x
Close
African Business

Le Gabon, pays le plus riche d’Afrique

Le Gabon, pays le plus riche d’Afrique
  • Publiéoctobre 13, 2022

La diversification de l’économie du Gabon, entamée en 2009, porte ses fruits, analyse le CERMF. Le pays est devenu plus résilient, protège ses productions locales, et fait figure de bon élève en Afrique francophone. Résultat : le PIB/habitant le plus élevé du continent.

 

Selon les calculs du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone), le Gabon consolide son statut de pays le plus riche d’Afrique, sous le critère du PIB par habitant. Ce classement ne tient pas compte des très petits pays, essentiellement les pays insulaires comme Maurice.

Selon l’organisme, cette performance, réalisée avant la forte hausse du cours du pétrole en 2022, s’explique par les « importantes avancées » du Gabon en matière de diversification et de facilitation de l’entreprenariat, « à l’origine d’une économie plus résiliente et d’une modernisation rapide du pays ».

Ces grandes performances économiques et sociales du Gabon et son dynamisme supérieur en Afrique francophone tendent à démontrer que son adhésion au Commonwealth ne s’explique guère par des questions liées à l’économie et au développement, mais par des questions d’ordre politique.

Selon les dernières données de la Banque mondiale, le Gabon affichait un PIB par habitant de 8 017 dollars début 2022, dépassant ainsi celui du Botswana, qui s’établissait à 7 348 $. Ces deux pays ont le double point commun d’être des pays au sous-sol très riche en matières premières non renouvelables, tout en ayant une population comparable. Peuplé de 2,3 millions d’habitants, le Gabon est le huitième producteur africain de pétrole, ainsi que le deuxième producteur africain et le troisième mondial de manganèse. Il est d’ailleurs en passe d’en devenir second producteur mondial, derrière l’Afrique du Sud. De son côté, le Botswana, peuplé de 2,4 millions d’habitants, est le deuxième producteur mondial de diamants, après la Russie.

 

La politique de diversification date de la mise en œuvre du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), en 2009. Visant à le sortir de sa forte dépendance aux industries extractives, tout en oeuvrant à en tirer davantage profit en commençant à transformer localement une partie de la production.

Par exemple, le Gabon s’est illustré par une mesure très audacieuse prise le 1er janvier 2010 : l’interdiction de l’exportation de grumes. Ce, afin de valoriser la filière bois à travers la transformation locale avant exportation, et avec à la clé la création d’un tissu industriel source d’une valeur ajoutée bien plus importante.

 

Grands succès dans le bois

Toujours dans cette optique, le gouvernement a mis en place une série de mesures incitatives afin d’attirer les investisseurs, dont, par exemple, la création de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok, vaste zone franche s’étendant sur 1 126 hectares à proximité de la capitale, et créée grâce à un partenariat public-privé avec le singapourien Olam, géant mondial de l’agroalimentaire. Cette zone abrite désormais près de 80 entreprises (très majoritairement, mais pas uniquement, dans le secteur du bois), et représente à elle seule un tiers de la production nationale de bois transformé.

« Grâce à cette politique, le Gabon a ainsi multiplié par deux le poids de cette filière dans l’économie nationale, qui a pesé pour 5 % du PIB et 15 % des exportations de marchandises en 2021. »

Cette performance s’est notablement traduite par la multiplication par quatre du volume du bois transformé sur la même période, la création de plusieurs milliers d’emplois, et ce, tout en réduisant le volume total de bois coupé ! En quelques années seulement, le Gabon s’est ainsi hissé au premier rang africain et au troisième rang mondial pour la production de contreplaqués.

Depuis peu, le pays monte encore en gamme en commençant à produire des meubles exportables, et envisage même de devenir prochainement un des dix principaux exportateurs mondiaux en la matière. De plus, le développement de l’industrie de transformation du bois commence à entraîner l’apparition de nouvelles industries produisant d’autres matières nécessaires à cette activité. Ainsi, la première usine de fabrication de colle pour contreplaqué vient tout juste de démarrer sa production, en septembre 2022, et constitue une première dans les pays d’Afrique centrale.

