L’exploration des régions pionnières du pétrole et du gaz progresse

Bien que les compagnies pétrolières se désengagent des actifs arrivés à maturité, l’exploration continue de guider les investissements en Afrique ; la Namibie est considérée comme l’une des régions pétrolières les plus recherchées au monde.
Qui a dit que le secteur pétrolier et gazier africain est marqué par le retrait et le repli ? Certes, les compagnies pétrolières internationales, qui réduisent leurs portefeuilles, ont généralement cherché à se défaire de leurs actifs en Afrique. Les plus grandes compagnies pétrolières n’ont généralement pas cherché à saisir de nouvelles opportunités, mais plutôt à réduire leurs effectifs.
Shell, par exemple, cherche à réaliser des désinvestissements d’une valeur moyenne de 4 milliards de dollars par an dans le cadre de ses objectifs de réduction à zéro de ses émissions. Cela signifie qu’elle prévoit de vendre des actifs tels que sa participation de 30 % dans la Shell Petroleum Development Company of Nigeria (SPDC). Dans le même temps, la coentreprise Eni-BP Azule Energy a vu les partenaires doubler leur participation pour réaliser des économies d’échelle dans l’un des plus grands producteurs d’Afrique, l’Angola.
Avec des réserves d’un milliard de barils encore visibles dans des régions précédemment inexploitées comme la Namibie, l’attention portée aux nouvelles provinces pétrolières et gazières continuera d’inciter les entreprises à se tourner vers l’Afrique.
Cette tendance a coïncidé avec le recul de la part de l’Afrique dans la production mondiale de pétrole, qui est passée de 12,3 % en 2010 à seulement 8,1 % en 2021, selon la Statistical Review of World Energy de BP.
Pourtant, si l’on demande à n’importe quel cadre pétrolier international quelles sont les perspectives d’exploration les plus prometteuses au monde, nombreux sont ceux qui citeront une nouvelle province productrice d’hydrocarbures parmi toutes les autres : La Namibie, où TotalEnergies et Shell mènent d’ambitieuses campagnes de forage au large du bassin d’Orange, dont les ressources se chiffrent en milliards de barils.
Selon Keith Hill, PDG d’Africa Oil, dont la société est partenaire de TotalEnergies, le bassin d’Orange est « probablement la nouvelle région pétrolière la plus recherchée au monde ».
Entretemps, il semble que les débits du champ Graff de Shell, au large de la Namibie, soient impressionnants et dépassent les attentes, ce qui laisse présager des ressources très avantageuses, avec de faibles coûts de production.
Des stocks élevés
Et comme le note Westwood Energy, la découverte de Venus par TotalEnergies et l’ouverture du reste du bassin d’Orange coïncident avec une reprise à court terme de l’exploration des régions pionnières. Selon le cabinet de conseils, les taux de réussite commerciale de l’exploration des zones pionnières ont atteint un niveau record en 2022, avec 25 %.
Shell a commencé l’année 2023 avec une troisième découverte de pétrole léger dans le puits Jonker-1X dans le bloc de licence offshore namibien PEL 39. Cette découverte fait suite aux forages de Graff-1 et de La Rona-1 l’année dernière, qui ont conduit d’autres opérateurs, dont Chevron et Woodside Energy, à acheter des droits de forage dans les blocs voisins.
Parmi les compagnies pétrolières les plus entreprenantes, on trouve la société publique du Golfe, QatarEnergy, qui a étendu sa présence à l’étranger en procédant à des fusions et acquisitions au cours de l’année écoulée. Selon le cabinet de conseil en énergie Wood Mackenzie, QatarEnergy a accumulé 2,5 milliards de barils en Namibie grâce à ses partenariats avec Shell et TotalEnergies sur quatre blocs, ce qui confirme sa stratégie de partenariat avec les grandes compagnies sur des terrains d’exploration frontaliers à fort impact.
L’« intérêt pour la région du bassin de l’Orange en Namibie s’est certainement accru, mais il est lié aux prévisions incroyablement élevées stock de pétrole initialement en place, qui est un facteur clé de l’intérêt », explique George Maxwell, PDG de Vaalco Energy. « L’impact de cette situation sur les autres détenteurs de ressources établies aura un effet d’entraînement, mais de notre point de vue, les opportunités de production à court terme qui peuvent ensuite autofinancer les perspectives d’exploration restent les principales opportunités, à la fois pour les pays hôtes, avec des retours fiscaux à court terme, et pour les investisseurs. »
De telles opportunités montrent que les compagnies pétrolières internationales conservent un fort intérêt pour l’Afrique, même si elles continuent à vendre leurs actifs matures ; ce qui offre à son tour des opportunités aux indépendants plus petits et plus agiles. De plus en plus de grandes entreprises se lancent dans l’exploration du bassin, mais avec des coûts d’entrée plus élevés.
L’ampleur potentielle des ressources de la Namibie est illustrée par le fait qu’alors que la Guyane (française et anglaise, en Amérique centrale), autre province frontalière récente, a fait l’objet de 15 découvertes avant d’atteindre 7 milliards de barils de réserves, la Namibie n’a eu besoin que de trois découvertes pour parvenir à ce niveau.
