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Opinion

D’où vient l’inflation au Maroc ?

D’où vient l’inflation au Maroc ?
  • Publiéjanvier 9, 2023

Une étude publiée par Bank Al-Maghrib révèle l’importance de la persistance de l’inflation, au Maroc ainsi que celle des anticipations de hausse des prix, qui nourrissent l’inflation. Voilà qui complique la tâche du banquier central, loué par le FMI pour sa communication.

 

Deux économistes publient une étude étayée sur l’analyse et les déterminants de l’inflation au Maroc. Un outil précieux pour les décideurs politiques et monétaires en cette période d’inquiétudes sur la hausse des prix et de hausse des taux d’intérêt. Les deux économistes, Kamal Lahlou (Bank Al-Maghrib) et Hicham Bennouna (FMI) ont reposé sur leurs observations sur différents modèles, dont la célèbre courbe de Phillips qui, à son origine, retrace les liens entre inflation et chômage.

Il ressort quatre grandes tendances, qui peuvent paraître d’ailleurs contradictoires. Premièrement, la demande des Marocains impacte de plus en plus faiblement l’évolution de l’inflation. En effet, celle-ci présente une faible élasticité à la demande domestique : une croissance d’un point de pourcentage de la croissance économique ne nourrit l’inflation que pour moins de 0,1 point.

D’un côté, les politiques entreprises (par l’État et par les Banques centrales) ont permis de stabiliser la croissance et de réduire les incertitudes sur les prix ». D’un autre côté, la persistance énergétique et le renforcement de l’ouverture aux principaux partenaires ont renforcé l’influence des facteurs externes.

Deuxièmement, la dynamique de l’inflation est essentiellement influencée par son passé, phénomène que les économistes appellent « la persistance ». La hausse des prix des produits volatils (biens alimentaires, par exemple) n’entraîne pas d’inflation durable ; en revanche, le renchérissement des prix de biens durables entraîne d’autres hausses de prix au sein de l’économie. Ce facteur reste important, mais joue un peu moins que lors des dernières décennies. Cette tendance à la moindre « rigidité de l’inflation » reste tributaire de la libéralisation progressive des prix de l’énergie.

Troisièmement, dans le sillage de l’accélération de l’intégration du Maroc à l’économie mondiale, le rôle des facteurs externes s’est considérablement consolidé, l’inflation est en grande partie importée. Toutefois, ce facteur semble moindre, au tournant des années 2020, que lors des décennies précédentes, signale l’étude.

 

Des choix complexes de politique monétaire

Cela étant, l’objectif de la politique a consisté à favoriser la concurrence et à stimuler la productivité – deux facteurs de désinflation, quand tout va bien. Il en est de même pour les contraintes tarifaires, logistiques, des changes, sensiblement allégées. « Par conséquent, l’économie marocaine a renforcé son intégration à l’échelle internationale et l’influence des facteurs externes s’est significativement consolidée, sachant que la dépendance énergétique, évaluée à 88%, ne peut qu’accentuer cette tendance. »

Quatrièmement, eu égard aux mutations qu’a connu le cadre de politique monétaire, les anticipations d’inflation sont de plus en plus influentes, expliquent les économistes. Ce que l’on pourrait traduire par des « prédictions auto-réalisatrices » que la politique de la Banque centrale cherche à combattre, tout en les validant. Le poids des anticipations d’inflation confirme « la consolidation de l’opinion publique dans l’engagement de Bank Al-Maghrib à atteindre son objectif de stabilité des prix ». En effet, écrivent les économistes, l’amélioration continue du cadre légal et du dispositif analytique et de communication de la politique monétaire ont significativement contribué au renforcement de l’ancrage des anticipations de l’inflation au Maroc.

D’un côté, les politiques entreprises (par l’État et par les Banques centrales) ont permis de stabiliser la croissance et de réduire les incertitudes sur les prix ». D’un autre côté, « la persistance énergétique et le renforcement de l’ouverture aux principaux partenaires ont renforcé l’influence des facteurs externes ».

 

Inflation modérée

Voilà qui complexifie le rôle d’une Banque centrale comme Bank al Maghrib : sa communication financière et sa transparence (vantées récemment par le FMI, voir brève ci-dessous) renforcent sa crédibilité, à tel point qu’elle nourrit les anticipations inflationnistes. D’autre part, la persistance d’une forte inflation importée, surtout quand elle vient des prix de l’énergie, réduit la portée de l’arme des taux d’intérêt. On voit d’ailleurs que les Banques centrales ne réagissent pas immédiatement quand survient un « choc » sur les prix du pétrole, par exemple. De plus, le choix de nombreux pays de se tourner vers les énergies renouvelables, que ce choix résulte de décisions privées ou de celles des États, sera de nature à réduire cet aspect volatil des prix.

Bank Al-Maghrib redoute une inflation durable

Du point de vue empirique, l’inflation au Maroc a présenté, au cours des trois dernières décennies, un profil modéré et stable selon l’étude. Les années 1990 marquent le début de cette tendance avec une inflation passée de 6,2% à 1,6% sur la période 1996-2005. Une certaine hausse a été observée entre 2006 et 2008 à cause du renchérissement des prix des matières premières, avant un retour à un taux moyen de 1,1% dès 2009, après la crise financière internationale.

Comme ailleurs dans le monde, les répercussions économiques de la pandémie de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine ont contribué à la hausse significative des prix, depuis un an.

Pour lire l’étude complète, cliquez ICI.

 

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En bref

Une banque centrale transparente

 

La Bank Al-Maghrib se félicite des conclusions d’une enquête menée par le FMI sur ses pratiques de transparence et de gouvernance. 

« Bank Al-Maghrib garantit un ensemble d’outils et de canaux de communication pour atteindre le grand public. Dernièrement, la banque s’est appuyée sur les canaux digitaux et les médias sociaux pour communiquer. Bank Al-Maghrib a également développé des méthodes et plateformes créatives à des fins éducatives visant à améliorer l’éducation financière du grand public », indique le rapport.

Et le FMI d’ajouter: « Bank Al-Maghrib a mis en œuvre des pratiques de transparence élargies et complètes dans plusieurs domaines, notamment ceux liés à la mission de la banque pour garantir la stabilité des prix. Cela reflète l’engagement public de la banque en faveur de la transparence. »

@AB

 

 

Écrit par
Laurent Soucaille

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