Les coupures d’Internet au Sénégal menacent les entreprises

Depuis le 1er juin, le Sénégal est confronté aux coupures d’Internet et les entreprises subissent les conséquences des manifestations et de l’accès restreint aux plateformes de médias sociaux.
Le Sénégal connaît une coupure d’Internet depuis le 1er juin 2023 en raison des nombreuses manifestations qui ont suivi la condamnation du chef de l’opposition Ousmane Sonko.
L’accès aux plateformes de médias sociaux telles que Facebook, WhatsApp, Twitter, Instagram et autres lieux de rendez-vous des Sénégalais a été restreint, et une coupure de l’Internet mobile a été décidée à des créneaux horaires spécifiques, bien que le calendrier exact reste incertain. Le pays compte 10,2 millions d’utilisateurs du réseau mondial, soit environ 58 % de la population.
« Ces restrictions au droit à la liberté d’expression et à l’information constituent des mesures arbitraires contraires au droit international, et ne sauraient être justifiées par des impératifs de sécurité », proteste Amnesty International.
Jeudi 1er juin, des manifestations ont éclaté à Dakar et dans d’autres grandes villes après la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse », alors qu’il avait été acquitté de l’accusation de viol.
Les partisans d’Ousmane Sonko, principalement des jeunes, soutiennent que les accusations sont politiquement motivées et visent à l’empêcher de participer aux élections présidentielles de 2024. Selon les chiffres du gouvernement, ces manifestations ont entraîné la mort de 16 personnes en trois jours.
Le ministère sénégalais de la communication a déclaré que la coupure d’Internet avait été mise en œuvre pour empêcher « la diffusion de messages subversifs et haineux dans un contexte de troubles à l’ordre public ».
Netblocks, une organisation basée à Londres qui surveille la cybersécurité et la gouvernance de l’internet dans le monde, a publié jeudi dernier un article recommandant « de ne pas perturber les réseaux et de ne pas restreindre les médias sociaux en raison de leur impact disproportionné sur les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et la liberté de réunion ».
En plus d’entraver les manifestations de l’opposition, la fermeture de l’Internet menace la rentabilité de nombreuses entreprises au Sénégal. Avec un taux de pénétration du Web qui est passé de 10 % en 2011 à 58 % en 2021, de nombreuses petites entreprises du secteur informel dépendent fortement de la connectivité au réseau pour leurs activités quotidiennes.
Des milliards en jeu
Selon l’outil spécifique développé par Netblocks, on estime qu’une coupure de l’internet à l’échelle nationale au Sénégal aurait un impact sur le PIB d’environ 8 millions de dollars par jour.
« Un grand industriel me confiait, juste avant la panne, que le mois de mai avait été son pire mois depuis plus d’une décennie, mais que le mois de juin allait battre tous les records », confie à African Business Emmanuel Boquet, du fonds d’investissement GreenTec Capital.
Lequel s’inquiète également des conséquences potentielles à long terme sur le climat des affaires au Sénégal. « La place de Dakar perdra sa réputation de fiabilité et de sécurité, et des milliards de dollars sont en jeu : investissements majeurs, sièges de multinationales et de grandes ONG, contrats internationaux, etc. »
Pour contourner la fermeture, de nombreux Sénégalais utilisent désormais des réseaux privés virtuels (VPN), qui permettent de créer des connexions sécurisées et cryptées entre des appareils et des réseaux.
Selon TOP10VPN, une agence de recherche, la demande de VPN au Sénégal a explosé : plus de 8 000 % jeudi par rapport à la moyenne quotidienne des trente jours précédents, avec une nouvelle augmentation de plus de 20 000 % vendredi. « Il s’agit de la plus forte augmentation de la demande de VPN que nous ayons jamais enregistrée. »
Cela étant, les VPN sont principalement utilisés par des particuliers et peuvent devenir coûteux lorsqu’ils sont appliqués à l’échelle d’une entreprise. Aucune information concernant la fin de la fermeture n’a été divulguée, et le président sénégalais Macky Sall est resté silencieux sur la question.
En dépit du retour au calme, ces dernières 48 heures le gouvernement entend maintenir la pression sur les communications. Il annonce le blocage des données mobiles sur tout le territoire, à certaines plages horaires, sans autres précisions, relate RFI.
« Ces restrictions au droit à la liberté d’expression et à l’information constituent des mesures arbitraires contraires au droit international, et ne sauraient être justifiées par des impératifs de sécurité », réagit Samira Daoud, directrice régionale du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
LK, avec LA
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