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African Business Conjoncture

Maurice : des marges de manœuvres limitées

Maurice : des marges de manœuvres limitées
  • Publiéfévrier 21, 2023

En matière budgétaire et monétaire, les autorités de Maurice ont, à court terme, peu de leviers à leur disposition, en raison des tensions inflationnistes. Le pays tente néanmoins de maintenir la croissance sans alourdir l’endettement.

 

Petit État insulaire ouvert sur l’extérieur, Maurice est très sensible à la conjoncture internationale, rappelle Vincent Joguet, dans le Panorama semestriel des pays en développement, publié par l’AFD en ce début 2023.

Les chocs subis ces derniers mois menacent directement la croissance économique à moyen terme, ainsi que la compétitivité des biens à l’exportation : les prix des matières premières, majoritairement importées, atteignent des niveaux jamais vus depuis quinze ans. « Sans possibilité d’influer sur les cours du marché, Maurice devra naviguer dans la crise en dosant sa politique monétaire de façon à éviter la fuite des capitaux et maîtriser l’inflation tout en stimulant la croissance de son économie sans alourdir sa dette déjà élevée », explique l’économiste qui y voit là « un pari difficile ».

La balance commerciale de Maurice est structurellement déficitaire. L’une des particularités du financement de ce déficit réside dans la position de Maurice comme place financière offshore à fiscalité attractive.

 Bien sûr, sur longue période, la croissance économique a été soutenue, positionnant Maurice parmi les pays les plus dynamiques d’Afrique, le pays figurant en haut de liste des pays dits « à revenu intermédiaire » tandis que l’IDH (Indicateur de développement humain) le classe le pays dans la catégorie « développement humain élevé » en tête des pays africains.

Après ses paris sur le textile, le tourisme, puis la Finance, l’économie est aujourd’hui majoritairement tertiaire, le secteur des services représentant en moyenne 65 % de la valeur ajoutée depuis dix ans. Le dynamisme de la croissance économique s’est néanmoins érodé depuis la fin des années 2000. De plus, la persistance d’un chômage structurel, surtout féminin, souligne également l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail. En outre, le mix économique reste très dépendant du commerce international.

Maurice, les principaux agrégats (Source, AFD, d'après chiffres du FMI).
Maurice, les principaux agrégats (Source : AFD, d’après chiffres du FMI).

 

Le FMI a revu la croissance potentielle à moyen terme de 4 % pré-pandémie à environ 3,3 % désormais. De plus, souligne l’AFD, « la consolidation budgétaire attendra ».

De façon préoccupante, le solde global s’est détérioré en 2019 pour atteindre un déficit de 8,4 % du PIB, conséquence d’un bond de 25 % des dépenses en une année résultant de promesses électorales. En effet, les mesures sociales et de soutien à l’économie, décidées en 2020 pour amortir l’impact de la crise Covid-19 et la contraction des recettes fiscales, ont creusé le déficit (10,9 % du PIB) avant que celui-ci ne se revienne en 2021 à 6,1 % du PIB, un niveau toujours élevé qui devrait se maintenir en 2023 avant une consolidation graduelle à partir de 2024.

 

Un alignement sur la FED américaine

En conséquence, le besoin de financement public a considérablement augmenté depuis 2019 contraignant le gouvernement à recourir à un financement monétaire exceptionnel de la Banque centrale (BoM), estimé à 13 % du PIB en année fiscale 2020/21, et à augmenter sa dette publique. Après avoir flirté avec les 100 % du PIB en 2020, le taux d’endettement public (domestique à 70 %) a baissé du fait du redémarrage économique mais se maintiendrait autour de 90 % du PIB à moyen terme, selon le FMI.

« La consolidation budgétaire devrait être en effet contrainte à court terme par l’inflation à deux chiffres et à moyen terme par le poids croissant des retraites et la capacité limitée de mobilisation fiscale du pays », explique la note de l’AFD.

Du fait de sa position isolée, de sa taille réduite et de l’absence de matières premières, Maurice importe la majorité de ses intrants, grevant ainsi la balance commerciale qui explique un solde de la balance courante structurellement déficitaire. L’une des particularités du financement de ce déficit réside dans la position de Maurice comme place financière offshore à fiscalité attractive. Le pays accueille des milliers de « Global Business Companies », filiales de sociétés multinationales (assurance, services financiers, commerce…). Résidentes à Maurice, elles perçoivent des transferts financiers de leurs maisons mères, comptabilisés pour l’essentiel sous forme d’IDE.

L’île Maurice en quête d’un modèle résilient de croissance

Maurice ayant été retirée de la liste grise du GAFI fin 2021, sur laquelle le pays figurait depuis début 2020, le secteur financier devrait « continuer à progresser ». Le financement du déficit du compte courant dépendra de la sensibilité de ces flux à l’évolution des conditions financières dans les économies étrangères et de la crédibilité de la politique monétaire mauricienne.

En effet, la Banque centrale calque sa politique monétaire sur celle de la Fed afin de réduire les différentiels de taux d’intérêt tout en limitant la volatilité excessive sur le marché des changes. La BoM espère ainsi encourager les entrées d’investissements étrangers, restreindre les sorties de capitaux et lutter contre l’inflation.

@AB

 

Écrit par
Laurent Soucaille

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