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Opinion

Mobiliser le financement du secteur privé pour le climat et la croissance verte

Mobiliser le financement du secteur privé pour le climat et la croissance verte
  • Publiémai 31, 2023

Au cours des Assemblées générales de la Banque africaine de développement, qui se sont déroulées à Charm El-Cheik (Égypte), du 22 au 26 mai 2023, le président Akinwumi Adesina est revenu sur les actions de la BAD et les besoins de l’Afrique en matière d’adaptation climatique. Nous reproduisons son discours in extenso.

 

Les pays africains qui ne représentent que 3 % des émissions cumulées de carbone au niveau mondial souffrent maintenant de manière disproportionnée de ses conséquences négatives. En Égypte, la sécurité de l’approvisionnement en eau est devenue un enjeu national. Lors de la COP27, l’Égypte a inauguré le Nexus sur l’eau, l’alimentation et l’énergie, un effort audacieux visant à mobiliser 14 milliards de dollars pour lutter contre les effets du changement climatique. La Banque africaine de développement est à la barre des efforts visant à mobiliser 1,4 milliard de dollars pour soutenir la construction d’installations de désalinisation et de traitement des eaux usées pour l’agriculture. Jusqu’à présent, nous avons contribué à mobiliser 2,2 milliards de dollars auprès des partenaires de développement.

L’avenir de l’Afrique est vert. Notre soleil, notre vent, notre géothermie et notre eau doivent pouvoir alimenter notre continent. Nos infrastructures doivent être vertes et écologiques. Nos économies doivent être adaptées au changement climatique tout en étant résilientes.

Dans tout le Sahel, le climat, devenu plus chaud, assèche les bassins hydriques ; le bassin du lac Tchad, qui assurait la subsistance de millions de personnes au Nigeria, au Niger, au Tchad et au Cameroun, s’est réduit à 1/10e de sa taille. Dans plusieurs régions de la Corne de l’Afrique, quatre saisons ont passé sans une goutte de pluie. Et au Malawi, au Mozambique, à Madagascar, en Zambie et au Rwanda, les cyclones et les inondations ont semé la dévastation dans leur sillage, avec des pertes en vies humaines et la destruction des infrastructures. Les petits États insulaires sont également confrontés à l’élévation du niveau de la mer, à l’érosion côtière et à des pertes.

Quel que soit le point de vue, l’Afrique est dévastée par le changement climatique. Elle perd entre 7 et 15 milliards de dollars chaque année à cause du changement climatique. Ces pertes devraient atteindre les 50 milliards de dollars d’ici 2030. 

Il est de plus en plus difficile pour les pays africains de trouver les ressources financières nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Ces pays subissent encore les effets de la pandémie de Covid-19, exacerbés par le changement climatique, l’endettement et l’inflation résultant d’un mélange de conflits géopolitiques mondiaux et de tendances inflationnistes mondiales élevées.

Les besoins cumulés de financement qui permettraient d’aider l’Afrique dans sa lutte climatique sont estimés à 2 700 milliards de dollars entre 2020 et 2030. Les coûts d’adaptation climatique sont estimés entre 249 et 407 milliards de dollars sur la même période.

Pourtant, les ressources financières pour le climat ne parviennent en Afrique qu’au compte-gouttes, puisque le continent ne reçoit que 3 % du financement mondial de la lutte contre le changement climatique, dont 14 % proviennent du secteur privé, soit le taux le plus bas au monde. Il y a beaucoup à faire pour inciter le secteur privé à participer au financement de l’action climatique et de la croissance verte.

La Banque africaine de développement assume son rôle.

Nous avons dépassé notre engagement de fournir 40 % de notre financement total à la lutte contre le changement climatique, atteignant 45 % en 2023. Nous avons consacré 63 % de notre financement climatique total à l’adaptation, dépassant l’objectif mondial de 50 %, ce qui a valu à la Banque les éloges du Secrétaire général des Nations unies lors de l’Assemblée générale de l’ONU, reconnue comme un leader mondial en matière d’adaptation au climat.

Pour aller plus loin, nous avons lancé le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique, en collaboration avec le Global Center on Adaptation, en vue de mobiliser 25 milliards de dollars pour l’adaptation au climat.

Si les pays développés doivent respecter leur engagement de fournir 100 milliards de dollars par an aux pays en développement dans le cadre du financement de la lutte contre le changement climatique, ce montant reste ridicule par rapport aux besoins de financement. Le financement public du climat doit être complété par la mobilisation des ressources du secteur privé.

Afin de mobiliser davantage de fonds du secteur privé destinés à l’action climatique en Afrique, nous avons lancé l’Alliance financière africaine pour le changement climatique qui a vocation à regrouper toutes les institutions financières, ainsi que les Bourses africaines, pour rendre l’écosystème financier plus respectueux de l’environnement. Les institutions financières devraient intégrer le financement de l’action climatique dans toutes leurs opérations.

L’évaluation des entreprises en Bourse sur la base du degré d’« écologisation » de leurs portefeuilles incitera davantage à investir dans le domaine de l’environnement.

L’utilisation d’obligations vertes peut mobiliser le financement vert mondial en faveur de l’Afrique. En effet, l’Afrique ne représente actuellement que 0,2 % des 2,6 milliards de dollars cumulés d’obligations vertes mondiales émises jusqu’en 2022.

