Comment protéger et conserver nos données ?

Ololade Shyllon (Facebook) tient à nuancer le rôle des Data Center. Selon elle, un centre dans un pays ne veut pas dire que les données y sont plus sécurisées. Au contraire, des pirates ou des groupes terroristes pourraient y avoir accès plus rapidement. De plus, la maintenance d’un Data Center ne requiert pas beaucoup de personnel, elle n’est pas très créatrice d’emplois.
Le plus gros défi sur le continent, insiste-t-elle, est le fait qu’il n’y a pas assez de lois, qui prévoient un cadre, des sanctions. À l’évocation de la « cyber police », elle commente : « si nous avions de bonnes législations, nous n’aurions pas besoin de police spécifique ! » Bien entendu, les expertises doivent être améliorées. À noter qu’à l’automne 2019, Facebook avait publié un livre blanc sur ce sujet. (À télécharger sur https://fbnewsroomus.files.wordpress.com/2019/09/data-portability-privacy-white-paper.pdf)
Plus généralement, l’Afrique doit être plus proactive et « elle peut prendre le leadership dans ce domaine », considère Ololade Shyllon. Il reste des questions en suspens, comme la responsabilité des données. En cas de piratage, qui est responsable : l’utilisateur, le pays hôte des serveurs, le fournisseur d’accès, la plateforme numérique ? Ces questions ne sont pas encore réglées, en Afrique.
L’Afrique ne dispose pas encore de grands Data Center en Afrique, susceptibles de créer des emplois. Parce que les infrastructures, l’énergie, sont insuffisantes. Et aussi parce que le cadre légal n’est pas assez structuré.
Notre responsabilité est aussi de mieux responsabiliser les utilisateurs, tous ne connaissent pas leur niveau de protection, ce à quoi ils ont droit. Ils doivent aussi nous faire part de leurs exigences, que nous connaissons encore mal, parfois.
Lacina Koné (Smart Africa) confirme qu’il faut à l’Afrique une approche « holistique », c’est-à-dire africaine. Nous faisons face à une « quatrième révolution industrielle », dans laquelle le continent a son mot à dire. Concernant les Data Center, « j’oberve que les grands groupes délocalisent les centres dans des pays comme l’Irlande. Pourquoi l’Afrique n’aurait-elle pas sa part ? ».
Nous devons commencer à exporter de l’information et de la technologie, et ne pas être que des consommateurs ! L’expert cite en exemple le Rwanda qui vient de décider d’exporter sa technologie, son économie de la connaissance via son dispositif Kigali Innovation Center. « C’est un exemple à suivre ; la seule chose dont nous savons qu’elles seront infinies, ce sont les données ! » Les marchés financiers le voient bien, qui placent les GAFA en tête des capitalisations boursières.
En guise de conclusion, Pierre Ouadréogo rappelle l’enjeu. « Nous ne voulons pas tout garder par pure jalousie ou conservatisme ; mais il faut avoir à l’esprit que des données essentielles, stratégiques, peuvent être utilisées contre nous. » Si un Data Center se situe dans un pays, c’est la loi de ce pays qui s’applique, en dehors de la loi du plus fort, bien sûr !
Nous vivons en harmonie, en Afrique, en règle générale, il n’y a pas de problème qu’un Data Center se situe en Algérie, au Rwanda, pour un Burkinabè, par exemple. Mais il est évident que deux pays en conflits larvés auraient du mal à se faire confiance !
Imagine-t-on les États-Unis accepter que leurs données soient installées en Chine ? Il n’en reste pas moins que le monde doit rester ouvert pour que les innovations se poursuivent et se diffuse. « Nous vivons un monde d’échanges, mais où les échanges et les données sont garantis. »
Lacina Koné confirme : l’Afrique doit se développer tout en préservant sa souveraineté ; d’où un écosystème à créer. Oui, le projet est ambitieux, mais il est réalisable. Et de considérer comme « tout à fait possible » l’émergence d’une « licorne » africaine dans les décennies à venir.