Le FMI appelle les pays arabes à mobiliser leur politique budgétaire

Exemples à l’appui, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, exhorte les pays arabes à rendre plus efficace leur politique fiscale, afin de financer les défis futurs tout en répondant au ralentissement économique conjoncturel.
Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, s’est longuement exprimée lors du septième Forum arabe des finances publiques, qui se tenait à Dubaï le week-end du 10 février 2023.
Avant d’appeler ses interlocuteurs à moderniser la fiscalité, elle a rappelé que pour le monde arabe et son institution, « l’année 2023 est à marquer d’une pierre blanche ». Faisant notamment allusion aux Assemblées du FMI et de la Banque mondiale, qui se dérouleront à Marrakech, en octobre.
Au-delà des considérations sur la conjoncture économique, la dirigeante a fait part d’une préoccupation : « Comment renforcer la résilience des finances publiques pour protéger nos populations, nos économies et notre climat ? » C’est pourquoi elle a tenu à mettre en avant « trois principes directeurs pour aider les pays à renforcer leur résilience en mobilisant leur politique budgétaire ».
Le premier de ces principes consiste à se doter d’un cadre solide pour la conduite de la politique budgétaire et la gestion des risques budgétaires. « Dans un monde marqué par les chocs et l’incertitude, la conduite de la politique budgétaire gagne en importance, mais aussi en complexité », a expliqué la patronne du FMI. Qui en veut pour témoignage la volatilité des prix de l’énergie et des denrées alimentaires dans la région, « qui contraint les autorités à intervenir pour protéger les plus fragiles, tout en préservant leurs plans de développement et d’investissement ».
« Il est possible d’obtenir de meilleurs résultats en améliorant la conception des politiques fiscales et en mettant fin aux exonérations fiscales qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. »
À cette fin, les États doivent disposer de ressources financières suffisantes et planifier minutieusement leur emploi. Pour y parvenir, le Maroc élimine progressivement les subventions onéreuses et non ciblées pour les remplacer par des aides sociales ciblées. La Mauritanie a décidé d’ancrer sa politique budgétaire sur un niveau de référence pour surmonter la volatilité des recettes qu’elle tire de ses exportations minières ; elle a également augmenté les prix des combustibles de 30 % en réduisant les subventions. Enfin, certains pays exportateurs d’énergie profitent des périodes où les cours sont élevés pour constituer des réserves, afin de mieux affronter la volatilité des prix du pétrole.
L’Égypte en exemple
De plus, les pays arabes doivent composer avec de nombreux risques budgétaires qui pourraient découler, notamment, des garanties publiques et des pertes essuyées par les entreprises d’État ; ces risques peuvent déstabiliser l’endettement et forcer les pouvoirs publics à réduire de manière draconienne des dépenses pourtant vitales. Pour mieux y faire face, « l’Égypte améliore le suivi de ce type de risques », a souligné Kristalina Georgieva.
Qui juge « réaliste » les cadres budgétaires à moyen terme adoptés par plusieurs pays arabes. Un cadrage indispensable pour atténuer les risques lorsqu’ils viennent à se matérialiser, et qui permet aux autorités de maintenir des dépenses essentielles, stabiliser la dette publique et inspirer confiance aux investisseurs.
Le deuxième principe consiste à planifier et à investir sur le long terme pour surmonter les difficultés liées au changement climatique.
Il est non seulement urgent de réduire partout les émissions de gaz à effet de serre, mais il faut aussi prendre des initiatives. « Par exemple, pour accroître la capacité d’adaptation de la région, il est essentiel que les pays investissent dans des infrastructures résistantes aux effets du changement climatique et dans des systèmes d’alerte précoce », a insisté Kristalina Georgieva. Les investissements dans les énergies renouvelables et la décarbonation de l’économie des pays de la région sont tout aussi indispensables.

Les autorités des pays de la région ont chiffré à plus de 750 milliards de dollars leurs besoins de financement pluriannuels en la matière. « De tels besoins ne seront satisfaits qu’à condition que des politiques publiques et des solutions financières judicieuses soient mises en œuvre pour favoriser un climat propice au financement privé de l’action climatique. »
Le FMI est en pourparlers avec l’Égypte et d’autres pays concernant l’octroi de financements au titre du fonds fiduciaire d’appui sur ces questions climatiques.
Enfin, le troisième principe consiste à accroître les recettes fiscales, considère la patronne du FMI qui appelle les pays arabes – et d’autres – à renforcer davantage les politiques et les administrations fiscales. Cela a été fait, dans de nombreux pays de la région. Pourtant, le ratio moyen impôts/PIB, hors recettes tirées des hydrocarbures, n’est encore qu’à environ 11 %, ce qui représente moins de la moitié des recettes fiscales potentielles, calcule le FMI.
Moderniser l’administration fiscale
Et Kristalina Georgieva d’estimer : « Il est possible d’obtenir de meilleurs résultats en améliorant la conception des politiques fiscales et en mettant fin aux exonérations fiscales qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. » Exemples ? L’Algérie s’emploie à élargir son assiette fiscale et à répartir plus équitablement le poids de l’impôt. Bahreïn et l’Arabie saoudite ont recouvré des recettes considérables grâce à la mise en place de taxes sur la valeur ajoutée. Les Émirats arabes unis, pour leur part, s’apprêtent à mettre en place un impôt sur le revenu des sociétés.
Pour augmenter les recettes de l’État, il est également essentiel de moderniser l’administration fiscale ; les solutions numériques peuvent jouer un rôle utile à cet égard. C’est ce qu’a fait la Jordanie, et le ministère palestinien des Finances s’y emploie également. La Somalie prend elle aussi des mesures et réforme son administration pour reconstruire ses capacités fiscales. Ce type d’initiatives doit permettre d’augmenter les recettes en assurant un meilleur respect des obligations fiscales par les contribuables.
Par ailleurs, la présidente du FMI a appelé à « approfondir la coopération internationale », jugeant que le niveau d’endettement de certains pays n’« est pas viable ». Appelant à « passer aux actes », elle a reconnu que le monde arabe dispose d’une solide expérience en matière de coopération.
LS, d’après un compte rendu du FMI
@AB