Maroc : une économie résiliente et des faiblesses structurelles

Les experts de S&P Ratings considèrent que la croissance du Maroc restera solide, à horizon 2026, mais que la hausse du PIB/habitant sera entravée par quelques handicaps, notamment le poids de l’informel.
Les réformes économiques et fiscales en cours au Maroc devraient ouvrir la voie à une croissance plus inclusive, à une augmentation des investissements privés nationaux et étrangers et à une réduction progressive des déficits extérieurs et budgétaires. Cet avis est celui des analystes financiers de S&P Global Ratings. L’agence de notation a maintenu sa notation « BB+ » sur la dette souveraine du pays en devises, assortie d’un avis de « perspective stable ».
Les experts prévoient que le PIB par habitant augmentera, ces prochaines années ; mais à un niveau (près de 5 000 dollars) encore inférieur à celui enregistré par des pays comparables, « en raison des faiblesses structurelles relatives du Maroc ». Celles-ci tiennent à une économie informelle importante, de grandes disparités de revenus entre les zones les plus développées et les moins développées, et un taux de chômage élevé.
À l’image du FMI, les analystes s’inquiètent de la forte réduction des disponibilités en eau. Craignant que le seuil de rareté absolue de l’eau (500 mètres cubes par personne et par an) soit atteint d’ici à 2050.
Du point de vue de l’endettement, la dette publique pourrait se porter à 65% du PIB d’ici à 2026 avant de se stabiliser à un niveau, donc, de 13,5 points de pourcentage plus élevé qu’avant la pandémie.
D’ici là, les réformes structurelles en cours soutiendront une croissance économique robuste et aideront à contrebalancer les pressions externes et budgétaires. Il faudra néanmoins que la performance budgétaire du gouvernement soit conforme aux attentes.
À mesure que l’économie devient plus « inclusive », le Maroc verra ses déficits extérieur et budgétaire élevés se réduire. D’ailleurs l’« économie marocaine a résisté à plusieurs chocs régionaux et mondiaux au cours des deux dernières décennies, tout en maintenant son accès aux financements extérieurs et intérieurs », font observer les analystes.
S&P prévoit « une augmentation régulière » du PIB du Maroc, de 3,5 % en 2023 et de 3,4 % par an entre 2024 et 2026. De son côté, l’inflation, plus généralisée, décélérera progressivement pour atteindre 4,5 % en 2023 et 2 % en 2026.
Recul du travail informel
Cette année, la croissance sera soutenue par un rebond de la production agricole et une performance robuste des principaux secteurs exportateurs du pays, y compris le tourisme, les phosphates, l’automobile et l’aérospatiale. « Cela dit, le ralentissement économique en Europe, principal partenaire économique du Maroc, limitera la croissance au-delà de ce niveau. »
Les années, suivante, l’économie du Maroc bénéficiera de l’achèvement de grands projets supplémentaires, de l’expansion de la capacité d’exportation, de la promotion du secteur privé et de la mise en œuvre de réformes sociales et économiques. Et d’un bel atout : Tanger-Med a désormais une capacité de trois millions d’ EVP (équivalents vingt pieds), ce qui en fait le plus grand port de la Méditerranée et de l’Afrique.
Une série de réformes favorables aux entreprises vise à donner la priorité aux investissements dans la numérisation et la modernisation du cadre juridique, institutionnel et réglementaire. Le gouvernement a amendé la Charte de l’investissement à la fin de l’année 2022. Ce document vise à augmenter la part de l’investissement privé national et étranger à deux tiers de l’investissement total d’ici 2035, contre environ un tiers actuellement. Les autorités ont également entrepris une refonte complète du système de Sécurité sociale afin d’étendre la couverture des soins de santé et d’augmenter les transferts sociaux, tout en élargissant l’assiette des impôts et des cotisations sociales.
Un enjeu majeur : l’eau
Revenant sur les « faiblesses structurelles », les analystes concèdent que l’extension de la protection sociale à tous les Marocains, combinée à une numérisation croissante, devrait permettre aux autorités de formaliser une plus grande partie de l’économie. Par exemple, « la tenue d’un registre social unifié pourrait améliorer le ciblage de l’aide sociale ».
Malgré les efforts déployés pour diversifier l’économie, celle-ci reste fortement tributaire de l’agriculture. Qui représente environ 10 % du PIB et 30 % de l’emploi, ce qui rend l’économie particulièrement vulnérable aux conditions météorologiques et aux précipitations. Sur ce point, à l’image du FMI, les analystes s’inquiètent de la forte réduction des disponibilités en eau. Craignant que le seuil de rareté absolue de l’eau (500 mètres cubes par personne et par an) soit atteint d’ici à 2050.
Toutefois, les analystes entendent les promesses du gouvernement, qui s’est engagé à mettre en œuvre un plan d’action à grande échelle pour atténuer la pénurie d’eau. Il s’agira d’investir massivement dans les infrastructures, notamment dans de nouveaux barrages et des usines de dessalement et de recyclage, ainsi que dans des mesures visant à améliorer l’efficacité de la consommation d’eau et à optimiser les ressources en eau, telles que des programmes de transfert d’eau nord-sud. Un sujet de préoccupation pour le long terme.
@AB