L’écosystème autour du téléphone mobile

L’accès au téléphone mobile est devenu rapidement une nécessité sur le continent, tout en devenant financièrement accessible à un nombre croissant de personnes, y compris pour le smartphone. État des lieux d’un domaine clef pour l’Afrique.
Par Estelle Brack
Publié à l’occasion des Spring Meetings à Washington début avril, le rapport de la Banque Mondiale Africa’s Pulse, No. 19 : Une analyse des perspectives qui façonnent l’avenir économique de l’Afrique, montrait comment les technologies du digital pourraient transformer les économies africaines et contribuer à réduire la pauvreté.
Ces 52 milliards de dollars se décomposent en quatre grands postes :
11 milliards $ au sein des opérateurs mobiles eux-mêmes (1,8 %) ;
3 milliards $ pour les secteurs connexes de l’écosystème mobile (0,5 %)
3 milliards $ de façon indirecte (0,5 %) ;
35 milliards $ de gains de productivité et d’efficacité économique résultant de l’utilisation des services mobiles (5,9 %).
En particulier « Si les objectifs de la Digital Economy Moonshot Initiative se réalisaient, la croissance par habitant augmenterait de 1,5 point de pourcentage par an et réduirait le nombre de personnes touchées par la pauvreté de 0,7 point de pourcentage par an. Les effets bénéfiques potentiels sur la croissance et la réduction de la pauvreté sont plus importants en Afrique subsaharienne, et en particulier dans les pays fragiles. S’ils s’accompagnaient d’investissements appropriés dans le capital humain, ces effets pourraient plus que doubler. »
L’initiative Digital Economy Moonshot a été lancée fin 2018 par le Groupe de la Banque mondiale en partenariat avec l’Union africaine et l’Union internationale des télécommunications ; son objectif est de donner un accès universel et accessible à toute la population du continent d’ici à 2030.
Si elles demeurent importantes, les disparités d’accès à l’économie numérique entre pays avancés et pays en développement, notamment les pays africains, se réduisent, passant d’une économie connectée limitée aux ordinateurs personnels et serveurs Web à une économie hyper-connectée grâce aux téléphones mobiles bon marché, aux réseaux sans fil à large bande et aux applications Cloud. L’économie autour du mobile représenterait 234 milliards de dollars pour l’Afrique en 2025.
Selon le rapport L’économie mobile Afrique de l’Ouest 2019, publié début avril par le GSMA, les technologies et services mobiles ont généré une valeur économique de 52 milliards de dollars pour la sous-région en 2018, soit 8,7 % du PIB. Ce chiffre devrait atteindre près de 70 milliards $ d’ici à 2023, soit 9,5 % du PIB.
D’abord les services mobiles de base – comme la voix et les messages texte – permettent aux personnes et aux entreprises de communiquer plus efficacement, s’affranchissant par exemple de trajets devenus inutiles.
Les technologies 3G et 4G quant à elles, en introduisant les services de données mobiles et Internet, permettent un accès à l’information et aux services à distance : envoi d’argent, consultation des prix de vente sur différents marchés, accès à la santé, paiement des factures via le mobile, etc.
Globalement, les technologies numériques contribuent ainsi à réduire les problèmes d’asymétrie d’information et à améliorer la communication, en réduisant les coûts de recherche de l’information. Potentiellement, elles améliorent l’efficacité du marché, en particulier pour les consommateurs, les producteurs et les commerçants, en leur permettant de mieux connaître les prix.
Un outil devenu indispensable
Les téléphones mobiles ont aussi fourni la possibilité de transférer des fonds sous forme électronique à distance, permettant de réduire les coûts et le délai : de personne à personne, de personne auprès de l’administration (factures, taxes) et de l’administration vers la population (transferts publics).
Les personnes à faible revenu, en particulier celles vivant dans des zones rurales éloignées, peuvent aussi par ce biais avoir accès à des institutions financières formelles. Les comptes d’argent mobile (wallets) peuvent ainsi être utilisés pour transférer l’épargne d’un ménage ou d’un groupe à une institution financière ou donner à des personnes non bancarisées un accès à des services financiers.
Enfin, les technologies numériques peuvent fournir un contenu éducatif et encourager l’acquisition de compétences par des enfants en âge d’être scolarisés, ains que des adultes, en utilisant des messages textuels ou des applications d’argent mobile pour mettre en pratique des compétences de lecture ou d’écriture par exemple.
Selon le GSMA, pour la seule sous-région Afrique de l’Ouest, l’écosystème mobile emploie directement environ 200 000 personnes, soutient 800 000 emplois dans le secteur de l’emploi informel (essentiellement dans la distribution et la vente au détail de services mobiles) et 600 000 autres emplois dans l’ensemble de l’économie.
Un potentiel considérable
L’écosystème mobile a également apporté une contribution substantielle aux finances publiques de plus de 4 milliards $, collectés via la fiscalité.
Les taux de pénétration de l’Internet peuvent, certes, encore être considérés comme faibles dans certaines régions du continent, mais ce sont aussi précisément dans ces régions que l’adoption du réseau connaît la croissance la plus rapide.
Les utilisateurs de l’Internet en Afrique sont ainsi en croissance de plus de 20 % sur un an, avec un nombre d’internautes au Mali quasiment multiplié par 6 depuis janvier 2017. Quant aux internautes au Bénin, en Sierra Leone, au Niger et au Mozambique, leur nombre a plus que doublé en un an.
Le mobile semble l’outil privilégié du développement de solutions, laissant libre cours à la créativité, au service de l’utilisateur final. Les smartphones à bas prix, bas débit de données et fonctionnant en 2G ou 3G, ouvrent encore le champ des possibles.
Le continent recense 435 millions d’utilisateurs de la toile, pour 191 millions d’utilisateurs des réseaux sociaux, selon le Digital Report 2018 de We Are Social et Hootsuite.
Pour le continent, le taux de croissance annuelle de la zone est de 6,1 %, il est plus élevé que la moyenne mondiale. GSMA estime que l’Afrique subsaharienne enregistrera plus de 500 millions d’abonnés uniques au mobile en 2020, tandis que le nombre total de connexions SIM, qui avait atteint le chiffre de 731 millions à la fin de 2016, devrait frôler le milliard.
L’Afrique de l’Ouest comptait, fin 2018, 185 millions d’abonnés mobiles uniques, soit une augmentation de près de 10 millions par rapport à l’année précédente. Les connexions par smartphone représentaient 38 % du nombre total des connexions.
En 2019, la 3G devrait dépasser la 2G en nombre de connexions pour devenir la technologie de référence en Afrique de l’Ouest, et représenter 49 % du nombre total de connexions d’ici à la fin de l’année.
Entre janvier 2018 et janvier 2019, dix nouveaux réseaux 4G ont vu le jour en Afrique de l’Ouest, notamment pour la première fois au Burkina Faso, en Sierra Leone et au Togo. L’adoption de la 4G représentera 17 % des connexions d’ici à 2025, dépassant ainsi la 2G, faisant d’elle la deuxième technologie mobile la plus utilisée en Afrique de l’Ouest.
Le smartphone prend un essor considérable sur le continent, sur la base de solutions Android, essentiellement, avec parfois des copies de marques ou des smartphones à quelques dizaines d’euros commercialisés par les opérateurs telcos eux-mêmes. L’on attend ainsi 600 millions d’utilisateurs de l’Internet en 2025.
Selon le Global Findex database de la Banque mondiale, 1,7 milliard de personnes autour du globe sont non bancarisées. Sur le continent, 70 % de la population n’ont pas de compte bancaire formel, soient 840 millions de personnes, alors que le taux d’équipement en smartphones devrait atteindre 70 % de la population en 2024.
La progression du mobile le désigne ainsi comme l’outil privilégié du développement de solutions, laissant libre cours à la créativité, au service de l’utilisateur final. L’arrivée sur le marché de smartphones à bas prix, bas débit de données et fonctionnant en 2G ou 3G, pourrait faire disparaître la technologie USSD rapidement et ouvrir encore davantage le champ des possibles.