Savoir évaluer les risques
Les succès de l’exploration se poursuivent avec d’importantes découvertes de pétrole en eaux profondes au large des côtes africaines. Baleine d’Eni en 2021 a été la plus grande découverte jamais faite en Côte d’Ivoire et est déjà en cours de développement ; des découvertes géantes comme celles-ci offrent le type de barils à faible coût avec une production à faible teneur en carbone dont le monde a besoin, note Wood Mackenzie.
Un thème clair est ressorti des récentes activités d’exploration et de production (E&P) en Afrique : les dépenses d’investissement des compagnies pétrolières ne sont plus dominées par les géants établis tels que l’Angola et le Nigéria. Les investissements seront répartis entre diverses zones, notamment le Sénégal, la Namibie et même l’Ouganda, où il est prévu de construire un nouvel oléoduc d’exportation vers la Tanzanie.
Selon la société de conseil S&P Commodity Insights, les nouvelles licences en Afrique restent concentrées sur l’offshore profond, où certaines sociétés pétrolières internationales et sociétés pétrolières nationales étrangères peuvent tirer parti d’avantages techniques et financiers. Bien que la volatilité politique puisse freiner les progrès de l’E&P, certains gouvernements améliorent les conditions de l’E&P pour les nouveaux efforts d’octroi de licences.
Selon S&P Commodity Insights, le choix du moment est essentiel. Conscients que la fenêtre permettant de capter les investissements étrangers en amont pourrait bientôt se refermer, les gouvernements hôtes ont adopté ou envisagent d’améliorer leurs conditions fiscales et contractuelles.
Dans les mois à venir, l’Angola, le Nigeria et la Tanzanie pourraient tenter de soutenir d’éventuelles nouvelles offres de superficie de blocs de licences de forage par des conditions plus attrayantes. Ce n’est pas gagné d’avance. Bien que les prix élevés actuels du brut soient susceptibles de se maintenir, il reste difficile d’attirer les capitaux des compagnies pétrolières internationales, en raison des risques élevés en surface et des difficultés opérationnelles de la région.
De nouvelles provinces d’hydrocarbures s’ouvrent
Dans le sillage de la Namibie voisine, l’Afrique du Sud est une autre nouvelle province productrice d’hydrocarbures qui attire l’attention des compagnies pétrolières internationales. Africa Oil Corp, qui exploite le bloc 3B/4B, s’associe à Eco Atlantic Oil & Gas et Ricocure pour retraiter les données sismiques 3D et préparer une campagne de forage de deux puits cette année. Au Zimbabwe, l’entreprise australienne indépendante Invictus Energy a identifié treize zones potentiellement porteuses d’hydrocarbures, et des forages sont prévus dans le courant de l’année.
Le Liberia est un autre pays prometteur. En avril, ExxonMobil a déposé une demande de préqualification pour quatre blocs d’exploration pétrolière offshore, avant de négocier un accord de partage du pétrole pour les blocs 15, 16, 22 et 24 dans le bassin du Liberia. La supermajor américaine poursuit une politique de négociation directe décidée après que le gouvernement libérien a retiré un appel d’offres portant sur le bassin Harper, dans les eaux orientales du Liberia. L’intérêt pour le Liberia a été déclenché en partie par le succès de l’exploration de la Guyane : les deux côtes peuvent être « reconstruites tectoniquement » – mises en correspondance à travers l’Atlantique, pour suggérer où le pétrole pourrait se trouver au large du Liberia -, estime TGS, une société de données géophysiques.
La Sierra Leone est une autre zone intéressante où la géologie est similaire à celle de la Guyane. La compagnie pétrolière indépendante Wildcat Petroleum, cotée à Londres, a récemment achevé sa propre évaluation du potentiel des blocs offshore de la Sierra Leone. TGS, qui travaille sur le cycle d’octroi de licences, suggère que « les études de la vaste couverture sismique dans la région indiquent des perspectives potentielles de plusieurs milliards de barils, ce qui représente une opportunité d’exploration exceptionnelle ».
Les analystes considèrent que la « prospection axée sur les infrastructures », celle qui se concentre sur les territoires où il existe des installations d’exportation, telles que des pipelines d’exportation et des plateformes de production. Cela permet aux entreprises de « raccorder » et de monétiser les découvertes plus rapidement que dans les zones dépourvues d’infrastructures. Cette exploration à moindre risque permet de réduire les coûts de développement.
« La possibilité de raccorder et d’utiliser des infrastructures clés telles que les pipelines et les installations de GNL devient de plus en plus intéressante dans le secteur, car elle permet d’utiliser ou de commercialiser les réserves piégées », explique George Maxwell.
Des régions pionnières
Le fait de pouvoir intégrer la production dans les systèmes existants permet d’accélérer les cycles et de réduire les dépenses d’investissement, ce qui rend les petits gisements plus rentables. Les opportunités en eaux bleues ou en sites vierges présentent un profil de risque plus élevé étant donné l’actualisation des dépenses d’investissement plus importantes requises.
Mais cela ne signifie pas que l’exploration des régions pionnières ne figurera pas dans les plans de l’E&P pour l’avenir.
L’exploration à grande échelle des régions pionnières continuera à susciter l’intérêt des compagnies pétrolières internationales, tant qu’elles voudront trouver les meilleurs barils, les plus avantageux, afin d’améliorer leurs réserves.
Comme l’a prouvé l’italien ENI avec sa découverte de gaz Zohr au large de l’Égypte au cours de la dernière décennie, c’est l’exploration des régions pionnières qui offre les meilleures perspectives d’accroissement des ressources.
@AB