Un potentiel de coopération sous-exploité
Si les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne sont en croissance (+12,8 % entre 2000 et 2015), le poids de l’Afrique subsaharienne dans le commerce extérieur du Maroc reste faible, loin derrière l’Europe.
La faiblesse des marchés financiers et les insuffisances des cadres juridiques régissant l’investissement, les coûts de transaction élevés, la non-application des protocoles commerciaux et le manque d’infrastructures sont autant de contraintes. Les coûts du commerce empêchent le développement et la diversification des échanges.
Les exportations de produits agricoles marocains vers l’Afrique subsaharienne n’ont pas dépassé 1,5 % des importations globales de la région pour ces produits. Les marchés du textile et des produits chimiques restent embryonnaires (0,2 % et 0,5 % des importations respectivement).
Pour l’heure, la présence économique du Maroc est concentrée sur les secteurs de la banque (31 % des investissements directs étrangers marocains en Afrique subsaharienne en 2015), des télécommunications (21 %), de l’industrie (12 %) et de l’immobilier (11 %).
Pour élargir sa présence en Afrique subsaharienne, le Maroc doit adopter avec l’Afrique une approche plus ciblée et mieux adaptée à la demande d’importation, notamment parmi les consommateurs urbains de la classe moyenne africaine.
Le Maroc pourrait aussi jouer un rôle plus important dans les transferts de technologie dans les domaines de l’irrigation, de l’énergie renouvelable ou d’autres techniques agricoles et industrielles. Dernier point, il doit accepter de s’ouvrir beaucoup plus aux importations en provenance du sud du Sahara.
Une vision tournée vers l’avenir
Mieux que ne le font les accords de coopération et d’échanges actuels, l’adhésion offrirait aux entreprises marocaines un accès direct à un marché en forte croissance de 360 millions de consommateurs, au PIB régional de 1 500 milliards de dollars (en parité de pouvoir d’achat/ PPA); y compris le Nigeria, qui en représente deux tiers à lui seul. S’il était admis à part entière, le Maroc ferait partie d’une zone de libre-échange dotée d’un tarif extérieur commun.
Il serait membre d’une zone de libre circulation des personnes disposant d’un passeport communautaire qui garantit à tous les citoyens de la Communauté le droit de voyager sans visa et des droits de résidence. Au Maroc, le PIB par habitant est en 2016 de 8 100 $ (en PPA) ; ceux des pays ouest-africains vont de 840 $ (Liberia) à 6 100 $ (Nigeria). L’économie marocaine attirera un grand nombre d’Africains subsahariens à la recherche d’opportunités. Ce sujet sera sans doute sur la table à l’heure de la décision finale.
La stratégie marocaine s’inscrit dans une vision à long terme reconnaissant la place de l’Afrique en tant que « nouveau pôle mondial de croissance ». Le pays entend se positionner comme hub régional, au service du co-développement dans les différents domaines clés : sécurité alimentaire, infrastructure, bancarisation, inclusion financière, énergies renouvelables, croissance verte.
Les opportunités d’une coopération Sud-Sud renforcée sont immenses. Malgré les risques, le Maroc a fait très tôt le choix d’investir en Afrique. Le Royaume y a engagé des projets emblématiques, tels que le gazoduc Maroc- Nigeria qui traversera plusieurs pays membres de la Communauté.
Dans sa lettre de candidature, le Maroc indique qu’il veut créer davantage de synergies entre l’économie marocaine et celles des pays membres afin d’« insuffler une nouvelle dynamique à la croissance dans la région».
Il reste à voir, d’une part, si ces arguments économiques suffiront pour convaincre les 15 chefs d’État ouest-africains de faire passer le Maroc du statut d’observateur à celui de membre à part entière, d’autre part, si le Maroc est réellement prêt à ouvrir ses portes aux populations et aux produits de l’Afrique de l’Ouest.
Enfin, le poids géopolitique de l’Algérie dans le Sahel sera également un élément central de la réflexion.
Laisser un commentaire