Une exploitation forestière au Gabon

En dehors de la filière bois, le Gabon a également porté son attention sur le secteur agricole et les industries agroalimentaires, fortement négligées dans le passé. De nombreux programmes ont ainsi été mises en oeuvre dans le cadre du PSGE, comme le Plan national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle, et le programme Graine, lancés en 2014 et consistant notamment à distribuer des terres, à soutenir la création de coopératives, et à former, financer et équiper des agriculteurs.

Plus récemment, en juin 2021, le gouvernement est même allé jusqu’à adopter une loi imposant aux entreprises actives dans le domaine de la distribution alimentaire de se fournir à hauteur de 50 % auprès de producteurs locaux pour leurs stocks de produits frais et transformés.

 

Relai de croissance dans l’huile de palme

« Une nouvelle loi audacieuse, visant à parvenir à la souveraineté alimentaire sur un certain nombre de produits stratégiques, et à réduire de moitié les importations de produits alimentaires, transformés ou non, d’ici 2025, dans un pays qui importe aujourd’hui environ les trois quarts de sa consommation en la matière. »

L’augmentation attendue de la production agricole se fera notamment à travers les cinq zones agricoles à forte productivité, récemment créées, et s’appuiera également sur un futur centre de recherche et développement dédié au secteur.

Parallèlement, le pays a également développé des cultures destinées principalement à l’exportation, et notamment celles du palmier à huile (pour l’huile de palme) et de l’hévéa, ou encore le café et le cacao qu’il souhaite relancer. En 2020, et malgré la pandémie, les exportations d’huile de palme avaient bondi de 59 %, et représentaient déjà 0,6 % des exportations du pays, quelques années seulement après les premières plantations d’arbres. Ayant inauguré en 2017 la plus grande usine d’huile de palme du continent, le Gabon ambitionne de devenir prochainement le troisième producteur africain et le premier exportateur continental d’huile de palme. Et comme pour la filière bois, l’essor de cette activité est à l’origine de l’apparition d’autres productions industrielles, telles que la production de savon et la fabrication de biocarburants. Laquelle devrait démarrer dès 2023. Ces efforts en faveur du développement agricole et industriel ont par ailleurs été accompagnés d’une politique volontariste de développement des nouvelles technologies et du secteur du numérique.

Le tourisme représente un important relais de croissance.

 

« Les importants progrès réalisés par le Gabon en matière de diversification ont ainsi permis au pays d’avoir une économie plus solide et capable de mieux résister aux crises internationales et aux fluctuations défavorables du cours et/ou de la production des matières premières, que celle de bien d’autres grands producteurs d’hydrocarbures, de minerais ou de pierres précieuses sur le continent. »

À noter que la Chine est désormais le premier partenaire commercial du Gabon, dont elle a représenté 27 % du commerce extérieur en 2021 (et absorbé 33 % des exportations). Elle est suivie par la France, qui arrive en deuxième position avec une part de seulement 10 % du commerce extérieur, comme en 2020.

 

Une adhésion au Commonwealth très politique

L’étude, qui, on le voit, ne tarit pas d’éloges sur le pays, signale d’autres relais de croissance future, à commencer par le tourisme. Regrettant au passage que « contrairement aux pays francophones que sont le Maroc et la Tunisie, l’Afrique francophone subsaharienne à largement et longuement délaissé ce secteur à fort potentiel » La région a « fait ainsi presque ignorer au reste du monde l’existence d’une faune et d’une flore exceptionnelles et comparables à celles pouvant être observées dans certains pays anglophones du continent ».

Enfin, l’organisme considère que ces grandes performances économiques et sociales du Gabon et son « dynamisme supérieur » en Afrique francophone tendent à démontrer que sa récente adhésion au Commonwealth « ne s’explique guère par des questions liées à l’économie et au développement, mais par des questions d’ordre politique ». En effet, et face à une France ayant pris ses distances avec le pouvoir en place, qu’elle pousse régulièrement à faire des efforts en matière de démocratie, les autorités gabonaises sont à la recherche de nouveaux alliés « protecteurs » sur la scène internationale.

@AB

 

Écrit par
Laurent Soucaille

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *