L’Afrique subsaharienne résiste à la chute des IDE

Au premier semestre, l’Afrique subsaharienne n’a pas échappé à la chute mondiale des investissements venus de pays étrangers. Elle s’en sort néanmoins mieux que le reste du monde, et que l’Afrique du Nord, lourdement affectée, à l’exception du Maroc.
Par Laurent Soucaille
La statistique ne surprendra personne. Les IDE (Investissements directs étrangers) dans le monde ont fortement baissé au cours du premier semestre 2020. Cette chute de 49% masque de grandes disparités régionales, précise le Global Investment Trends Monitor, publié le 28 octobre par la Cnuced (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement).
En glissement annuel, les flux mondiaux d’IDE ont donc quasiment été divisés par deux. Selon l’étude, cette chute vertigineuse s’explique par les confinements décidés presque partout dans le monde, et par la perspective d’une récession marquée. Les entreprises multinationales ont, pour la plupart, gelé leurs investissements.
Les pays dont l’économie est basée sur les ressources sont les plus pénalisés, souligne la Cnuced. L’Afrique subsaharienne est moins touchée que l’Afrique du Nord. Dans cette sous-région, les flux d’IDE ont chuté, notamment en Égypte.
« Le déclin des IDE est plus important que nous ne l’avions prévu, en particulier dans les économies développées. Les économies en développement ont relativement mieux résisté à la tempête au cours du premier semestre », commente James Zhan, directeur des investissements et des entreprises à la Cnuced. Qui reconnaît : « Les perspectives restent très incertaines. »
En Afrique, les IDE entrants ont diminué de 28% à 16 milliards de dollars. Les projets nouveaux d’investissement (Greenfield) ont chuté de 66% tandis que les opérations de fusions et acquisition ont diminué de 44%. Les pays dont l’économie est basée sur les ressources sont les plus pénalisés, souligne la Cnuced.
L’Afrique subsaharienne est moins touchée que l’Afrique du Nord. Dans cette sous-région, les flux d’IDE ont chuté (-44% en moyenne), notamment en Égypte (-57%). À noter qu’à l’inverse, les investissements en direction du Maroc ont augmenté de 6%, à 0,8 million $ ; le royaume a bénéficié du caractère diversifié de son économie, souligne la Cnuced.
Les IDE entrants en Afrique subsaharienne ont diminué de 21%, à 12 milliards $. Le Nigeria (-29%) a subi la chute des projets pétroliers et gaziers. En revanche, au Nigeria, China Communications Construction a acquis une part majoritaire au capital de Lekki Port Enterprise, pour 233 millions $. D’autres pays subsahariens ont bénéficié d’intérêts chinois sur la période.
Inertie des pays développés
Enfin, la hausse apparente des flux entrants en Afrique du Sud (+24%) s’explique surtout par des recapitalisations de filiales, davantage que par des projets nouveaux. Sur la période, le gouvernement sud-africain a approuvé le rachat de Pionner Foods par Pepsico, une opération connue de longue date mais effective en mars 2020.
Les IDE à destination des économies développées affichent une baisse de 75 %, en glissement annuel. Elles ont tout de même atteint 98 milliards d’euros au premier semestre. Les flux d’IDE vers l’Amérique du Nord ont quant à eux chuté de 56 %. Les économies développées ont été plus lentes à adopter des mesures de soutien à leur économie, commente la Cnuced.
Globalement, les flux d’IDE en direction des pays en développement ont baissé de 16 %. Une chute moins importe que prévu, principalement en raison de la résistance des investissements en Chine.
Les flux n’ont diminué que de 12 % en Asie, contre 28 % en Afrique donc, et 25 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. À eux seuls, les pays en développement asiatiques ont représenté plus de la moitié des IDE mondiaux. Les flux vers les économies dites « en transition » ont chuté de 81 % en raison d’une forte baisse en direction de la Russie.
En première estimation, le rapport évalue la valeur des fusions-acquisitions transfrontalières à 319 milliards $ au cours des trois premiers trimestres en 2020. La baisse de 21 % dans les pays développés, qui représentent environ 80 % des transactions mondiales, est restée limitée grâce à la poursuite des activités de fusions-acquisitions dans les industries numériques.
Une lueur d’espoir : la valeur des annonces de projets d’investissement dans de nouvelles implantations, un indicateur des tendances futures des IDE, s’est élevée à 358 milliards $ au cours des huit premiers mois de 2020. Le nombre d’opérations de financement de projets transfrontaliers annoncées a diminué de 25 %, les plus fortes baisses ayant été enregistrées au troisième trimestre 2020, ce qui laisse penser que le glissement s’accélère encore.
Pour l’heure, la Cnuced maintient ses pronostics, à savoir une baisse de 30% à 40 % des flux d’IDE en 2020. Toutefois, la courbe à la baisse dans les économies développées devrait s’aplatir, car certaines activités d’investissement semblent avoir repris au troisième trimestre. Les flux vers les économies en développement devraient se stabiliser, l’Asie de l’Est montrant des signes de reprise imminente. Toutefois, James Zhan prévient : « Les perspectives restent très incertaines. »
LS