L’économie marocaine, entre résilience et fragilités

Le Maroc fait preuve d’une résilience certaine, mais n’échappe pas aux turbulences. L’année 2022 s’achève sur une croissance molle, et certains s’interrogent sur les conséquences d’une inflation persistante. En revanche, le soutien des Marocains de l’étranger ne se dément pas.
Déjà, des inquiétudes surgissent pour 2023, tandis que 2022 s’est terminée sur un climat économique mi-figue mi-raisin. La croissance économique ne devrait pas avoir dépassé 1,2%, l’an passé, un rythme qui ne permet pas de créer des emplois. L’économie nationale aurait d’ailleurs perdu quelque 58 emplois entre le troisième trimestre de 2021 et le troisième trimestre de 2022, selon les statistiques de la Banque centrale. Soit 237 000 postes en moins dans l’agriculture et 38 000 dans le BTP. En revanche, les services auraient créé 189 000 emplois et l’industrie 29 000. Chiffres qui pourraient signifier une certaine mutation de l’économie, mais le Maroc reste tributaire de son secteur agricole. De ce point de vue, 2023 s’annonce meilleure que 2022.
C’est dans ce contexte que le Fonds Mohammed VI pour l’investissement a réuni, le 29 décembre, son premier Conseil d’administration. Cette initiative, annoncée par le Roi en juillet 2020, entre dans sa phase opérationnelle.
L’année écoulée n’a pas échappé à son lot de vents contraires : dégradation de la trésorerie des entreprises, stress hydrique et retard de précipitations, flambée des prix à l’importation, détérioration du pouvoir d’achat des ménages.
De plus, l’inflation reste élevée et devrait demeurer élevée à court moyen terme, a prévenu Bank al-Maghrib. Un coup dur pour le pouvoir d’achat des Marocains et les marges des PME.
De plus, certains économistes s’interrogent sur le creusement du déficit commercial, à 234,5 milliards de dirhams (2,10 milliards d’euros) ; le taux de couverture (exportations/importations) ressort à 57,6% contre 60,2% en début d’année 2022. Voilà qui dénoterait un certain manque de compétitivité des entreprises marocaines ; à vérifier. Et à nuancer par la hausse des exportations (+37,4%) qui, si elles ne compensent pas l’explosion des importations, montrent que les produits marocains restent attractifs. La locomotive OCP a bénéficié de la flambée des cours des engrais phosphatés, tandis que l’automobile affiche une belle progression de 34,9% de ses exportations.
Bank Al-Maghrib redoute une inflation durable
Si une bonne partie de la crise de l’économie marocaine (et des pays africains) prend sa source dans des chocs exogènes, un facteur de résistance vient aussi de l’extérieur du Maroc : le soutien de la diaspora. Les « MRE » (Marocains de l’étranger) auraient apporté au pays près de 100 milliards de dirhams, selon l’Office marocains des changes. Bank al-Maghrib estimait ce chiffre à 105 milliards, mi-décembre.
Les investissements, soutiens de la croissance
Voilà qui marquerait une hausse de 15% d’autant plus appréciable que les MRE vivent dans des pays qui ne sont pas épargnés par le ralentissement économique. Derrière l’Égypte, le Maroc serait le pays arabe à bénéficier le plus de l’envoi de fonds de sa diaspora.
Un bienfait qui masque une réalité moins réjouissante : le Maroc envoie aussi beaucoup à l’étranger des employés qualifiés, qui manquent à l’industrie nationale. On estime que chaque année, 600 ingénieurs quittent le pays en quête de meilleurs salaires. Si cela constitue un coût difficile à estimer, il n’en reste pas moins que les envois de fonds des MRE représentent plus de 16% des recettes courantes du pays, réduisant le déficit de la balance des paiements.

C’est dans ce contexte que le Fonds Mohammed VI pour l’investissement a réuni, le 29 décembre, son premier Conseil d’administration. Cette initiative, annoncée par le Roi en juillet 2020, entre dans sa phase opérationnelle, sous la direction de son directeur général, Mohammed Benchaâboun, ancien ambassadeur du Maroc en France. Le Fonds entend devenir un accélérateur du développement économique, social et environnemental, à travers la promotion des investissements productifs au Maroc.
Le Conseil a défini six thématiques prioritaires : entreprises et PME, infrastructures, restructurations industrielles, agriculture, tourisme, innovation et activités de croissance. Cette structure, qui prendra la forme d’un « fonds de fonds », entend limiter sa part dans chacun des sous-fonds créés à 33%, afin d’attirer les capitaux privés. Pour le volet entreprises et PME, où la part du Fonds pourrait être plus élevée, des discussions seraient menés avec Tamwilcom (organisme de garantie de prêts) et la Banque mondiale, afin de trouver des mécanismes innovants de financement.
Le Fonds serait doté de 45 milliards de dirhams (4 milliards d’euros), dont 15 milliards apportés par l’État et 30 milliards à lever auprès d’investisseurs institutionnels.
@AB