettrait de réduire l’émission de déchets plastiques de 41% à 53%.
Selon l’étude, relayée par la Banque mondiale, « il convient d’inciter les industries de l’emballage, de la construction et de la pêche à adopter des modèles d’économies circulaires; notamment à réutiliser, à prolonger la durée de vie des matériaux plastiques et à substituer les matériaux plastiques par des matériaux plus respectueux de l’environnement ».
Bien sûr, les pouvoirs publics peuvent réglementer, restreindre, voire interdire l’utilisation des plastiques à usage unique, dans plusieurs secteurs, comme la restauration et le tourisme. Ils peuvent encourager l’utilisation d’engins de pêche biodégradables. Et aussi installer des usines de recyclage, de manière stratégique, dans les centres urbains.
De son côté, le secteur privé a un rôle à jouer. Par exemple en prolongeant la durée de vie des produits en plastique, notamment en les réutilisant et en produisant des matériaux à plus forte teneur en matières recyclées. En adoptant des matériaux de substitution au plastique, comme le bambou ou les métaux, dans la construction.
De leur côté, les parties prenantes de l’industrie du plastique font observer que les pays peinent à obtenir des financements pour les infrastructures de recyclage. La principale raison en est la rentabilité relativement faible liée aux faibles quantités de matières plastiques recyclables disponibles. Dans les régions où les infrastructures de gestion des déchets solides font défaut, une importante main-d’œuvre informelle s’est développée, cependant les collecteurs informels utilisent des méthodes de ramassage rudimentaires. En conséquence, la majorité des plastiques collectés est contaminée et impropre au recyclage.
De plus, de nombreux pays ouest-africains manquent de cadres politiques clairs en matière de promotion de la circularité dans la gestion des plastiques. Il a également été constaté que la sensibilisation des consommateurs aux approches d’économie circulaire était nettement insuffisante dans la région.
Un appel à l’action
Voilà pourquoi il convient, expliquent les professionnels, de définir des politiques qui ciblent la circularité et la prévention des déchets plastiques, d’encourager une collaboration plus forte entre les parties prenantes des secteurs public, privé, informel et de développement.
Ainsi que de fournir des ressources dédiées à la recherche et au développement pour l’innovation, le développement de produits et matériaux de substitution au plastique et les projets pilotes. Et d’intensifier le commerce intra-régional des plastiques récupérés.
Voilà pourquoi la publication de cette étude, durant l’été 2023, se double d’un « appel à l’action », adressé aux décideurs, en matière de normes, de taxes, d’incitation à la R&D, etc.
Par exemple, il faut « accroître le commerce intra-régional de plastiques récupérés afin de réduire le fardeau des déchets plastiques qui pèse sur les petites économies, en tirant parti de la concentration des capacités de transformation et de recyclage des plastiques des pays tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria », recommande WACA. Initiative qui associerait les récupérateurs « informels » de déchets, reconnus comme étant des acteurs importants dans l’élaboration de solutions, ainsi que les banques de développement et les bailleurs de fonds bilatéraux.
@NA