Peut-on investir en Libye ?

Un guide des réformes économiques en Libye, conçu à partir d’une enquête auprès d’entreprises émet une série de propositions pratiques pour accélérer le processus de réformes économiques, dans un pays en quête d’ouverture internationale.
S’il est une destination à laquelle on ne songe pas en première intention, en matière d’investissements, c’est bien la Libye. Lors de la dernière édition parue, le classement Doing Business sur la facilité à faire des affaires classait le pays à la 186e place mondiale. C’est pour identifier les difficultés, combattre les idées reçues et orienter la Libye sur la voie des réformes attractives que plus de 600 entreprises libyennes ont participé à une enquête portant sur l’amélioration de l’environnement des affaires.
Il en est sorti un Guide des réformes qui présente vingt réformes prioritaires nécessaires pour créer un environnement plus favorable aux entreprises et soutenir la croissance du secteur privé.
« Une approche structurée est nécessaire pour donner la priorité aux produits libyens présentant des avantages comparatifs importants et significatifs sur les marchés nationaux et internationaux, et ce travail doit s’articuler avec les politiques publiques prioritaires pour les barrières commerciales, les chaînes de valeur structurées et les chaînes de valeur sectorielles. »
Dans le cadre d’un processus de consultation à grande échelle avec des entrepreneurs, des chambres de commerce, des fonctionnaires ainsi que des experts économiques internationaux, l’enquête met en lumière les problèmes qui entravent le potentiel de croissance des entreprises libyennes. On y trouve pêle-mêle l’indisponibilité du crédit-bail d’équipement, les frais juridiques élevés de l’enregistrement et du renouvellement de l’enregistrement des entreprises, et l’absence de paiements en ligne par carte de crédit.
Sur la base des résultats de l’enquête, le rapport identifie les principaux problèmes auxquels les entreprises libyennes de toutes tailles et de tous secteurs ont déclaré être confrontées et a proposé des recommandations concrètes pour faciliter un processus de réforme durable. L’objectif principal de ce guide des réformes est de permettre « un dialogue constructif » entre les secteurs public et privé et de fournir des propositions pratiques pour accélérer le processus de réforme économique en se concentrant sur des étapes clés et réalisables qui auront un impact positif maximal sur l’économie du pays.
« Ce guide est un point de départ pratique pour orienter les mesures de réforme du gouvernement et enrichir le dialogue entre les secteurs public et privé afin d’améliorer l’environnement des affaires et le climat d’investissement », commente Suhel Busheha, vice-ministre libyen de l’Économie et du commerce.
Un énorme potentiel
Qui promet que son ministère « travaillera sans relâche à l’instauration d’un dialogue efficace qui renforce la confiance entre les parties prenantes du secteur public, du secteur privé, du secteur financier et des institutions de la société civile ».
Marton Benedek dirige le pôle coopération de l’Union européenne en Libye. L’« identification des réformes nécessaires à l’amélioration de l’environnement des entreprises en Libye est la première étape vers une économie plus diversifiée et plus résiliente et vers une croissance durable », explique-t-il. Poursuivant : « La Libye dispose d’un énorme potentiel et d’un écosystème de start-up dynamiques. »
Le Guide des réformes a été élaboré en coopération avec l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) avec l’appui d’Expertise France. Lequel poursuit dans le pays le programme de diversification économique et de numérisation E-NABLE.
Entre autres points soulevés, le guide signale qu’aujourd’hui, les PME libyennes sont confrontées à des difficultés majeures. Elles peinent à mutualiser l’approvisionnement en matières premières, pièces détachées et autres produits intermédiaires pour faire face à leur rareté croissante et atténuer la forte augmentation de leurs prix. Elles peinent à identifier les fournisseurs potentiels de produits intermédiaires (pièces détachées, matières premières, etc.) et les prestataires de services dont elles ont besoin pour fonctionner normalement et éventuellement développer leurs activités commerciales. Elles peinent également à identifier les distributeurs et partenaires pertinents, donc s’intégrer dans des chaînes de valeur sectorielles structurées.
Pour les auteurs du guide, il ne s’agit pas dès lors de se contenter de plateformes d’informations, mais surtout « de concevoir et de mettre en œuvre des infrastructures publiques libyennes et des mécanismes publics » : par exemple, créer des zones de libre-échange sectorielles ou basées sur les services.
« Cette réflexion et ces actions en vue d’une stratégie, d’une politique et d’un plan d’action nationaux doivent viser les niveaux international, national, régional et local. » Dans un premier temps, il s’agira de prioriser trois ou quatre secteurs d’activité prioritaires où les jeunes entreprises pourraient devenir vite rentables.
L’indispensable collecte de données fiables
Deuxièmement, « il est nécessaire d’élaborer une stratégie nationale et un plan d’action pour la création d’un recueil efficace des lois et règlements libyens, ainsi qu’une politique publique garantissant la cohérence législative et réglementaire du cadre juridique libyen », relève le rapport.
Les réformes sociales et économiques impliquent la modification des lois existantes et l’adoption de nouvelles lois et de nouveaux décrets dont la cohérence entre eux et avec le cadre juridique existant est primordiale pour l’efficacité des réformes gouvernementales.
Or, actuellement, la Libye ne dispose pas d’un tel recueil. Sachant d’ailleurs qu’« il ne peut y avoir de réformes saines et efficaces si la situation économique actuelle du pays n’est pas connue au moyen d’informations statistiques complètes, actualisées et opérationnelles ».
En tant qu’économie principalement importatrice de commerce, la Libye doit trouver un équilibre intelligent entre la nécessité d’importer des biens étrangers pour alimenter son économie et la nécessité de protéger certains fabricants nationaux dont les produits sont en concurrence avec les produits étrangers sur le marché intérieur libyen et sur les principaux marchés de réexportation. Cet équilibre peut passer par des mesures protectionnistes temporaires. Y compris pour les produits fabriqués par des entreprises libyennes encore loin de la rentabilité.
@AB