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African Business

Le « nouvel ordre mondial du commerce », une opportunité pour l’Afrique

Le « nouvel ordre mondial du commerce », une opportunité pour l’Afrique
  • Publiéjuillet 11, 2023

Le rapport annuel d’Afreximbank sur le commerce mondial souligne le basculement qui s’opère depuis quelques mois, avec la remise en cause des chaînes de valeur mondiales. L’Afrique pourrait en bénéficier, en accélérant les négociations en vue du libre-échange.

 

Les entraves à la mondialisation apparaissent au grand jour. En effet, le principe des chaînes de valeur et le modèle des chaînes d’approvisionnement à flux tendu étaient le moteur de la croissance et du commerce mondiaux avant la pandémie de Covid-19 : les chaînes de valeur mondiales représentant plus de 50 % du commerce à leur apogée.

Or, en 2022, « les pays n’ont pas pu se procurer les biens et les produits essentiels à un moment où ils en avaient le plus besoin », souligne le rapport 2023 sur le commerce africain, publié par Afreximbank. Dans ce contexte de chocs de l’offre et de la demande, le besoin devient urgent de décentraliser les chaînes d’approvisionnement mondiales.

La ZLECAf fournit des incitations importantes à ceux qui cherchent à faire des affaires sur le continent et à réduire la dépendance à l’égard des chaînes de valeur mondiales, tout en définissant une nouvelle orientation pour le développement des chaînes de valeur régionales.

À la suite des deux chocs récents (Covid-19 et guerre en Ukraine), « un nouvel ordre mondial est susceptible d’émerger de la concurrence actuelle pour le leadership mondial et le recours au « nearshoring » ou « friend-shoring«  », jugent les économistes d’Afreximbank. En d’autres termes, la tentation de  limiter les réseaux de chaînes d’approvisionnement aux pays proches et aux pays amis. Paradoxe : voilà qui « constitue un risque pour la croissance mondiale, car il appelle au démantèlement des chaînes d’approvisionnement mondiales », mais en même temps, qui représente « une opportunité pour l’Afrique ». En effet, le continent a été largement marginalisé dans les chaînes de valeur mondiales, ne les intégrant qu’en tant que fournisseurs de matières premières et de ressources naturelles.

De plus, la décentralisation des chaînes de valeur mondiales pourrait accélérer le développement de chaînes de valeur régionales (CVR) sur le continent. Elle permettrait d’approfondir les relations interentreprises et de catalyser la production de biens manufacturés afin d’accroître de manière significative le commerce extra- et intra-africain et de soutenir la mise en œuvre de la ZLECAf (Zone de libre-échange continental africain).

Entrée en vigueur en janvier 2021, la Zone représente « un facteur de changement car elle a le potentiel d’augmenter et de modifier la composition des investissements étrangers afin d’accélérer le processus d’industrialisation et de transformation structurelle des économies africaines », résume le rapport.

 

Des salaires attractifs

Les économistes prolongent cette réflexion : lorsqu’ils sont combinés à la pression géopolitique en faveur de la décentralisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, les gains de productivité et de compétitivité associés au libre-échange offrent la possibilité de déployer des minéraux verts pour relancer l’industrialisation basée sur les produits de base en Afrique à l’ère du changement climatique.

Ces gains de productivité ont également le potentiel de stimuler le processus d’industrialisation et de développement des CVR pour permettre aux pays africains de s’intégrer efficacement dans les chaînes mondiales, par le biais d’activités en amont, tout en réduisant l’empreinte carbone mondiale de l’industrie du transport maritime.

Alors qu’un nombre croissant de recherches et d’études suggèrent la fin de la croissance tirée par la fabrication des exportations, l’évolution de l’environnement géopolitique et les perspectives de transformation structurelle associées à la ZLECAf offrent « une formidable opportunité » de catalyser le développement des CVR. Ce, afin d’accélérer la diversification des sources de croissance pour la fabrication des exportations en Afrique.

Le rapport rappelle que les exportations africaines sont caractérisées par un très petit nombre d’exportations de produits manufacturés, qui sont concentrées dans un nombre limité de pays, tirées par quelques secteurs, et qui ont un marché d’exportation limité.

À cet égard, en utilisant les indicateurs de participation aux chaînes de valeur mondiales, le rapport suggère que le degré d’intégration régionale en Afrique est près de six fois inférieur à celui de l’Asie en développement, à l’exclusion des pays à haut revenu. Étant donné que la Chine a atteint le sommet pour plusieurs produits à forte intensité de main-d’œuvre, ce qui entraîne une baisse de sa part de marché depuis 2016, un potentiel d’exportation se forme pour une nouvelle génération d’exportateurs, en déduisent les analystes.

Une grande partie de ces nouvelles opportunités de production et d’exportation pourrait être localisée en Afrique, une région où une grande offre de travailleurs à bas salaires sera disponible dans les décennies à venir.

Par conséquent, pour atteindre leur potentiel d’exportation et développer des chaînes de valeur régionales et mondiales, les pays africains devront développer leur secteur manufacturier afin d’accélérer le processus de transformation structurelle.

 

Une nécessaire coopération entre les institutions du développement

Il est donc essentiel de promouvoir l’expansion des investissements, tant nationaux qu’étrangers, de créer les conditions appropriées pour bénéficier des effets positifs potentiels des investissements étrangers, de s’attaquer à toutes les formes de barrières commerciales, tant tarifaires que non tarifaires, et de mettre en œuvre des politiques industrielles favorables afin de catalyser le développement d’une base de production importante et plus efficace.

De plus, le rapport souligne que la coopération régionale est une ambition économique et politique essentielle pour relever les défis du continent.

À cet égard, la ZLECAf permet de faciliter l’intégration et d’accélérer l’industrialisation et la transformation structurelle dans les pays africains. Le libre-échange mobilise des gains potentiels d’un accès total au marché jugent les analystes, selon qui la ZLECAf pourrait contribuer « de manière significative » à la défragmentation de l’Afrique.

Outre la mobilisation des ressources nationales nécessaires et l’importance des partenariats public-privé pour le développement des infrastructures, le rapport insiste à nouveau sur la nécessité d’une coopération entre les institutions financières de développement d’Afrique pour le financement et la réalisation de ces biens publics régionaux.

Ce, tout en soulignant la conception et la mise en œuvre de politiques nationales visant à promouvoir les exportations de produits manufacturés par la réduction des coûts commerciaux, logistiques et de transaction.

Les économistes calculent que la valeur du commerce intra-africain a atteint 193,17 milliards de dollars, soit une croissance de 18,6 %, en 2022. Le commerce intra-africain, qui a été stimulé par la mise en œuvre de la ZLECAf, est « clairement destiné à redéfinir la fortune économique de l’Afrique » pour l’avenir.

Albert Muchanga (Union africaine) entouré d’Hippolyte Fofack et Benedict Oramah (Afreximbank), lors de l’Assemblée générale de la banque d’import-export, le 14 juin 2023.
Albert Muchanga (Union africaine) entouré d’Hippolyte Fofack et Benedict Oramah (Afreximbank), lors de l’Assemblée générale de la banque d’import-export, le 14 juin 2023.

@AB

 

Écrit par
Aude Darc

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