La Banque a émis plus de 10 milliards d’obligations vertes et sociales au cours des dix dernières années, ce qui nous a permis de soutenir des projets verts tels que le parc éolien de Cabeólica au Cap-Vert qui produit 20 % de l’électricité du pays et la station d’épuration de Gabal El-Asfar en Égypte qui fournit de l’eau à plus de 3,3 millions de personnes – c’est l’une des dix plus grandes usines de traitement des eaux au monde.

 

Nous utilisons le secteur privé pour transférer sur le marché les risques climatiques auxquels les pays sont confrontés, en assurant les pays contre les chocs climatiques. Le Programme de financement des risques de catastrophe en Afrique, mis en œuvre en partenariat avec l’Africa Risk Capacity, aide les pays africains à gérer les risques de catastrophes climatiques en dressant des profils de risque, en élaborant des plans d’urgence et en finançant les risques de catastrophes.

Il y a trois ans, lorsque Madagascar a souffert de la sécheresse, le programme a déboursé 2,1 millions de dollars pour compenser les pertes subies par 600 000 personnes vulnérables. De même, lorsque le Malawi a subi des sécheresses, le programme d’assurance a débloqué 14,2 millions de dollars pour payer les agriculteurs. La Banque travaille actuellement au renforcement du développement des marchés de la réassurance afin d’accroître la capacité du secteur privé à transférer les risques du marché.

Nous devons redoubler d’efforts pour rehausser la dimension écologique de l’espace infrastructurel africain grâce au financement du secteur privé. C’est pourquoi la Banque africaine de développement, Africa50 et ses partenaires ont créé l’Alliance pour une révolution verte en Afrique. Elle accélérera les investissements du secteur privé dans les énergies renouvelables, les systèmes écologiques de transport urbain, l’hydrogène vert et les infrastructures résilientes au climat.

L’Alliance pour une révolution verte en Afrique prévoit de mobiliser 500 millions de dollars pour financer la préparation et le développement de projets en utilisant des plateformes de capital-investissement et de mobiliser 10 milliards pour le financement par le secteur privé de l’infrastructure verte en Afrique.

La Banque utilise le financement mixte pour accélérer les investissements privés dans l’électricité. Nous mettons en œuvre avec le secteur public et le secteur privé un programme intitulé Desert to Power de 25 milliards de dollars pour générer 10 000 mégawatts d’électricité à partir de l’énergie solaire dans le Sahel et fournir de l’électricité à 250 millions de personnes.

La Banque déploie des garanties partielles de crédit pour soutenir la mobilisation du financement privé. Un bon exemple serait notre récente mise à disposition de 195 millions d’euros comme garantie partielle de risque pour aider la République du Bénin à lever 500 millions de dollars sur les marchés mondiaux des capitaux.

La semaine dernière, notre Conseil d’administration a approuvé une garantie partielle de crédit de 345 millions de dollars pour aider l’Égypte à lever 500 millions de financements privés pour la croissance verte grâce à l’émission de sa toute première obligation durable dite « Panda ». Alors que le monde a entamé sa transition vers les véhicules électriques, l’Afrique devrait être en mesure d’attirer des milliards de dollars d’investissements privés destinés à rendre les systèmes de transport du monde entier plus écologiques et respectueux de l’environnement. Ceci est rendu possible par le fait que l’Afrique possède 80 % des gisements mondiaux de platine, 50 % de cobalt, 40 % de nickel et des gisements substantiels de lithium.

L’Afrique doit se lancer dans la fabrication de batteries au lithium-ion pour exploiter le futur marché des véhicules électriques que certaines projections évaluent à plusieurs milliers de milliards de dollars à l’avenir. Le coût d’établissement d’une usine de précurseurs de batteries au lithium-ion en Afrique est trois fois moins élevé qu’aux États-Unis ou en Chine.

L’avenir nous réserve de nombreux défis en matière de changement climatique, mais aussi des perspectives exceptionnelles de croissance verte de nos économies. Pour mobiliser nettement plus de financements privés en faveur de l’action climatique et de la croissance verte, les gouvernements et les partenaires au développement doivent adopter cinq stratégies.

Premièrement, établir des plans de développement nationaux pour la transition verte de leurs économies.

Deuxièmement, subventionner les industries vertes afin de stimuler la croissance, d’augmenter la demande, la rentabilité et la durabilité.

Troisièmement, les institutions financières multilatérales et bilatérales doivent fournir des garanties à grande échelle pour aider à réduire les risques des investissements du secteur privé.

Quatrièmement, un soutien doit être apporté à la préparation et au développement de projets susceptibles d’être financés et d’offrir au secteur privé des rendements élevés ajustés au risque.

Cinquièmement, les infrastructures existantes financées par le secteur public doivent être transférées au secteur privé – ce que nous appelons le recyclage des actifs – afin de mobiliser davantage de ressources du secteur privé pour des infrastructures plus écologiques.

L’avenir de l’Afrique est vert.

Notre soleil, notre vent, notre géothermie et notre eau doivent pouvoir alimenter notre continent.

Nos infrastructures doivent être vertes et écologiques.

Nos économies doivent être adaptées au changement climatique tout en étant résilientes.

Libérons le pouvoir du secteur privé pour une Afrique plus verte.

L’architecture financière mondiale doit évoluer

 

@NA

 

Écrit par
Akinwumi Adesina

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